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Me réveillant, je fronce les sourcils. Je sens qu'on m'observe. Je souffle et ouvre lentement les yeux.

- Coucou Clementine.

Je fais face à mon père. Au pied de mon lit, il me fixe tout en me caressant les cheveux.

- Arrête de faire ça, je suis plus une gamine. C'est flippant en plus, je râle.

Il rit et murmure "ça c'est bien mon ogre" et je grogne à nouveau. Je soupire et m'étire. Flemme de me lever. Ça fait longtemps que je n'ai pas aussi bien dormi. Ce lit est tellement confortable. Je souris quand mon père me tends un plateau. Je jette un coup d'œil : un pain au chocolat et du café. Il sait toujours comment me faire plaisir. Ou me soudoyer, au choix.

Je laisse échapper un gémissement lorsque j'entame mon petit dej'. Cette journée commence vachement bien. Mais bien vite je fronce les sourcils.

- Hier je me suis endormie dans le canapé où je me trompe ?, je demande.

Mon père hoche la tête. Je souris, il m'a donc portée jusqu'à ma chambre. Je ne sais même pas comment il a réussi cet exploit. Il mérite une médaille, vraiment.

- Fait gaffe. C'est plus de ton âge ces conneries, je le taquine.

Pour répliquer, il tente de m'étouffer avec mon oreiller. Heureusement que j'ai fini de boire mon café sinon bonjour le carnage ! À regret, j'avale mon dernier morceau de pain au chocolat. Cette merde, c'est trop bon.

- Prépare toi. On va se balader sur la plage, lance mon père.

Je rabats la couette et me lève précipitamment de mon lit, faisant valdinguer le plateau-repas. Ensuite je cours jusqu'à la salle de bain comme une dératée, sous les rires de mon père.

- À vos ordres mon caporal, je cris.

***

Mes pieds nus foulent le sable. J'aimerais être partout sauf ici, j'aime pas le sujet de la conversation.

- Tu crois que j'ai tords de lui faire la gueule, je demande timidement.

Mon père secoue la tête, signe de désapprobation.

- Je dis pas ça. Simplement peut être qu'Abi à besoin de temps, il réponds.

Je souffle, mécontente.

- Tu as raison de ne pas te laisser faire : skater est ton droit. Mais elle doit apprendre à l'assimiler. Il faut être patiente, il continue.

Mouais. La patience n'a jamais été mon truc. Mine de rien cette discussion avec mon père me rassure. J'avais peur que mon amitié avec Abigaëlle ne soit complètement foutue, que l'on ne puisse plus jamais se parler sans s'engueuler. Mais mon père me laisse entendre que tout peut s'arranger. Enfin, plus ou moins. C'est vrai que rien n'est plus comme avant depuis ces derniers mois.

- Tu sais...j'ai essayé de lui rendre visite, j'hésite.

D'une pression de la main il m'indique de continuer. Je suis vraiment pas confiante. Cependant le regard qu'il me lance suffit à me rassurer. C'est le genre de coup d'œil qui signifie " Personne ne peut tout encaisser". J'inspire et me lance. Après tout si je n'arrive pas à me confier à mon père, avec qui j'en serais capable ?

- J'ai pas réussi. Je ne n'ai toujours pas vu Calvin une seule fois. Je pouvais pas.

Mon père se stoppe et me force à le regarder. Il relève mon menton d'une main. Avec l'autre il caresse ma joue.

- Écoutes, chaque personne est différente. Ce n'est pas parce que moi j'ai été à son chevet tous les jours pendant deux longs mois, que tu dois faire la même chose. Sache que tu n'as pas à culpabiliser. N'inverse pas les rôles : c'est moi le père, pas toi.

Ses paroles sont tellement douces que je dois me faire violence pour retenir les larmes qui me brouillent la vue. Elles sont rassurantes. Au fin fond de moi je sais qu'il a raison. Mais ces vérités son dures à admettre. J'abandonne mon frère un peu plus chaque jour qui passe, et ça, je ne me le pardonnerai jamais. On était si fusionnel, aujourd'hui je fais comme si il n'existait plus.

J'ai quand même l'impression que le gros nuage noir au dessus de ma tête s'est un peu dissipé. C'est comme un poids en moins sur mes épaules : mon père ne m'en veut pas.

- Merci pour ces sages conseils maître Yoda. C'est quoi la prochaine étape ? Conseiller du cœur, je lui lance.

Mon père souris et ça détend l'ambiance. L'air est moins chargé.

- Au fait, quand est-ce que tu fais un gosse ? J'espère qu'il sera aussi chiant que tu l'as été, il répond.

J'ai envie de me gifler. Après tout c'est moi qui ai tendu le bâton pour me faire battre. Je grimace.

- Je t'ai déjà dis. Quand j'aurais rencontré le sosie français de Jared Leto, je raille.

On va pas se mentir, ce mec est un dieu vivant. Je suis loin d'être la seule qui bave dessus. Mais ça va j'ai confiance, ce sera pas demain la veille que je le croiserais. Alors pour les gosses ça attendra.

Mon père lève les yeux au ciel. Je sais que je l'agace avec ça. J'en profite pour lui donner un coup de coude. Pour moi, ça vaut tous les "je t'aime" du monde. Mon cœur se serre. Je vais bientôt le quitter. Demain je prends le train : retour sur Paris.

Je grimace, d'un côté c'est passé vachement vite. Mais de l'autre, j'ai l'impression que je suis ici depuis une éternité. Deen et ce trou de fion d'Antoine commencent sérieusement à me manquer.

Bécane - LomepalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant