- Et là-bas ?
Antoine me désigne un rocher au loin. Je hoche la tête. On est sur la plage de Venice Beach, près de l'énorme skatepark. C'est à Los Angeles, en Californie.
- Je crois aussi que c'est le bon endroit, je murmure.
Au bout de cinq mois, j'ai décidé que c'était le bon moment pour le faire.
C'est aujourd'hui que je répands les cendres de Calvin.
J'en avais assez de retarder cet instant, sous prétexte que j'ai peur ou que je ne me sens pas prête. De toute manière, on est jamais vraiment prêt pour ce genre de chose. Je souffle et serre un peu plus l'urne funéraire contre moi.
- Je te laisse tranquille. Tu m'appelles lorsque c'est terminé, lance Joli-cœur.
Encore une fois, j'acquiesce. J'apprécie réellement son geste. J'ai besoin d'un peu d'intimité. Je trempe les pieds dans l'eau et monte sur le rocher. La mer est vraiment chaude. Dans d'autres circonstances j'aurais trouvé ça agréable et j'aurais profité à fond. Je me retourne et attends qu'Antoine soit suffisamment éloigné.
J'ai proposé à mon père de venir avec moi. Après tout Calvin était son fils, je trouvais que sa présence à mes côtés était donc légitime. Seulement, contre toute attente il a refusé. Au début je me suis braquée, je ne comprenais absolument pas pourquoi il refusait de venir. On a longtemps débattu avec Antoine. Il m'a fait comprendre que c'était peut être trop pour mon père de se replonger dans la mort, alors qu'il parvient tout juste à sortir la tête de l'eau.
C'est vrai que tout doucement la vie reprends son cours. La douleur ne disparaît pas, mais on arrive peu à peu à vivre avec.
J'ouvre l'urne, prête à déverser son contenu dans la mer. À la base c'est illégal, mais pour l'instant personne ne m'a interdit de le faire. Si quelqu'un vient me faire chier, qu'il aille se faire foutre.
J'inspire un grand coup, comme pour me donner un peu de courage. Finalement j'aurais dû insister pour que Joli-cœur reste. Il aurait pu me tenir la main, ça m'aurait aidé.
Il aurait aussi été capable de se foutre de ma gueule ou de faire des réflexions cons et ça m'aurait soûlée, mais on va oublier cette possibilité. Je préfère croire qu'il peut faire preuve d'un minimum de compassion. Après tout, il est pas toujours chiant. J'avoue, il me casse souvent les couilles mais il est vraiment doux parfois.
Faut que j'arrête de retarder l'échéance. Sans réfléchir, je retourne d'un coup l'urne et son contenu se disperse lentement dans l'eau translucide.
Je trempe ma main dans la mer et regarde mes doigts se mêler aux cendres.
- Bon voyage Calvin, je souffle.
J'essaie de ravaler mes larmes. Quand je remonte vers la plage, je remarque Antoine qui me fixe. J'avais demandé de l'intimité, bordel !
En même temps, difficile d'être seule et à l'abris des regards quand on est sur une plage noire de monde. Mais tout est dans la tête, j'imagine.
- Ça va ?, demande Joli-cœur.
Je hausse les épaules. Honnêtement, j'aurais pensé que ce moment allait être pire. Mais c'était pas une partie de plaisir non plus. Loin de là.
Il essuie une larme qui m'a échappé.
Si j'ai choisi Los Angeles pour déverser les cendres de mon frère c'est parce que venir ici c'était un rêve de gosse pour lui. Il a pu venir une fois. D'ailleurs il m'a rabâché mille ans les oreilles avec le skatepark de Venice Beach. Je sais pas trop pourquoi, ces rampes ne sont pas extraordinaires. Elles sont même plutôt banales. Calvin a eu un coup de cœur, certainement. Souvent, il aimait des endroits sans qu'on en sache la raison. Il voyait des détails qui n'étaient évidents qu'à ses yeux.
- T'as besoin de te changer les idées. Je déteste te voir triste, murmure Antoine.
Je souris quand il caresse ma joue.
- Un jour, une personne m'appris que The Doors était originaire d'ici, il continue. Je me rappelle plus qui c'était.
Il fait mine de réfléchir et je lui donne un coup de coude. C'est moi qui lui ai dit, le jour où je l'ai traîné de force au cimetière du Père Lachaise pour voir la tombe de Jim Morrison, le chanteur des Doors. C'est spécialement pour cette raison que j'aborde un tee-shirt du groupe aujourd'hui. Je sais, ça fait un peu fan nostalgique. Ça craint, mais pour ma défense, j'ai vraiment pas pu m'en empêcher.
- Je t'emmène voir le Jim Morrison Mural, il lance.
J'affiche un sourire de trois kilomètres, son idée me tente vachement. J'ai déjà vu des photos de cette fresque mais ça doit être tellement mieux de la voir en vrai.
Ce con sait qu'il a touché en plein dans le mille, il rit.
En silence, on entame notre route en se frôlant.
- Putain j'aurai dû prendre mon skate, je râle.
Antoine se fout de ma gueule, soit disant que les femmes ne sont jamais satisfaites. J'ai méchamment envie de lui en coller une. Est-ce que je tente ?
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Hey ! Ça va ? 💕
Voilà le bonus. Il ne se passe rien de fou mais j'avais envie d'écrire ça, pour que Clem "enterre" enfin son frère (c'est pas le bon mot mais j'sais pas comment dire ça autrement mdrr).
Bisous. ❤️🤘
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Bécane - Lomepal
FanfictionL'histoire de Clémentine Artaud, étudiante de 23 ans, et d'un jeune rappeur, Antoine dit "Lomepal". Et si le skate pouvait briser une vie, mais aussi en reconstruire une ? "Tout allait mieux quand on roulait sur ma Peugeot 103" Un chapitre posté pa...