12

2.3K 134 15
                                    

Allongée dans le lit, je joue avec la chaîne qu'Antoine a autour du cou. Je baille, toute cette histoire m'a crevée. Me coucher tard deux soirs de suite c'est dur la semaine. Putain, je vieillis.

Mon acolyte se lève pour sortir de sa chambre. Au passage il attrape un caleçon propre et l'enfile. Je souris, c'est vrai qu'il a un joli petit cul. Rien d'extraordinaire mais pas banal non plus. Son fessier a un charme quoi. Je rigole face à ma propre connerie, je deviens grave. Ça y est je suis atteinte de démence sénile. Je me fatigue.

Je m'étire et m'avance vers le salon. Je peux voir la porte de la cuisine entrebâillée.

- J'peux prendre une douche vite fait ?, je demande.

Je retrouve un Antoine la tête dans le frigo. Grillé. En plus c'est pas juste, moi aussi j'ai faim.

- Ouais s'tu veux, il me tends des fringues et me montre la salle de bain.

D'ailleurs elle est petite. Vachement petite. Les joies d'habiter à Paris intra-muros. Des fois je me tâte à aller en périphérie, genre Montrouge. C'est mignon Montrouge. Sauf que non parce que même si j'ai beau gueuler parfois j'aime beaucoup trop le 13ème.

Je jette un coup d'œil aux vêtements que Joli-cœur m'a filé : un tee-shirt blanc et un caleçon. On va pas aller loin avec ça. Enfin, c'est mieux que rien. Je file sous la douche. Cette fois ci je me suis surpassée, en trois minutes je sors.

- Tiens, Antoine me tends une cuillère.

Je m'assois à côté de lui et plante mon couvert dans le bac de glace. Je ferme les yeux un instant pour savourer. Je dois avoir l'air vachement conne parce qu'Antoine est pris d'un fou rire. Je lui donne un cou de coude.

- Eh on plaisante pas avec la vanille, je râle.

- Ok ok j'ai compris : pas la glace et pas la musique. La liste commence à être vachement longue, il raille.

Je lui lance un regard noir et son hilarité repart de plus belle. Enculé. On continue notre "repas" super diététique en silence. Au bout d'un moment j'en peux plus, mon ventre va exploser.

- Rassure moi, il était déjà entamé le pot ? On a pas vidé la moitié hein, je questionne.

- Je viens juste de l'ouvrir désolé, il répond.

- Putain, je me mords la lèvre. Ça y est je culpabilise, on a bouffé comme des porcs !

Joli-cœur lève les yeux aux ciel. Au moins on était à deux, j'ai pas fait ça toute seule. Mouais sauf qu'un bac ça fait minimum 1,5 litres. Un rapide coup d'œil ne fait que confirmer mes craintes. Bordel, je me dégoûte.

- Je suis rentrée des courses, lâche une voix féminine.

Mais quelle idée de faire des courses à une heure pareille, merci les épiciers. Je me tourne vers Antoine qui se dépêche de ranger la glace. Il a peur de se faire choper en train de boulotter et ça me fait sourire. Il lance un rapide "J'arrive maman". J'écarquille les yeux. Non j'y crois pas, je me retiens de rire difficilement. Il vit encore avec sa mère ! C'est donc un ménage à trois, ils doivent s'éclater. Je me demande comment Yassine a réussi à s'incruster. Au moment où j'allais exploser Joli-cœur met une main sur ma bouche.

J'entends une porte claquer.

- Dépêche ma mère est partie pisser alors t'as deux minutes pour sortir, il me lance.

Cette fois ci je ne me retiens pas et souris. Il assume même pas ses plans cul. Ce con m'exaspère de plus en plus.

- Je te préviens il est hors de question que je passe par la fenêtre. On est plus des ados, je réplique.

J'enfile mon jean et mes chaussures et m'apprête à franchir la porte d'entrée.

- Attends prends ça, il me tend une planche.

Je lève les sourcils.

- Tu gardes mes vêtements en échange d'un skate, j'suis pas sûre que le deal soit équilibré, je souris.

Il hausse les épaules et souris. Il a intérêt de laver mes fringues, au moins la culotte. Je chuchote un rapide "bye" auquel il me répond puis je m'engouffre dehors.

La nuit est super sombre. Je m'élance sur le skate d'Antoine. Ça m'arrange pas mal qu'il est eu l'idée de me le passer. Je vais plus vite qu'à pieds. J'aime pas me balader seule la nuit dans Paris, heureusement j'habite pas très loin.

N'empêche, j'ai toujours peur de tomber sur un détraqué sexuel. Ou sur un vampire assoiffé de sang. Je souris, après tout on a pas la preuve irréfutable qu'ils n'existent que dans les films. Je vois déjà les gros titres : "Clémentine, jeune étudiante de 23 ans, assassinée par le sosie officiel de Demon Salvatore". Je frémis, je me demande si à l'autopsie ils verront que je suis bourrée de glace à la vanille premier prix. La honte.

Je suis tellement perdue dans mes pensées que je ne remarque pas qu'il y a une voiture sur ma droite. Je prends conscience de sa présence quand elle me frôle. Avec la force je tombe de mon skate. L'automobiliste klaxonne et s'en va. Bordel.

- Connard, je crie et lui fais un doigt.

Putain. Je fonds en larmes. Ça aurait pu m'arriver à moi aussi. Je tremble de tout mon corps. J'ai fait que très peu de crises d'angoisses dans ma vie mais celle-ci est ultra violente. Je me roule en boule, secouée de spasmes tandis que les souvenirs m'assaillent.

Bécane - LomepalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant