Je descends les escaliers quatre à quatre et rejoins le métro. Mes gestes sont automatiques tellement je connais le chemin, après tout la ligne 6 c'est un peu chez moi. On est en début d'après midi et y'a pas grand monde dans le wagon, c'est agréable.
- C'est pas gentil d'essayer de me semer, lance Deen.
Je souris, il est essoufflé. C'est fragile à cet âge là.
- Bah alors Papy, on a pas de cardio ?, je ris.
Bon j'avoue que c'est pas du jeu : c'est lui qui porte ma valise. C'est donc plus que normal qu'il soit crevé.
Je baille, je commence aussi à fatiguer. Quand on y pense, la dernière fois que j'ai dormi remonte à une éternité. Avant hier, je crois. Je m'assis sur les strapontins.
- Euh princesse...tu fais flipper avec ton regard dans le vide là.
Je secoue la tête.
- Désolé, je souris.
J'ai même pas senti que je commençais à piquer du nez. Maintenant je dois lutter pour ne pas m'endormir, ce serait con de rater mon arrêt alors qu'on est à même pas 3 minutes de la station Place d'Italie.
On descend enfin du rail et je souffle. Plus que quelques minutes de marche et je vais enfin pouvoir dormir. Je me vois déjà avachie sur mon lit, en train de sombrer comme une grosse merde. Je crois qu'au fond je suis encore un bébé : je suis capable de pioncer absolument partout et dans un temps record. Mais bon après tout un lit c'est fait pour dormir alors c'est plutôt bon signe si j'arrive à me reposer dedans.
Je suis la route en silence, Deen toujours près de moi. C'est étonnant qu'il ne parle pas, ce mec est encore plus bavard que moi. Je dois vraiment avoir une tête qui fait peur pour que l'ancien se taise.
Arrivé en bas de chez moi, Deen entreprend de hisser la valise dans les escaliers.
- Tu veux de l'aide ?, je demande.
Papy secoue la tête. Je passe devant lui pour être plus vite devant mon appart', comme ça je vais pouvoir ouvrir ma porte avant qu'il arrive. Je ne culpabilise même pas de le laisser galerer tout seul. Après tout c'est son choix de refuser l'assistance que je lui ai proposé. Je souris bêtement, j'admire franchement la capacité que j'ai pour me déresponsabiliser des choses. Ça, c'est des années d'entraînement avec ma famille.
Je me souviens que quand il fallait mettre la table je disparaissais toujours miraculeusement, laissant ainsi tout le boulot à Calvin. Mais faut pas croire que j'étais le petit démon et lui, l'ange. Non. Parce que mon frère c'était au moment de faire la vaisselle qu'il se planquait. Ça faisait toujours rire mon père. À la fin il connaissait par cœur nos tactiques mais il ne tentait même pas de nous empêcher de fuir. Je crois qu'il comprenait qu'on aimait pas faire telle ou telle tâche.
Repenser à ma famille me donne un pincement au cœur. Mon père et mon frère me manquent plus que tout. J'avoue que niveau soutien moral on n'a pas réellement été présent l'un pour l'autre avec mon géniteur, ces derniers temps on est pas mal en tords. Je culpabilise alors je lui envoie un message, j'aimerai bien qu'il passe à la maison. Je suis même prête à lui payer le billet de train si c'est ça qui l'empêche de venir me voir.
- C'est fini princesse.
Je sors de mes pensées quand Deen m'interpelle. C'était pas trop tôt. À un moment j'avais plus d'espoir, j'ai même cru qu'elle n'arriverai jamais jusqu'à chez moi cette putain de valise.
Je fais mine que je râle, mais en réalité je suis plutôt contente que Deen soit venu pour jouer les déménageurs. Sans lui j'aurais bien été dans la merde. Encore une fois j'aimerais bien savoir ce qu'il m'est passé par la tête au moment d'aménager ici, j'aurais dû refuser direct ce logement quand j'ai vu qu'il n'y avait pas d'ascenseur. Et dire qu'à l'époque ce détail me réjouissait.
- J'dois te laisser y'a Jekhyl qui sait pas se garder tout seul, lance Deen.
J'acquiesce et lui dit au revoir. Il ronchonne sous prétexte que son frère le soûle. Putain moi je tuerai pour pouvoir ne serait-ce que me plaindre de mon frère encore un dernière fois. C'est tellement dur, ce monde est vraiment à chier sans Calvin. C'était mon rayon de soleil, même si quand on s'approchait trop près on avait tendance à se brûler, il reste une partie de moi. Ma copie conforme version mec, en un peu moins sexy - on va pas se le cacher.
Je laisse mes affaires en plan et m'installe dans mon lit. Il sera encore temps de ranger demain, ça me détendra avant les exams.
Au moment où j'allais m'endormir je sens mon portable vibrer.
De Papa : "J'arrive après demain matin, c'est l'enterrement de ton frère après".
Merde. Il aurait pu me prévenir plus tôt. Je me recroqueville pour me rouler en boule et je fonds en larmes.
Je crois que c'est mort pour ma petite sieste improvisée.
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Bécane - Lomepal
FanfictionL'histoire de Clémentine Artaud, étudiante de 23 ans, et d'un jeune rappeur, Antoine dit "Lomepal". Et si le skate pouvait briser une vie, mais aussi en reconstruire une ? "Tout allait mieux quand on roulait sur ma Peugeot 103" Un chapitre posté pa...