3 - réécrit

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- T'es maligne en fait comme gamine, il raille.

C'est à mon tour de le fusiller du regard. J'ai pas tellement envie qu'il s'imagine que j'invite des inconnus chaque fois que je sors. Même si j'avoue que vu de l'extérieur ça doit un peu ressembler à ça. Surtout que j'ai pas non plus de relations hypers sérieuses, histoire de rendre les choses un peu plus compliquées.

J'ai eu un copain pendant un temps, mais vers la fin on se prenait tout le temps la tête. À croire qu'on ne se comprenait plus. Je secoue la tête, faut pas que je commence à avoir l'alcool triste.

Un dernier regard vers Abi et je me fraie un chemin à travers la foule si bien que je me retrouve dehors en moins de deux. Je profite de l'air frais et inspire un bon coup. Je grimace, je m'étais pas rendue compte à quelle point ça puait à l'intérieur. Putain.

Ah ce genre de lieux qui réuni aussi bien les gens que les fluides, génial hein.

La brise parisienne m'effleure tout le corps. Ça caille alors que le ciel est super clair ce soir. Comme d'habitude j'ai pas pris de veste et c'est maintenant que je m'en mords les doigts. Un vent froid souffle et j'en frissonne des pieds à la nuque.

- Alors on a froid dans sa petite robe à paillettes ?

Adossé au mur, Joli-cœur fume une clope. Et ce con se fout ouvertement de ma gueule. À force de voir sa garo se consumer lentement, j'ai envie de tirer dessus. Sauf que je fume pas souvent et j'suis pas enchantée par l'idée d'être prise d'une quinte de toux monumentale devant ce type. Pas trop la force d'affronter ses railleries.

Une fois fini, il jette son mégot à terre et on commence à marcher.

-Aïe, vas-y me bouscule pas. Faut que tu t'détendes.

Je hausse les sourcils, il m'énerve. C'est lui qui m'emmerde en premier et il ose se plaindre quand je riposte.

On fait quelques mètres en silence. Mon camarade semble savoir où aller alors je lui emboîte le pas sans vraiment trop réfléchir. Je devrais pas lui faire confiance. Après tout je le connais que depuis quelques heures.

Bizarrement je me laisse aller, y'a une sorte de bienveillance qui se dégage de ce mec. C'est con de dire ça, mais je me sens à l'aise avec lui.

-T'habites où ? il demande.

Je suis surprise par sa question, je pensais naïvement qu'il avait une destination précise en tête.

-Place d'Italie.

Ma réponse est vague mais Joli-cœur semble s'en contenter. Il acquiesce, mains dans les poches. En le voyant faire ce geste, j'essaie moi aussi de fourrer mes mains bien au chaud. Seulement ça s'était avant que je me rappelle que je ne porte qu'une robe.

-J'ai froid, je souffle.

Et comme pour confirmer mes paroles, un nuage de fumée s'échappe de ma bouche. J'aurais préféré que ce soit du tabac. Merde, il m'a vraiment donné envie de fumer, ce con.

-Tu peux toujours crever pour que je te passe ma veste, il raille.

Il affiche un rictus. A quoi je m'attendais ? Au fond sa réaction m'amuse et et je ris.

-T'es cheloue comme meuf.

Il fronce les sourcils mais le sourire qu'il affiche trahit son amusement. J'pourrais jurer que cette fois-ci il ne se moque pas. Seulement je le connais pas assez pour en être sûre.
Je ne peux qu'observer ses petites dents rendues visibles depuis qu'il a entre-ouvert la bouche. C'est vraiment super sexy putain.

Au détour d'un rue, je le vois qui se penche pour ramasser un truc au sol. Je me pose pas trop de question, si ça le chante de toucher le sol dégueu avec ses mains. Ça regarde que lui, après tout.

Merde, j'ai dû dépasser un certain seuil d'alcoolémie pour trouver ça normal. Je suis sûre que c'est à cause du spritz, ce mélange était beaucoup trop bon pour ne pas être traître.

Après quelques minutes passées dans le vide, mes yeux se reconcentrent sur mon camarade. Mon cœur loupe un battement quand je remarque que ce qu'il ramasse est une planche.

C'est comme si on m'avait mise sur pause. Comme si quelqu'un me bloquait dans mes souvenirs. Des souvenirs douloureux. Et avec eux s'accompagne un flot de remords.

J'inspire un grand coup. J'ai juste envie que cette grosse boule dans ma gorge disparaisse, que cette putain de culpabilité aille se faire foutre. Le malheur ne peut jamais flotter seul, il a toujours besoin d'une planche pour se maintenir à la surface.

Ma planche à moi est solide, elle me tord le ventre et m'étouffe car je suis en partie responsable de ma souffrance. Même si Abi et mon père s'évertuent à m'assurer le contraire.

Un.
Deux.
Trois.
Faire le vide.

Je ferme les yeux une micro-seconde avant de les rouvrir. Aller, c'est pas une simple board qui doit me faire replonger.

J'ai encore un temps d'arrêt. Mais je n'ai pas à attendre bien longtemps avant que mon compagnon du soir ne me sorte de ma torpeur.

-Ben quoi ?! il questionne.

-Rien on y va, je fais une pause puis ajoute, t'es sûr qu'on peut tenir à deux sur un skate ?

Pour le coup je suis carrément hésitante. Ça pue le plan foireux et j'ai pas spécialement envie de finir ma nuit à l'hosto. En plus vu tout l'alcool que j'ai de le sang, les medecins seraient capable de m'envoyer en cellule de dégrisement. C'est pas le truc qui me fait rêver en ce moment.

-Bah ouais...si je te porte, il répond.

Forcément. Honnêtement, je songe à le planter sur place. Mais bon, à quoi sert la vie si on prend pas de risque, hein. C'est ridicule d'avoir besoin de se réciter des phrases toutes faites pour se rassurer.

Je fixe tour à tour ce type que je viens de rencontrer et la planche. À bien y réfléchir ça en devient presque excitant. Surtout quand j'aperçois une lueur de défi dans le regard de Joli-cœur.

Je hoche la tête, signe que j'accepte son idée foireuse. Je frisonne quand ses mains me saisissent pour me porter, il aurait pu me prévenir.

-Carrément, la méthode princesse. T'es un putain de séducteur en fait !

-Ça va, prend pas trop la confiance, il réplique.

Je vois qu'il se retient de rire alors ça me donne encore plus envie de le faire chier. Il est passé de con-machiste à bon-pote. J'avoue que ça me trouble.

- 'Fin si j'étais une princesse j'aurais le droit à un carrosse.

- C'est vrai que j'aurais pu te ramener sur ma Peugeot 103, il me susurre à l'oreille.

Je réprime un sourire, ce truc n'existe même plus. Je crois. Puis de toute façon, avec les normes anti-pollutions elle serait recalée à tous les coups.

- Merde c'est vrai qu'après minuit le carrosse se transforme en citrouille pourrave, J'avais oublié, je fais la moue.

- Si t'es pas contente de mon skate tu peux rentrer à pied aussi.

Je le sens se raidir, se mec se vexe tellement facilement ! Il va vite me soûler avec son ego. C'est pas parce qu'il est lunatique qu'il doit être insupportable. Merde.

Bécane - LomepalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant