— Eden ?
Je repris conscience lorsque la kanash m'appela, visiblement pour la cinquième fois. Je clignai des yeux à plusieurs reprises. Kila était penchée au-dessus de moi, un carré de ciel étoilé pour toile de fond. La nuit était tombée. Je me redressai vivement.
— Le monstre ! Kila, le Rameur !
La kanash émit un petit rire.
— Le Rameur ? Je doute que ce soit son nom. Et je pense qu'il est loin d'ici.
Je parcourus les alentours du regard. Nous nous trouvions sur une petite plage de sable clair. La végétation peu luxuriante qui poussait à quelques mètres à peine de la plage me donnait l'impression de me tenir sur la tête dégarnie d'un géant à demi englouti par les eaux. Je levai les yeux sur la colline qui s'élevait juste en son centre : nous avions atteint l'îlot.
— J'ai fait le tour de l'îlot pendant que tu étais inconsciente, poursuivit Kila. Il n'est vraiment pas grand du tout, il n'y a rien d'autre que des arbres et cette colline. Je crois qu'il faut grimper.
Kila retint un soupir de douleur en terminant sa phrase. Je remarquai alors qu'elle se tenait le bras et que celui-ci était bandé. La kanash avait déchiré un morceau de sa tunique et portait son bras en bandoulière.
— Tu t'es fait mal ? demandai-je avec inquiétude. Laisse-moi voir.
— Ce n'est rien, assura la kanash en reculant légèrement. J'ai dû me déboîter l'épaule en percutant des coraux. Ou un rocher, dur à dire vu la noirceur de l'eau.
— Kila...La kanash m'adressa un sourire embarrassé. Mais je n'avais aucune envie de l'imiter : la peau de son bras et d'une partie de sa jambe était à vif, comme arrachée par un pansement trop violent.
— Et encore, tu n'as pas vu mon dos ! plaisanta Kila. Je me suis juste arrachée la peau à cause du sable. Ce n'est rien.
— Ce n'est pas rien ! Il faut qu'on te soigne, tout de suite.
— Ce qu'il faut, c'est qu'on grimpe sur cette colline et qu'on termine ce qu'on a commencé. Allez viens, on y va.Kila se redressa avec difficulté. Malgré ses efforts pour le dissimuler, je voyais à quel point la kanash souffrait. Je secouai la tête avec entêtement.
— Non. Nous allons passer la nuit sur la plage. Tu vas prendre du repos, nous irons là-haut quand tu te sentiras mieux.
— Et moi, je te dis qu'on va y aller tout de suite, répliqua Kila.La kanash se mit en marche sans attendre de réponse de ma part.
— Kila ! Tu es blessée, tentai-je tout en trottinant à sa suite. La colline ne va pas disparaître demain, ni le jour d'après. Ce n'est pas raisonnable et tu le sais.
— Ce que je sais, c'est que nous avons une mission à accomplir. Nous sommes si près du but... Pourquoi s'attarder ? Dépêchons-nous, s'il te plaît.Je me mordis les lèvres. L'entêtement de la kivari du loup me hérissait. J'avais soudainement l'impression que la guerrière qotsai avait rallié le rivage sous les traits de la kanash.
— Pour quelle raison ? répliquai-je sur un ton ironique. Je ne sais pas, ton épaule à tout hasard ? Mais regarde ton bras, et ta jambe !
— Ça guérira tout seul, rétorqua la kanash avec irritation. Marchons, le kami de Meori ne va pas s'amener de lui-même.
— C'est exact.Kila s'arrêta. La kanash se retourna lorsqu'elle réalisa que je ne la suivais plus. Et que j'étais la porteuse de l'amulette de Meori. Par conséquent, si je refusais de grimper sur la colline...
— Eden, s'il te plaît... siffla Kila entre ses dents. On nous a confiées une mission, et je tiens à tenir parole. Allons-y.
— Pas tant que tu seras dans cet état, refusai-je catégoriquement.
— Je vais bien ! insista la kivari du loup. Ce que je veux, c'est en finir avec tout ça. Viens avec moi !
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Esh-Kirith #2
FantasyEden et Kila partent à la rencontre du clan qotsai pour combattre la mystérieuse malédiction qui s'est abattue sur Havenly. *** Eden est devenue une kivari de la vallée. Mais alors qu'elle approche de son dix-septième anniversaire, une étrange malé...