J'irai jusqu'au bout (Framal)

Chapitre 6 - Une discussion

Idriss ne m'a pas vraiment adressé la parole de tout le trajet. Des écouteurs dans les oreilles, il tapotait sur son écran de téléphone, un petit sourire aux lèvres. De temps à autre, il faisait une remarque sur ma conduite... Mais je ne sais pas s'il s'est vraiment rendu compte qu'il les faisait à voix haute. 

Lorsque nous nous sommes arrêtés au Nightshop, il m'a demandé de l'attendre. Il est revenu quelques minutes plus tard avec deux bouteilles de Vodka dans un sac en plastique qu'il a placé sur ses genoux. Il attendait que je redémarre - on avait convenu que la soirée se passerait à mon domicile - pour se protéger des fans, il disait... Pour éviter les flics, je pensais. 

Il a ensuite passé le reste du trajet à regarder par la fenêtre. Je me suis sincèrement demandée à quoi il pensait. 

Sa vie n'est pas une partie de plaisir depuis hier soir. Il doit, à la fois, gérer son métier d'artiste et ses problèmes personnels. Et voilà que moi, je débarque et l'oblige à me suivre. 

ll a vraiment les épaules solides pour continuer à sourire de la sorte. J'admire cela. 

Il est 22h30 lorsque nous arrivons à mon appartement. J'espère que cette histoire sera rapidement mise au clair. Je n'ai pas envie de passer une seconde nuit debout.

Dans les couloirs, Il me suit en silence et ne me fait pas de remarque lorsque j'empreinte les escaliers à la place de l'ascenseur. On dirait qu'il est complètement dans son monde. Ses grands yeux regardent dans le vide comme s'il imaginait un film dans sa tête. 

Nous franchissons la porte d'entrée, je le vois dévisager mon appartement. Il a enfin repris contact avec la terre. Il murmure : 

-" Appart de prof..." 

Quand il fait une blague, il a un petit rictus. Je l'avais déjà remarqué dans la voiture. Ses lèvres se redressent un peu du côté droit alors qu'il s'exclame. 

Mais il n'a pas tout a fait tord. Il y a des fardes, des feuilles et du matériel pédagogique un peu partout. De plus, ce n'est pas très grand donc toutes mes affaires prennent rapidement de la place. 

J'essaye de mettre de l'ordre dans les bricoles qui trônent sur la table. Les mains dans les poches, Idriss m'observe quelques instants... Avant d'embarquer tout mon travail sans me laisser le temps de terminer mon classement. Il claque, de manière abrupt,  mes affaires dans le canapé.

- Faites comme chez vous évidemment.

Il hausse les épaules. 

- C'est ce que je fais déjà.

Encore ce petit rictus.

Il reprend :

- Et tu peux me tutoyer Lana.

- Très bien... mais moi je ne t'ai pas donné l'autorisation de le faire.

- Et je n'en ai pas besoin, il répond, j'suis pas ton élève.

On se regarde en chien de faïence  mais personne ne parle. Idriss s'installe sur l'une des chaises et me fait signe de m'installer à ses côtés.  Je m'exécute. 

Je ne sais pas par quoi commencer, Idriss prend les devants :

- Madame Lana, On se la vide cette première bouteille? 

Je ne me laisse pas prier. 

- Je vais chercher les verres.

On a besoin de se détendre avant de rentrer dans le vif du sujet. 

Nous nous servons un verre de vodka, puis deux, puis trois... J'ai sorti quelques canettes de RedBull qui trainaient dans mes placards depuis ma dernière soirée.