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Les fourneaux, les sauces, les plats à concevoir... Honnêtement, ça me dégoûtait. Peut-être parce que je n'avais pas l'habitude et que ce n'était pas fait pour moi ? Ma place n'était pas là, et si cela m'était possible, je fuirais à toutes jambes.

L'expliquer à la fameuse Juanita fut compliqué et son accent espagnol très prononcé rendait le tout incompréhensible. Je ne voyais que ses cheveux noirs s'agiter dans tous les sens, ses lèvres remuer, et ses bras battre l'air à tout bout de champs. Par moment, l'un d'eux me menaçait avec une louche pleine de ragout.

—Ce n'est pas contre vous ! m'excusai-je.

Malheureusement pour moi, l'hystérie de la jeune femme alerta les pauvres oreilles de Carlton après quelques longues minutes. Pour les entendre, il n'avait pas dû se trouver très loin.

—Que se passe-t-il ?

Juanita lui raconta évidemment sa version. Inutile que je me défende contre eux car on ne me croirait pas. Et je n'avais rien fait de mal.

—Après une journée, vous abandonnez déjà ? me réprimanda celui-ci mécontent.

A son air frustré et à son regard courroucé, je compris que ce ne serait pas simple. Il ne voulait rien entendre et souhaitait me voir continuer.

—On m'a affamé pendant cinq ans. Alors non, ce n'est pas ma place, m'exclamai-je déterminée à changer de poste.

Franchement, il ne me faisait pas peur. Au pire, s'ils avaient une prison, ça ne me dérangerait pas d'y vivre.

—Revenez demain, et les jours suivants, déclara Carlton peu enclin à comprendre mes paroles. Riley vous a protégé trop longtemps. Vous auriez dû revenir plus vite que cela. Je n'aurais pas dû le laisser s'occuper de vous.

Que venait faire Riley dans cette histoire ? Pourquoi lutter ? Je ferais comme il me dirait. Je reviendrais, sans lui garantir un quelconque résultat. Je refusais tout bonnement de vivre sans les deux personnes qui comptaient pour moi.

Pourtant, j'y serais obligée. Alors pourquoi je devrais faire ça ? Je ne leur devais rien. Je ne leur avais pas demandé de me sauver. Je ne voulais pas vivre ici.

Agacée, je les quittai sans rien dire, et leur promis de revenir le lendemain. Il me fallut un temps fou pour retrouver le grand hall du rassemblement où attendait Riley. Était-il là pour moi ?

Surprise par sa présence, je ralentis le mouvement, bien avant de stopper net une fois à sa hauteur. A son air espiègle, je compris qu'il me sortirait une petite blague. Quand Carlton lui aurait expliqué la petite mésaventure, il ne serait plus du tout comme ça.

—Je vois que tu as passé une bonne journée ! ironisa-t-il.

Ça se voyait tant que ça ?

—Juanita m'a l'air gentille pourtant, continua-t-il. Qu'est-ce qui n'allait pas ?

—Je ne devrais pas être en cuisine, avouai-je peu de temps avant que le lutin n'apparaisse au loin.

Riley n'eut aucun mal à deviner la suite de l'histoire. Il paraissait être de mon côté, et j'appréciais son geste.

—On te trouvera autre chose, me rassura-t-il bien avant que Carlton ne dise le contraire.

Il avait le don de me foutre le moral à zéro. Après cela, il demanda à Riley de ne plus me couver comme une enfant gâtée. Ce que j'étais peut-être après tout...

—Elle reviendra demain à la même heure, termina Carlton agacé. Montrez-lui sa nouvelle chambre, et ensuite, évitez de vous fréquenter. Nous n'encourageons pas la fainéantise.... Ni certaines relations...

Carlton disparut tout de suite après, et nous laissa enfin seuls. Quelqu'un aurait-il un jour le courage de le remettre à sa place ? Il osait également dire que j'entretenais une relation avec Riley, ce qui était totalement faux, au point de me mettre en boule.

—Il est juste un peu tendu depuis quelques temps. Il ne faut pas lui en vouloir.

C'était trop demander. Nous devrions sans doute arrêter de discuter aussi, sous peine de finir guillotiner par notre cher dirigeant en mal de pouvoir. Mais Riley n'était pas de cet avis. Alors il aimait enfreindre les règles ?

—C'était si horrible que ça ? m'interrogea-t-il ensuite pour en revenir à notre sujet principal.

Il m'incita à le suivre, dans une nouvelle série de couloir qui m'était jusque-là inconnue. Cette fois, plus question de retourner à la chambre que j'avais occupé ces trois dernières semaines.

Encore quelque chose de nouveau auquel je devrais m'habituer. Il fallait que je me mettes à oublier... Oublier tout ce qui rendait ma vie si difficile. Que ce soit pour quelques minutes, quelques heures, ou plus encore... Je ne supporterais plus cette douleur très longtemps, même avec Riley pour me soutenir.

Je ne désirais qu'une chose en cet instant, revenir en arrière et empêcher la rébellion.

Le Dernier RemèdeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant