J'irai jusqu'au bout (Framal)

Chapitre 5 - Une décision

Ken l'a laissé m'embarquer sans broncher. 

Idriss avance désormais en silence d'un pas décidé. Je me demande où il m'emmène...

On se dirige vers le parking lorsqu'il s'arrête soudainement : 

- Elle est où ta voiture ?

- Juste là, dis-je en la pointant du doigt.

Le rappeur hausse les épaules. 

- Super, rentre là-dedans et tire toi.

Je ne m'attendais pas a cette réponse. Alors je le regarde, interdite. 

Cela ne fonctionne pas, je décide donc de le questionner : 

- Excusez-moi ?

- Si je t'ai fait sortir, c'était pour éviter que mon frère te casse la gueule. Je l'ai fait uniquement parce que tu nous a aidé hier. Maintenant, on est quitte, Ciao. 

Il commence à retourner vers la salle de concert. Je réalise, enfin, qu'il ne compte pas me parler. Pourtant, il faut que je sache la vérité, Il faut que j'agisse vite. Je décide de le suivre. Je ne vais pas le laisser s'échapper.

Quand il remarque à nouveau ma présence ,il se stoppe. Son regard est sombre, très semblable à celui de son frère en réalité. 

-  Qu'est-ce que tu fous ?

Je n'arrive pas à croire ce qui m'arrive. 

- Je ne vous dois peut-être plus rien à vous mais Ken m'a demandée de venir.

Il lève les yeux au ciel : 

- Ken est con. Il a trop bon cœur . Retourne chez toi je t'ai dit.

Reste calme Lana. Sinon, il ne te fera jamais confiance. 

- Non. Je veux avoir votre version des faits.

Un petit rire sarcastique s'échappe de ses lèvres. 

- Pour me dénoncer chez tes amis les flics ?

- Si j'avais voulu, ton frère serait aussi arrêté... Donc non, je ne travaille pas pour eux."

Il se rapproche de moi... Un peu comme Hakim tout à l'heure. Malgré tout, je ne ressens pas de peur. J'ai l'impression qu'il ne pourrait jamais me faire de mal. 

- Arrête de mentir. Tu as passé la soirée au poste et je t'ai vu faire un câlin au putain de flic qui m'a arrêté.

Et merde. J'avais oublié cette partie. Je réfléchis à une réponse, mais je n'ai pas le temps :  il s'éloigne déjà.

- Idriss...

Avoir utilisé son prénom le surprend. Il s'arrête et me dévisage. Je crois qu'il attend que je continue.

Alors, j'essaye une première approche : 

- On ne se connait pas. Je m'appelle Lana ,je suis institutrice et je dis toujours à mes élèves qu'il faut être juste et ne pas s'arrêter a la première impression. Mon seul objectif est  de connaitre la vérité... Que vous soyez coupable ou non. 

- Désolé mais je me suis juste arrêté au fait que tu sois une putain de fonctionnaire de l'état. 

Parce que c'est mal d'être professeur ? 

Je laisse couler mais cela ne m'empêche pas de le dévisager. Il ne me quitte pas des yeux et je compte bien faire pareil. Il est hors de question que je perde sur ce coup. S'il n'y avait que lui, je l'aurais déjà laissé tombé depuis un bon bout de temps... Mais, je sais que Leo me pousserait à continuer dans la voix de l'altruisme.

Putain de conscience. Putain de Léo. 

J'ai, soudainement, une idée pour le convaincre.

- Tout a l'heure, Ken a dit que vous aviez sorti un album et que vous alliez partir en tournée très prochainement.

- Et alors ?,  m'interrompt-il. 

- Vous n'irez nul part si l'enquête est en cours...Ou pire, si tu es arrêté... Et je peux te dire que c'est bien partie pour que tu le sois.

Je parle lentement et fais des pauses entre mes constatations. Il faut qu'il comprenne à quel point cette arrestation est grave. 

- Bordel !

Idriss hurle. Ses ongles rentrent dans sa chair. Il ressemble davantage au garçon de la veille et moins au rappeur sûr de lui - Plus d'Idriss et moins de Framal.

- J'ai rien avoir avec cette putain d'histoire.

- On va essayer de prouver ça, je soupire. 

- Pourquoi tu veux m'aider ? N'invente pas de conneries. 

J'ignore sa question. 

- Je suis votre meilleure chance. J'ai accès à certains documents de l'enquête, bien plus que votre avocat. Et, je peux aussi parler avec quelques policiers sur le coup. Alors, si vous voulez bien me donner votre version, on pourra avancer.

Il réfléchit quelques secondes avant de me répondre : 

- Très bien.

Je viens officiellement de me foutre dans la merde. 

- Ok. Allons-y.

- Quoi ? Tout de suite ? s'étonne-t-il. 

- Votre défense n'attend pas.

Il soupire.

- A une seule condition. Allons acheter une ou deux bouteilles de Vodka. J'ai besoin de boire un verre. C'est toi qui conduis, pas de protestation."

J'éprouve une grande satisfaction pendant quelques instants. c'est un sentiment bizarre, j'ai envie d'avancer sur l'enquête... Mais je sais, malgré tout, que je joue à un jeu dangereux. Je suis en train de comploter contre mon propre père alors que je ne connais même pas Idriss. Il me mêne peut-être en bateau.

Idriss s'installe sur le siège passager. Je le vois prendre un bonbon dans sa poche. Un léger sourire se dessine sur son visage quand l observe l'intérieur de ma Ford Fiesta. 

-  Bagnole de prof.

- Présumé dealer.

- Aie ça fait mal Lana.

Il sourit enfin, un petit rictus s'échappe de ses lèvres. 

- Ne me cherchez pas trop sinon vous allez réellement souffrir...Idriss, je rajoute. 

- Je n'attends que ça beauté. Mets le coco et on démarre !

Il lâche cette dernière phrase d'une drôle de façon. A-t-il essayé de chanter quelque chose ?

- Pardon ?

- Tu n'as pas la référence ?

-  Non, désolée.

Je lève les yeux au ciel alors qu'il grimace lorsqu'un morceau de Kean s'échappe du lecteur radio. 

- T'as aucune bonne référence on dirait.

Je ne lui réponds pas encore. 

On approche doucement de la vérité, je n'ai que ça en tête, il n'y a que ça qui compte.