*Giovanni Da Punte*

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Giovanni repassait en boucle le souvenir dans sa tête, bien que son plus grand souhait ait été de l'oublier. Il se demandait ce qu'il aurait pu dire pour se justifier, justifier ses actions ou expliquer sa motivation. Ce qu'il aurait pu dire pour lui empêcher de prononcer ces terribles paroles. Quand il fermait ses paupières, il revoyait très clairement les mèches humide de Ted virevoltées sous la faible lumière du lampadaire, il était si agité. Il était écarlate aussi. Ses mains tremblaient de rage mais il ne l'avait pas frappé car sa colère était telle que...

Giovanni soupira. Depuis le début de leur conversation la pluie n'avait pas arrêté de marteler le sol, et une heure après elle tombait encore en un flot incessant, comme les paroles de Ted. Si lui était parti, sa voix résonnait toujours dans sa tête, elle rugissait des interrogations et des exclamations non formulées.

    ''Je n'avais pas pensé que ça irait si loin.''

Les yeux de Ted sondèrent son âme, ses cils perlés de gouttelettes de pluie s'étaient figées de surprise, son regard s'assombrit. Lentement, il se prit la tête entre les mains et pressa ses paupières ensemble. Lorsqu'il les rouvrit, le blanc de ses yeux avait tourné au rouge et le dégout s'étalait sur sa figure.

    ''Tu...tu nous as trahit, Giovanni.'' Avait-t-il réussi à articulé. Des larmes chaudes s'écoulaient de ses yeux sans tristesse. ''Tu as...Comment tu as pu nous mentir, pendant tout ce temps ?

Sa respiration était de plus en plus hachée et ses mains se faisaient violences pour ne pas entourer le cou du fils d'Hadès.

    ''J'aurais préféré que tu me laisses mourir entre les mains de ton patron plutôt que d'apprendre que mon frère, que j'aime, n'as pas hésité à signer notre perte à tous. Par hypocrisie, par lâcheté.

Il parlait avec tout son corps, chaque son prononcé provenait de son cœur.

    ''Tu n'avais pas à faire ça seul, moi, j'étais prêt à t'aider. Tu te souviens ? Et je n'étais pas le seul il y avait Aryanna et Esméralda aussi.''

    ''Je ne peux pas vivre sans Valérie et Anatole, elles sont ma seule famille. Et elles m'ont été arraché du jour au lendemain.'' Il sortit le mouchoir de sa poche. ''Des prières et des repas ne les feront pas revenir, mais ça...''

    ''J'espère que tu les traiteras beaucoup mieux que nous, parce que tu as payé leur billets de retour au prix du sang d'une autre famille.'' Il méprisa du regard ce qu'il tenait fermement dans son poing.  ''Tu nous as sacrifiés, tu nous as tous sacrifié, même Chiron. Tu sais quoi, tu es misérable. Tu mourras seul et personne ne te regrettera.

    Giovanni scruta les ténèbres du ciel, ''Ne dit pas ça, s'il te plait. Ne-''

    ''Tu as sacrifié tes frères, et pour ça, je te renie. Tu n'es plus l'un des nôtres et je te condamne à errer dans la peine et la souffrance jusqu'à ta mort, que j'espère à la hauteur du mal que tu as causé.''

Le vent s'éleva des égouts et des tuyauteries, il murmurait des paroles inaudibles mais fatales.

Ted avait secoué la tête, épuisé par la puissance de ces mots. Les deux demi-dieux ne s'étaient pas battus mais c'était tout comme, leurs corps chauds haletaient sous la fraîcheur de la pluie. L'épuisement sillonnait leurs fronts et leurs yeux. 

    ''Je ne te demandais pas grand-chose en échange, Giovanni.'' Dit-il plus bas. ''Je te demandais juste de la confiance, et ça, tu n'as pas voulu me le donner et c'est pour ça que tu te l'es joué solo. Tu n'avais pas confiance en moi et en l'amitié que je te portais donc tu as préféré prendre les devants.''

Giovanni se sentit quitter son corps. Non, il sentait son âme se dissoudre à travers ses pores et se faire emporter par le vent qui murmure. La sensation qu'il avait ressentie plutôt dans la journée n'avait pas cessé de croitre, elle l'avait enivré et annihilé ses sens. Il aurait voulu ressentir autre chose que de la honte devant le visage de Ted, il aurait voulu le retenir en expriment des regrets...mais il était vide. Vide de regrets. Ted soupira en réalisant qu'il n'avait rien à dire, il lui donna son dos et marcha hors du cercle lumineux qu'avait créé le lampadaire.

    ''Adieux. Oh, et encore une chose..'' Il s'était arrêté sans se retourner. ''La prochaine fois qu'on se voit ; je te tue.''

Giovanni n'avait pas répondu.

Il était toujours assis sur le sol, probablement dans une flaque d'eau à ressasser le monologue de Ted auquel il avait apporté de faibles répliques. Il essayait aussi de comprendre ce qui était en train d'arriver à son corps. Il se sentait vider de son essence, de tout ce qui faisait de lui un humain. Il n'avait pas froid, il n'avait pas faim, ses vêtements qui lui collaient à la peau ne l'importait pas et

Néanmoins, quelque chose subsistait et grossissait en lui. Il se sentait comme une boussole détraqué et pour la première fois réellement orphelin. Il était sans repère, sans appartenance, sans origine. Et cette sensation était plus cruelle que la mort.

Au sol, le cercle se resserra autour de lui, les ténèbres de la rue aspirait goulûment la lumière du lampadaire. Son ombre projetée fondit dans la nuit sans astre.

Esméralda Dia et la symphonie des ImmortelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant