37. Sweet Seventeen

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Son corps était immobile. Je me ruai vers le lit. Ma première réaction fut de tâter son pouls. Faible mais présent. Elle respirait de manière régulière, la pâleur de ses traits m'inquiétait mais l'important était qu'elle soit en vie. Vaincue par la fatigue, je m'effondrai sur le matelas. Je posai ma tête contre son épaule, me nourrissant de son odeur comme un chaton s'imprègne de celle de sa mère durant ses premiers jours. Elle m'avait tant manquée...

Tout irait bien désormais. Même à travers son sommeil, ma mère me rassurait. C'était un pouvoir spécial dont seules les mères disposaient. Bercée par la nostalgie de mon enfance, je m'endormis du sommeil des innocents. J'eus l'impression de dormir durant des jours entiers, je m'éveillai pourtant à l'aube. Seule. Je bondis hors du lit, me prenant les pieds dans les draps. Je descendis les escaliers comme une furie, en perte et fracas. Un visage familier se retourna lorsque j'entrai dans la cuisine.

— Mais pourquoi tu dévales les escaliers comme ça ?

Ma mère était debout devant l'évier, vêtue de sa robe de chambre bleue. Elle essuyait de la vaisselle propre à l'aide d'un torchon sec. Mes yeux s'embuèrent, elle manqua de lâcher l'assiette qu'elle tenait lorsque je me jetai dans ses bras.

— Qu'est-ce qui te prend à la fin ? On dirait que tu as vu un fantôme !
— C'est presque ça, répondis-je en riant malgré mes larmes.
— Mais tu pleures ! Eden, qu'est-ce qui se passe ? Parle-moi.

Je ne pus m'empêcher de sourire. Une veine apparaissait au niveau de son front lorsqu'elle était angoissée.

— Des larmes de joie, maman. Rien d'autre.
— Ça sent surtout la bêtise, répliqua ma mère en me regardant de travers. Je te préviens jeune fille, au plus tôt tu avoues, au mieux ce sera pour toi. Qu'est-ce que tu as fait ?
— Un très mauvais rêve. Mais c'est terminé. Attends, laisse-moi t'aider avec ça.

Je lui pris le chiffon des mains et essuyai la vaisselle à sa place. Je nageais dans le bonheur. Ma mère était bien en vie, Kila avait eu raison : les songes n'avaient pas nécessairement le sens qu'on leur prêtait.

— Tu te lèves tôt, tu proposes spontanément de m'aider à ranger la vaisselle... D'accord, qui êtes-vous et qu'avez-vous fait de ma fille ?

Je fit sembler de lever les yeux au ciel.

— À moins que je ne me sois endormie durant des mois, ce n'est pas la fête des mères à ce que je sache.
— Si tu savais ! répondis-je en riant. Ne cherche pas, j'ai juste envie de te faire plaisir aujourd'hui, c'est tout.

Les petits yeux bleus de ma mère se plissèrent. Mais ses lèvres souriaient désormais.

— Oh que non, ce n'est pas tout... Je te connais trop bien, Eden Atwood. Comme si je t'avais faite.

Je déposai l'assiette propre sur le comptoir et en saisit une autre. Ma mère ne me quittait pas des yeux.

— C'est le cas, maman.
— Tu as débarqué dans ma vie et celle de ton père il y a dix-sept ans de ça et...

Elle s'interrompit, puis elle eut un large sourire.

— Mais dis-moi, ce ne serait pas ton anniversaire dans quelques jours ?

Je cessai de frotter les couverts pour les ranger dans le tiroir adéquat. Mieux valait capituler, je connaissais Claire Atwood mieux que personne et je savais qu'elle ne lâcherait pas le morceau avant d'avoir obtenu satisfaction. Autant lui donner un os à ronger, n'importe lequel. Je saisis le premier qu'elle me tendit.

— Okay, je suis démasquée. Je veux quelque chose.
— Si c'est à propos de Silver Lake, je te dis tout de suite que...
— Je m'en fous de Silver Lake, maman.

Esh-Kirith #2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant