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- Ça n'a aucun rapport avec la légalisation du cannabis !

Je soupire. Antoine se défend mais il le fait très mal.

- Jure le, je raille.

Pour toute réponse, il lève les mains en l'air.

Mouais. Je fais la moue, peu convaincue. Quand j'ai demandé pourquoi on allait au Québec et pas ailleurs, personne n'a su aligner trois arguments. Mentir c'est pourtant pas si compliqué.

Je tourne la tête vers la vitre. Ça ne fait que quelques minutes qu'on est entrés dans l'avion et je flippe, j'ai jamais fait un seul vol de ma vie. On a pas encore décollé et j'ai déjà l'impression d'être dans les airs.

Pour couronner le tout, c'est moi qui suis la plus proche de la vitre. Je vais pouvoir suivre en direct notre envol et c'est loin de me rassurer. En plus c'est pas Antoine, qui est assis à mes côtés, qui va me réconforter. Heureusement que les gars sont derrière. On ne se connait seulement que depuis une poignée d'heures et je les sens malgré tout beaucoup plus investi que Joli-cœur.

- J'en connais une qui va se pisser dessus, il rit.

Je lui lance un regard noir. C'est ça, fout toi de ma gueule connard, c'est comme ça que je vais m'apaiser ! Tout à l'heure j'ai failli m'étouffer avec ma salive quand j'ai appris que je devrai supporter Antoine pendant près de 8 heures, sans escale évidemment. Je jure qu'il a intérêt à se tenir un minimum s'il ne veut pas que je le bouffe.

Je me redresse lorsque l'hôtesse de l'air s'avance pour donner les consignes de sécurité. Bizarrement ça me stresse encore plus. Quand elle finit son monologue, que j'ai écouté attentivement, j'attrape mon téléphone et met le mode avion. C'est la première fois que je l'utilise pour ce pour quoi il a été inventé.

- T'es une mauviette, Antoine sourit.

- Ta gueule.

Je boucle ma ceinture. Je m'applique beaucoup trop, c'est ridicule.

- Tu veux venir à ma place, demande Yassine.

Je me retourne et souris, c'est sympa d'avoir proposé. Seulement je pense que mon voisin va bien la fermer à un moment ou à un autre - ou plutôt j'ai espoir, donc je décline sa proposition. Au pire des cas, je compte dormir donc c'est pas très grave si la pipelette ne se tait pas.

***

Je m'étire et jette un œil à mon téléphone. J'ai dormi que deux heures, c'est pas mal mais on est même pas à mi-chemin. Je commence à m'emmerder. D'ailleurs une fois qu'on aura atterri, faudra que je pense à envoyer un message à mon père. Sinon il va paniquer si il remarque que sa fille a disparu.

- Je vais aux chiottes, je lance.

Antoine hoche la tête sans décrocher ses yeux de l'écran en face. Il est à fond dans le film, ça me fait rire.

Je me lève et rejoins les toilettes au fond de l'avion. Bordel, j'ai le dos en compote. La prochaine fois je demande la première classe. Enfin, si il y a une prochaine fois.

Au bout de ce qui semble être une éternité, j'arrive enfin à destination. Sauf qu'à peine entrée, quelqu'un toque à la porte.

- C'est occupé, je cris.

Putain. Il a fallu qu'il y ai un con avec la vessie pleine exactement au même moment que moi. Les gens son tellement chiants.

- C'est moi.

Je fronce les sourcils et déverrouille le loquet.

- Antoine ? Mais qu'est-ce que tu fout là !, je râle.

Je vois à sa tête qu'il ne comprend pas grand chose à la situation. C'est bien lui qui a ramené son cul pourtant !

- T'as dit que t'allais aux toilettes, il répond.

Il est vraiment attaqué du ciboulot. Y'a plus rien à faire pour lui.

- Ouais j'ai dit ça. Je veux PISSER, je raille.

Soudain je me stoppe et écarquille les yeux. Je viens de comprendre, en tout cas je crois.

- Attend tu croyais que je t'invitais à baiser ?

Il a l'air trop déçu alors je peux pas me retenir de rire, je m'étouffe. Je fais un bordel monstre et en plus Antoine me fusille du regard.

- Mademoiselle, il y a un problème ?

Je regarde l'hôtesse de l'air et lui signale que - non - il n'y a pas de problème. Elle pourrait pas plutôt se ramener pour m'apporter de la bouffe ou lieux de casser mon instant ! De toute manière où que tu sois, le personnel est toujours relou et jamais là quand tu veux. J'ai arrêté de croire au hasard.

Quand elle s'en va, je remarque que Joli-cœur est reparti. Le savoir vexé fait redoubler d'intensité mon fou rire. Sauf qu'aussitôt je m'en veux, je devrais réellement profiter de la vie alors que mon frère est parti ? J'ai comme l'impression que j'ai pas le droit. C'est con.

Je perds mon sourire et retourne aux chiottes. Au moins, grâce à Antoine, mon cœur s'est réchauffé un petit instant.

Bécane - LomepalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant