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- Nul. J'aime pas du tout, lance Antoine.

J'écarquille les yeux. C'est impossible. Il ne peux pas ne pas aimer. C'est vrai, cette chanson est juste parfaite. C'est toute ma vie. Et je n'exagère pas.

- T'es pas sérieux ! T'aime pas Guns N' Roses ?, je réponds.

Il hoche la tête. Je suis estomaquée, vraiment. Il n'aime pas Knockin' On Heaven's Door, ni Don't Cry. Je savais déjà que ce mec avait des goûts musicaux douteux mais à ce point ! Ça me troue le cul.

Je retire l'écouteur que j'avais vissé dans son oreille, sous prétexte que lui ne peut pas le faire tout seul. Depuis que monsieur s'est cassé les poignets, il joue au véritable handicapé. Je suis sûre qu'il le fait exprès et qu'il en rajoute une couche.

En plus si ça se trouve il n'a rien. Après tout, on n'a toujours pas eu la confirmation. Je souffle rien qu'à cette pensée, ça me rappelle qu'on est toujours dans cette putain de salle d'attente.

Je me rassure. Au moins on a fait les radios, c'est déjà ça. D'ailleurs vu les petits cris que retenait Joli-cœur lorsque le toubib manipulait sa main, je suis sûre qu'il a vraiment réussi à se faire mal ce con. Ou alors c'est une vraie diva, c'est une autre possibilité envisageable. En plus j'ai dû batailler pour pouvoir rester avec lui pendant la consultation. Techniquement j'avais pas le droit de rentrer, je ne suis pas de la famille.

Je souris. C'est un peu la merde ce soir. Et puis le métro ça a vraiment été une galère. Heureusement, on a réussi à choper un des derniers.

- Pourquoi c'est toujours aussi chiant les urgences ?, je râle.

Mon agacement à l'air d'amuser Antoine. Enculé. Je lui donne un coup dans les côtes.

- Aïe. Je suis blessé j'te rappelle, il rit.

Je lève les yeux au ciel. Il m'exaspère. Encore. Je me souviens même pas combien de fois je me le suis dis.

- Je suis censée prendre le train demain et j'ai toujours pas fait ma valise putain, je souffle.

Je prends mon visage entre mes mains. Je suis vraiment dans la merde.

- Tu vas voir ton père ?

J'acquiesce. Ça va me faire du bien, la dernière fois que je l'ai vu c'était y'a six mois... Je grimace face aux souvenirs. Ma boule au ventre grossit quand je me dis que mon frère repose sûrement dans une chambre à quelques mètres, là maintenant. Je soupire, je commence à culpabiliser.

- Et ta mère ?, il demande.

Je fronce les sourcils. Je m'attendais pas à cette question. Après tout, lui n'évoque jamais son père. Je me détends, après tout je m'en fout.

- Mes parents sont divorcés, j'ai pas trop connu ma mère.

Il me fixe alors je hausse les épaules.

- Monsieur Valentinelli s'il vous plaît.

À l'entente du nom de Joli-cœur, je relève la tête. Allez, on en a bientôt fini. Je jure que si ce con n'a rien, je lui donne un coup de pied au cul monumental.

Je me lève mais le regard noir du médecin me fait comprendre que cette fois-ci, il ne cédera pas. Je soupire. C'est une règle à la con. Antoine me regarde.

- T'inquiète. De toute façon j'ai un truc à faire, je lance.

Il est temps pour moi de faire face et d'accepter la réalité. J'entends Antoine murmurer un "on se retrouve dans l'entrée". Je m'engouffre dans le couloir, à la recherche de l'accueil. Sauf que cet hôpital est géant. Fait chier.

Je demande le chemin et une infirmière me conduit. Je suis étonnée, j'ai jamais vu une infirmière disposée à faire autre chose que tirer la gueule.

- Bonjour. J'aimerais connaître le numéro de chambre de Calvin Artaud.

La dame au bureau relève la tête.

- Vous êtes de la famille ?, elle grogne.

Putain. Elle sera pas bouffée par son amabilité celle-là. Je réponds un "oui, je suis la sœur" et elle m'indique le numéro. Elle ne se poserais pas la question de notre lien de parenté si elle avait vu mon frère, on se ressemble comme deux gouttes d'eau. Un peu comme Deen et Jehkyl, sauf qu'on a pas le même sexe.

Je me met en quête de ladite chambre. Je me stoppe après de longues minutes d'herrance.

1518, voilà ma torture. Je pose ma main sur la poignée. Mon cœur bat à cent à l'heure. J'ai l'impression qu'il déborde. Il va lâcher. Au moins si je fait un arrêt cardiaque je suis déjà à l'hôpital. C'est un bon point.

Mais c'est pas l'heure de plaisanter. Je respire un grand coup et resserre ma prise sur la poignée.

Bécane - LomepalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant