.3.

102 17 11
                                    


Ma première vision fut celle d'un homme étendu sur le sol, probablement mort, écrasé par la foule qui l'entourait. Ses yeux vides me fixaient, comme s'ils m'accusaient personnellement du meurtre. Je ne regardai rien d'autres tant cette vision choquante me paralysa. Je n'eux de toute façon pas le temps d'en voir beaucoup plus. On enleva très vite le corps de mon champ de vision, et celui-ci disparut très rapidement. Je me fichais un peu de savoir ce qu'il advenait de son corps. Car au fond de moi, je le savais. Mais je ne pouvais concevoir que quelqu'un ait déjà perdu la vie à bord de l'arche. Le décompte commençait déjà et nous venions à peine de monter à bord.

Était-ce là ce que l'on appelait la sélection naturelle ? Seuls les plus forts survivraient ? Ou était-ce un mauvais choix du destin ? De prime abord, nous devions tous être condamnés... Il n'était que le premier d'une longue série. Ou plutôt la suite logique d'un désastre en cours.

L'agitation me tira de ma réflexion et me força à détailler les moindres recoins qui m'étaient accessibles. Ce que je pris au départ pour des cages étaient en réalité des couchettes, aménagées pour une personne. Mais la plupart du temps, il s'en trouvait trois ou quatre entassés dessus, rendant le tout instable et inconfortable. L'ordre était de trouver une place, mais il y en avait peu, et il fallait s'en arranger au possible. Satisfaire tout ce monde tiendrait du miracle et beaucoup devraient faire des sacrifices. Malheureusement, très peu s'avérait capable de faire des concessions. L'égocentrisme et le narcissisme, prévalaient toujours même dans un contexte de fin du monde.

Beaucoup dormiraient sur le sol et seraient écrasés par quelques malotrus venus leur marcher dessus. C'était inévitable. Nous ferions face à de nombreuses pertes dans les heures à venir...Et même dans les prochains jours. L'anarchie et la loi du plus fort seraient les nouvelles règles.

Notre douleur ne faisait que commencer. Tout d'abord par le cri lointain d'un nouveau-né mourant probablement de faim. Puis par celui d'un homme, et du bruit sourd d'un coup de poing. Des hurlements survinrent durant plusieurs minutes, et apeura nombre d'entre nous.

Les perturbations de ce genre allèrent en augmentant, et créèrent très vite, un climat de panique. L'angoisse me saisit soudain. J'imaginais être la prochaine, même si depuis ma place, je n'attirais pas beaucoup l'attention. Tôt ou tard, on me remarquerait, et l'on me ferait payer le fait d'être présente. Pour une raison quelconque, l'homme trouvait toujours une excuse pour justifier ses actes. Il finissait par s'en accommoder, et le prenait pour vrai, au détriment d'autrui.

La discrétion me vaudrait de rester en vie autant que nécessaire. Du moins, je l'espérais. Trop de réflexion pour mon pauvre cerveau qui ne cessait d'ailleurs de regarder de tout côté, comme le ferait une proie qui essayerait d'échapper à son prédateur invisible.

Au moindre mouvement, ma tête se tournait pour observer ce qui se passait. Bien sûr, tout ceci résultait de l'état de confusion générale qui cesserait aux premiers signes de fatigue. A moins que ce ne soit l'inverse et qu'avec elle, une bagarre générale se créée.

Il n'y aurait pas que cela. A un moment donné, d'autres facteurs s'ajouteraient à la liste, et il m'était impossible de discerner lesquels. Ces différentes inconnues augmentèrent alors mon angoisse, ainsi que ma peur d'être tuée. J'étais toujours comme ça de toute manière. Je réfléchissais trop. Je me créais d'ailleurs plus de problème de cette façon.

Peut-être était-ce le silence qui me perdait ? Allez savoir. En tout cas, le mec de deux mètres de haut qui manqua de s'écraser face contre terre parce qu'il ne m'avait pas vu, n'attendit pas longtemps pour me le faire comprendre.

Le Dernier RemèdeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant