Le grand bol d'air frais me fait vraiment du bien. Ça dissipe un peu les effets de l'alcool. J'ai l'impression que ma tête est plus légère. Je dois avouer que j'étouffais un peu à l'intérieur.
Antoine m'a devancé. Il enchaîne les flips depuis 5 bonnes minutes. Il les réussit plutôt bien ce con. Je suis jalouse.
Je ferme les yeux quelques instants. J'avais oublié à quel point j'aimais le bruit du skate sur le bitume. Ça me manque. Vraiment. Aussi, ça me trouble.
-Antoine !, il se retourne. J'peux essayer ?
Il me fixe. Joli-cœur à l'air septique.
-Roooh c'est bon j'vais pas te le voler ton bordel, je raille.
Il hausse les épaules et abdique.
-Tu sais en faire au moins ?
Pour seule réponse je prends sa planche et lui souris. J'ai une putain de boule au ventre.
Je m'élance et commence par faire quelques tricks basiques. Histoire de m'assurer que je maîtrise toujours les bases.
Je respire un grand coup et tente un 720 Gazelle Flip.
- Oh putain !, lâche Joli-cœur.
J'ai réussi mon coup. Je suis fière. La modestie peut se faire enculer. Je lui rends sa planche.
-T'as osé me cacher que tu skattais, il râle.
Je dis rien et m'assois à ses côtés, à même le sol.
-T'en fait depuis longtemps ?, il demande.
-J'en faisait surtout avant. On aimait bien avec mon frère. En fait c'était surtout son truc, il faisait des compets et tout.
Un silence s'installe. Le même que celui du métro. J'en profite pour faire le point.
Je suis remontée sur une planche pour la première fois depuis 6 mois. Je mérite bien un instant de répit. Je me sens coupable. C'est con.-Cool.
Antoine ne remarque rien. Tant mieux. Ce mec est vraiment centré sur lui.
Je m'empare de la bouteille et bois une rasade de whisky avant de la rendre. Je soupire et m'allonge.-C'est degueulasse le sol, il lance.
Je ferme les yeux. Ça y est je déprime. Foutu skate à la con.
- J'essaie de pas penser au chewing-gum qu'est probablement sous mes cheveux alors ce serait cool de pas m'en parler, merci.
Mon compagnon fait la tête. J'avoue que j'ai sûrement été trop agressive. Flemme de m'excuser. Ç'est pas une phrase qui va le tuer.
Le tuer...Putain. Je craque. J'étouffe un sanglot. C'est pas dans mes habitudes de céder. Bon on va pas se mentir l'alcool ça aide.
-Passe moi la bouteille. Tu partage même pas, je murmure.
Il me la tend et je la vide à moitié. Rassurez vous elle est plus pleine depuis longtemps.
-Alcolos, lance Antoine.
- Pas moi qu'est ramené la bouteille, d'abords.
Il lâche un rire.
-T'es maligne.
Je baisse les yeux. La crise de larme est passée.
-Tu l'as déjà dis, je me redresse et le fixe.
Il est plutôt sexy avec ses binocles. Cet enculé a raison : ça me fait de l'effet. Et voilà qu'il se mort la lèvre.
-Arrête de faire ça...
Il se penche en avant. Je vais le tuer si il continue.
-Arrêter de faire quoi ?, il murmure contre mes lèvres.
C'est moi qui ai utilisé cette technique la première fois qu'on s'est vu. Il a pas le droit de tricher.
-T'es un tricheur, je boude.
Il esquisse un sourire en coin. Putain même ses dents sont belles. La tension est insoutenable. C'est bon il a gagné, je craque pour la deuxième fois de la soirée. Je plaque mes lèvres contre les siennes et les entrouvre. Sa langue caresse la mienne dans une danse sensuelle. Antoine touche mes cheveux et m'attire toujours plus près. Sa bouche est tellement chaude. Je frissonne pendant que lui laisse échapper un gémissement.
Cette fois-ci c'est lui qui perd.
Je saisi la bouteille et bois au goulot. Maintenant la déprime revient. Sauf que cette fois j'éclate pour de bon en sanglots. Je vois Antoine sur le côté qui s'allume un joint et tire une latte.
-Tiens, t'en veux ?
Il me le tend. J'hésite un peu. Moi j'ai pas fumé souvent, c'était surtout mon frère. Et puis merde. J'attrape son spliff et fume.
- Les joints c'est pour empêcher les larmes de couler, le scotch c'est pour les choses irréparables.
Je médite un instant sur ses paroles. Elles sont putain de vraies. Ça me fait sourire. Après un long silence je commence à avoir le cerveau embrumé. Je plane. C'est con maintenant j'ai les yeux doublement rouges. J'ai faim.
-Viens, on rentre chez moi et on se fait à manger, je lance.
Joli-cœur acquiesce. Il m'aide à me relever et on remonte la rue. On fait pitié : deux cons défoncés qui marchent pas droit en pleine nuit. Ça me rassure de me dire qu'on est certainement pas les premiers.
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Bécane - Lomepal
FanfictionL'histoire de Clémentine Artaud, étudiante de 23 ans, et d'un jeune rappeur, Antoine dit "Lomepal". Et si le skate pouvait briser une vie, mais aussi en reconstruire une ? "Tout allait mieux quand on roulait sur ma Peugeot 103" Un chapitre posté pa...