Je sors de la salle d'examen et me précipite dans les chiottes. Une fois la porte de la cabine correctement verrouillée, je laisse mes larmes couler.
Putain, si un jour on m'avait dit que je chialerai assise sur la cuvette des toilettes de La Sorbonne je l'aurai pas cru. Mais là je tiens plus, j'ai fini de disserter deux heures avant la fin de l'épreuve. Je sais très bien que c'est beaucoup trop tôt. Avant il me restais un peu d'espoir, je me persuadais que je pouvais y arriver.
Sauf que maintenant je ne peux plus me voiler la face, j'ai vraiment fait de la merde. Je sais pertinemment que j'obtiendrai pas mon diplôme. Je compte même pas revenir demain pour la suite, de toute manière je dois aller à l'enterrement de Calvin.
À partir d'aujourd'hui j'arrête de me lamenter sur mes études, j'en ai marre de me prendre la tête avec la fac. Puis j'ai tout de même validé une licence de lettres modernes, c'est pas rien. Au moins je ne pars pas totalement sans diplôme. Tant pis pour le master.
Je renifle une dernière fois et c'est pas du tout sexy. Mais mon amour propre prend un sacré coup dans la gueule quand je me mouche dans le pq. C'est loin d'être classe. D'un coup je suis prise d'un fou rire nerveux, heureusement que personne ne peut me voir sinon je pense qu'on m'enverrai à l'asile. Je me plie en deux, j'arrive pas à m'arrêter. Après tout je crois que je n'y peux rien, ça doit être toute la tension que j'ai encaissé qui s'évacue. En tout cas ça fait un bien fou.
Je respire un grand coup et déambule dans les couloirs de l'université. J'arrive pas à me rendre compte que ça y est, c'est fini, je ne retournerai plus dans cet établissement. J'avoue que ça me déprime un peu, j'aimais bien La Sorbonne.
Une fois dehors je m'engouffre dans le métro et comme à mon habitude je prends la ligne 10 puis descends à Jussieu pour enfin prendre la 7 jusqu'à Place d'Italie. C'est devenu un rituel depuis le temps.
Je marche en silence jusqu'à l'appart. C'est drôle, d'habitude j'ai toujours de la musique qui pulse à fond dans mes oreilles. D'ailleurs ça m'étonne, je ne suis pas encore sourde. À croire que même mes tympans kiffent le hard rock. Bon j'admets que ça m'arrive d'avoir des acouphènes mais globalement je crois que mon audition n'est pas trop mal.
Là, j'ai simplement envie d'être au calme et surtout j'ai la flemme de démêler mes écouteurs. Ou plutôt je n'en ai pas la force, je sais pas trop.
Je déprime un peu quand je passe devant le cabinet de mon ancien psy. Je suis contente d'avoir mis un terme à ces séances à la con. À part me bouffer du fric - même si c'est un peu remboursé par la sécu, encore merci - la thérapie ne m'a pas apporté grand chose. Je pense même que ça a surtout pourri ma vie, à la longue je ne me concentrais plus que sur le négatif.
J'arrive chez moi. Quand je pousse la porte de mon palier je prends conscience que j'ai pas trop envie de rester enfermée. Ouais, faire la moule sur mon canapé ça me branche pas trop, surtout que je broie un peu du noir.
J'attrape ma planche et rien que l'idée de faire du skate me redonne un peu de baume au cœur. Pour preuve, je sors mes écouteurs et lance un album d'Iron Maiden. Ça tombe bien, ça s'accorde avec mon tee-shirt du jour.
Ce soir j'ai envie de traîner dans un parc alors je me dirige vers le square René-Le Gall, c'est pas trop loin d'ici. J'ai même pas besoin de prendre le métro, j'y suis dans cinq bonnes minutes.
Je pose ma board au sol et je lui donne une impulsion pour me permettre d'avancer. Je me contente de rouler tranquillement, bercée par les accords de guitare électrique. Je suis tentée de fermer les yeux mais de mauvais souvenirs remontent, un accident c'est vite arrivé et je le sais mieux que quiconque. À la place je me concentre sur mon trajet, évitant soigneusement les vieux qui ont strictement rien à foutre d'être arrêtés au beau milieu du passage. Putain qu'est ce qu'ils font chier, j'espère qu'il y aura une sacrée canicule cette année.
À l'instant où je pénètre dans le parc le morceau The Trooper retentit dans mes oreilles. Yeah, c'est juste parfait. Je me fais violence pour ne pas sauter partout, on est quand même dans un lieu public. Pour me défouler j'enchaîne les flips et les ollies. On va dire que ça me canalise un minimum. Je manque de tomber un certain nombre de fois, le sol du parc est un peu merdique, c'est pas du béton. Pour ne pas finir le cul par terre je dois redoubler d'effort et skater avec plus d'intensité. J'adore ça.
Je ne vois même pas passer les heures. Et dire qu'il y a quelque temps j'avais décidé d'arrêter. Merde. Quelle conne j'ai été.
Encore une fois je reviens brutalement à la réalité quand mon téléphone vibre. Ça me gonfle. La prochaine fois je le foutrai en mode avion, tant pis pour celui qui cherche à me joindre. De toute manière, si ça ne tenait qu'à moi j'aurai déjà tej' mon téléphone depuis longtemps. Seulement j'en ai besoin pour écouter ma musique alors je suis esclave de ce truc. C'est bête.
De Papa :" j'arrive à la gare à 10h demain, soit prête on part directement après".
Je souffle, lessivée. Je veux pas. J'ai pas le courage de laisser partir mon frère pour de vrai. J'en ai pas la force, pas l'envie. J'essuie une larme de frustration au coin de mon œil et retourne chez moi.
Pourvu que je garde la face dans l'église.
VOUS LISEZ
Bécane - Lomepal
FanfictionL'histoire de Clémentine Artaud, étudiante de 23 ans, et d'un jeune rappeur, Antoine dit "Lomepal". Et si le skate pouvait briser une vie, mais aussi en reconstruire une ? "Tout allait mieux quand on roulait sur ma Peugeot 103" Un chapitre posté pa...