13. Le masque de peur

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Je foule le sable blanc. Il est doux sous mes pieds nus. Le sentier n'a pas d'origine et ne possède qu'une seule destination. Aux abords du chemin, tout là-haut, par-dessus mon épaule, loin devant moi... Une obscurité pleine et parfaite. Je ne m'en inquiète pas. Il me suffit de suivre la voie pour trouver mon chemin.

Et j'y parviens.

C'est un croisement. À ma gauche, un arbuste sur lequel poussent une dizaine de fruits minuscules. Ils sont bleus, c'est la première fois que j'en vois de pareils. À ma droite, un second arbuste dépourvu de fruits sur lequel pousse la fleur la plus verte qui existe. Entre les arbustes, un petit chat blanc me fixe. Je comprends que je dois avancer. Mais par quel chemin ? Le petit chat blanc m'observe. Il attend tranquillement. Mais je suis indécise. L'un des fruits commence à pourrir. Je m'avance vers l'arbuste aux fruits bleus. Aussitôt, la fleur verte se fane. Je fais un pas vers elle. Un deuxième fruit bleu dépérit. Je me tourne vers le petit chat blanc qui se lèche les pattes.

Que dois-je faire ?

L'arbuste fleuri commence à s'embraser. L'arbuste aux fruits bleus se décompose. Je m'affole. Le chat blanc ne cesse de se lécher les pattes. Les pieds enracinés dans le sable, je crie. Le petit chat blanc s'arrête, il me fixe de son regard insondable. Quelque part dans ses prunelles irréelles, je sais qu'il me juge.

~✶~

Une douleur lancinante au niveau des bras. Je m'éveillai avec le désagréable fourmillement qui accompagne l'installation progressive d'une crampe. Combien de temps avais-je passé dans cette position ? J'avais mal à la tête. Et je ne sentais presque plus mes poignets. J'étais attachée, les bras tendus au-dessus de la tête. Je bougeai légèrement, cessant bien vite lorsque le manque d'afflux dans mes membres me rappela que j'étais restée inconsciente. J'étais appuyée contre quelque chose de dur... Du bois. Ligotée à un poteau dont les échardes m'entaillaient la peau. Mon poids se déroba soudainement sous moi. Une crampe au niveau de la cuisse... Je me rattrapai à la dernière seconde, appuyant ma joue contre le poteau solide. Je restai ainsi durant quelques secondes, dans cette position ridicule qui me donnait l'air de câliner ce stupide poteau.

Mais je tenais encore debout.

Le cœur battant la chamade, je tâchai alors de prendre connaissance de mon environnement immédiat. Je me trouvais sous une tente, et le poteau auquel j'étais attachée en était le pilier principal. Un étrange cristal luisait dans une coque de verre à quelques pas de moi. Voilà d'où provenait la faible lumière sous la tente. Soudain, la lumière du cristal éclaira un visage empreint de peur. Mes jambes patinèrent sur le sol dans une tentative désespérée de m'enfuir malgré les liens qui m'entravaient. C'était l'homme qui m'avait assommée dans la grotte. L'homme au masque de peur. Il s'approcha lentement. Le souffle court, je reculai autant que possible, mais entravée comme je l'étais... Il s'arrêta juste devant mon visage. De près, le sien était encore plus effrayant. Les traits peints sur son masque de bois étaient tordus par la peur. Ils me mettaient mal à l'aise. Il me mettait mal à l'aise. Ses doigts froids me soulevèrent par le menton. L'homme tourna mon visage à plusieurs reprises. Un battement de cils puis tout à coup, plusieurs doigts s'insinuèrent violemment dans ma bouche. Il m'examinait de l'intérieur sans aucune gêne. Prise de court, je tentai de réagir. Par la morsure évidemment. Mais l'intrus se retira avant que je ne puisse le faire.

— Qu'est-ce que vous... demandai-je alors en kanash sans m'en rendre compte.

L'homme au masque de bois s'arrêta. Ses traits défigurés par la peur me fixaient de leur expression torturée. J'avais l'impression de vivre un véritable cauchemar éveillé. Puis il contourna le poteau, disparaissant de mon champ de vision. Mais je sentais sa présence. Juste derrière moi.

Esh-Kirith #2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant