J'étais en train de lire un de mes livres préférés, Les âmes vagabondes, lorsque Kenan entra dans ma chambre. Et derrière lui... Solal.
Je me sentis blêmir brusquement, puis mes joues se mirent à chauffer. Il ancra son regard sombre dans mes yeux pâles et je sentis toute la déception qu'il contenait. Je rougis de plus belle, mes mains devenaient moites à mesure que je me rendais compte que mon choix de ne rien lui dire était terriblement égoïste.
Kenan, lui, évitait mon regard. Nul doute qu'il devait se sentir coupable. Une bouffée de colère serra brusquemment mon coeur, je n'en revenais pas qu'il ait pu me faire ça ! Il avait appelé Solal sans mon consentement et l'avait fait venir ici ! A vouloir toujours trop bien faire, il en dépassait les bornes.
Puis Genesis entra et la tension retomba légèrement. Elle arborait un sourire rassurant et vint s'asseoir sur mon lit. Kenan partit alors, nous laissant seuls, et Solal s'approcha doucement de moi. Ses poings étaient serrés, sa mâchoire contractée ; il avait du mal à contenir sa colère.
— Tu étais enceinte de mon enfant et tu n'as pas pensé que j'aurais aimé le savoir ?
Je tressaillis sous son regard de braise et son ton où transparaissaient colère et déception.
— T'inquiète, Ama, tempéra Genesis. Il t'en veut pas vraiment. Il est juste soulagé que tu ailles bien.
Solal se renfrogna, vexé, et Genesis lui tira la langue. J'étais mal à l'aise face à eux alors qu'ils semblaient tout à fait détendus. Je m'en voulais que Genesis soit là pour assister à cette scène. J'avais conçu un enfant avec son frère, et ils étaient tous les deux là pour le voir, alors qu'elle m'aimait. J'aurais dû faire un effort pour paraître calme, moi aussi, mais j'en étais incapable. En vérité, j'étais nerveuse à l'idée qu'on m'oblige à garder l'enfant.
— Tu sais, Ama, j'ai beau être énervé, j'ai les idées claires. Tu devrais garder cet enfant. Je suis prêt à t'aider. Mes mères sont au courant, elles respecteront ta décision.
Son ton était grave, ses yeux cherchaient les miens. Mais je détournai le regard. Je ne voulais pas voir sa sollicitude ou sa compassion.
— Je n'en veux pas, Solal. Je ne le garderai pas.
Ma voix était sèche, cassante. J'avais pris ma décision et personne ne me ferait changer d'avis, pas même lui, qui avait pourtant bien le droit de faire ce choix.
— Ama... Je sais que c'est ton avis qui prime, mais je suis prêt. Si ça ne tenait qu'à moi, j'accepterais.
Je secouai la tête de gauche à droite et plantai mes yeux dans les siens. En voyant la détermination qui m'habitait, il recula. Genesis s'était tue, se contentant de nous observer l'un après l'autre.
— Laisse tomber. J'en veux pas.
— Mais arrête ! On dirait que tu parles d'un animal de compagnie !
— Toi, arrête ! Tu te rends compte de la situation, ou pas ? On est encore des gamins, on a même pas notre bac, et tu voudrais qu'on ait un enfant ? Mais réfléchis ! Je ne suis même pas quelqu'un de stable !
En témoignent ces cicatrices, là, sur mon bras, avais-je envie d'ajouter. Je me tus et me tournai vers le mur. La discussion était close. Je l'entendis soupirer puis sortir. Seule Genesis resta. D'une petite voix, presque timide, elle demanda :
— C'est un garçon ou une fille ?
Mon estomac se tordit et je faillis rendre mon repas. Un malaise s'empara de moi. Je ne connaissais même pas le sexe de mon propre enfant... Comment pourrais-je m'en occuper convenablement ? Des larmes me montèrent aux yeux et je réprimai à grand peine un sanglot.
VOUS LISEZ
Déni de Vie [Réécrit]
Fiksi RemajaAmaryllys survit. Rien ne compte plus pour elle, même si ses amis tentent tout pour maintenir sa tête à la surface d'une mer d'encre, l'empêcher de sombrer dans la tempête. Jusqu'à cet étrange garçon aux yeux magnétiques, attiré par son chaos intéri...