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Je souris comme une gamine. Paris me manquais vraiment. Je crois que je n'ai jamais été autant soulagée de ma vie. Fini le bled de mort, je suis de retour à la maison. Ça fait du bien de voir des gens. La civilisation. Je sors de la gare et m'engouffre dans le métro : direction le 13ème.

Seulement plus je tire ma valise derrière moi et plus je me dis qu'il va falloir monter trois étages avec. Fait chier. Faut que je trouve une victime à martyriser.

À Deen : " Hey ! J'ai besoin de tes muscles, tu me rejoins à la maison ?".

Je me mords la lèvre. Je doute qu'il veuille venir. Après tout, Aubervilliers c'est assez loin de la Place d'Italie. Mon portable vibre, ça me sors de mes réflexions. C'est cool que Deen me réponde si vite.

Je grimace. C'est cool, sauf que ce n'est pas lui. Merde.

De Joli-cul : "Que t'as pas de seins et que j'aime pas AC/DC. "

Je manque de m'étrangler. J'aimerai bien avoir Antoine en face de moi. Maintenant. Juste pour vérifier s'il plaisante ou pas. Et aussi - juste - pour lui en foutre une. Sérieusement il m'exaspère, je vais devoir refaire toute son éducation musicale. Ou son éducation tout court. Comme si j'avais que ça à faire.

Je suis bientôt chez moi. Je soupire. J'anticipe déjà le calvaire, la douleur : monter la valise dans les escaliers. J'ai l'impression qu'elle pèse une tonne de plus depuis que j'ai quitté mon père. J'ai toujours su qu'il y avait un lutin qui se cachait dans les valises en douce. C'est le même qui vole les chaussettes, quand il en reste qu'une seule alors qu'à la base c'était une PAIRE. Je vais fonder un club : les chasseurs de nains clandestins voleurs de chaussettes. Le CNCVC. Pas mal.

J'arrive devant mon immeuble et j'aperçois une silhouette. Je retiens mon souffle, faut pas s'emballer avant d'être sûr. Finallement, je souris. Les cheveux gris ne trompent pas : c'est bien Papy Deen. J'arrive pas à croire que je traîne avec un vieux de 30 ans. Beurk, j'espère que la vieillesse c'est pas contagieux.

Il relève les yeux alors je lui fait un signe.

- Alors princesse, c'était bien les vacances ?, il demande.

C'est fou, ce mec est toujours souriant.

- C'était bien même si j'ai pas fait grand chose.

Il saisit ma valise. Pendant qu'on monte je lui fait le récit de mes aventures. C'était court mais riche en émotion.

- Au fait merci d'être venu, je lance.

Il me fait un clin d'œil.

- C'est rien. J'étais dans le coin et puis ça fait longtemps qu'on s'est pas vu, il répond.

Je souris. Je suis partie que trois jours. J'avoue que j'ai aussi l'impression d'avoir quitté la capitale depuis une éternité. Ça va, mes vacances ne sont pas encore terminées. Je compte bien profiter au max de mes potes. Je grimace, ça me fait repenser à Abi.

On est presque arrivé en haut quand je remarque un gros tas au sol, avachit contre ma porte. Mon cœur loupe un battement quand je remarque un plâtre et une attelle.

- Antoine !

L'intéressé sursaute. Pauvre chou, je l'ai réveillé. Trop triste. Notez l'ironie, bien-sûr.

- Désolé. Je t'avais acheté un pain au chocolat mais vu que t'as pris trois heures à ramener ton cul, eh bien je l'ai bouffé, raille Joli-cœur.

Je souffle. J'ai même pas franchis le pas de ma porte que cet enculé me saoule déjà. La soirée s'annonce longue. Heureusement que y'a Deen. Mon éternel sauveur.

Dès que je rentre dans mon appart' je me sens plus légère. Mon cœur se serre. Voilà mon vrai chez-moi. Enfin.

Je reprends ma valise des mains de Deen en lançant un énième "merci" et la dépose dans ma chambre. Flemme de la déballer ce soir. Remettre le problème à plus tard, c'est ma grande spécialité. Sérieusement, je me demande s'il existe au moins une personne sur Terre qui aime défaire ses bagages. Si cet individu est réel, je l'épouse direct et lui fait trois gosses sans réfléchir. Promis juré.

Je retourne dans la cuisine - qui est ouverte sur le salon - et je fouille dans mes placards. La recherche pour trouver un truc comestible et pas trop périmé est assez longue. Ça commence à m'énerver. Pile au moment où j'allai abandonner je remarque un paquet de pistache. J'ai à peine déposé le paquet sur la table qu'Antoine se jette dessus.

- Faut calmer tes ardeurs. C'est pas parce que t'arrive plus à te branler avec ton plâtre que t'es obligé de te venger sur ces pistaches. Elles t'ont rien fait, je raille.

Deen éclate de rire alors que Joli-cœur me lance un regard noir. J'avais presque oublié qu'il se vexait à la moindre pique. Putain. Son amour-propre est surdimensionné.

- Ça, il dit en me montrant le paquet, c'est le meilleur moyen pour que je me foute à poil.

Je hausse un sourcil. Je peux pas m'empêcher de répliquer.

- Parce que tu crois que ta bouche pleine de pistaches ça me donne envie de baiser

- Stop je suis là !, rappelle Deen.

Je relève les épaules, indifférente. Au final j'ai pas envie de bouffer du salé alors j'attrape une tablette de chocolat et je commence à l'entamer.

- Tiens tu veux que je fasse une mousse au chocolat, demande Deen.

Je le regarde avec des yeux ronds pleins d'envie. Je hoche la tête, impatiente. Je l'observe attentivement qui s'affaire comme si il me livrait le secret pour transformer la paille en or. Manger un truc préparé par Deen, c'est l'orgasme culinaire assuré. Enfin, si ça existe.

Bécane - LomepalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant