J'irai jusqu'au bout (Framal)

Chapitre 53 - Un invité

Le médecin m'a dit :

-"Vous avez le droit de quitter l'hôpital... Seulement, si vous acceptez de rester enfermer chez vous."

J'ai acquiescé et répondu positivement à toutes ses demandes. Cependant, ma tête était encore hantée par les paroles de Madame Akrour...

Lui dire ce que je ressens, comme une personne responsable. Me rendre chez lui pour en discuter.

En réalité, je ne suis pas certaine de vouloir y aller. Pourtant, ce matin, mes béquilles et moi, nous avons pris le bus et nous nous sommes arrêtées pas très loin de chez Idriss.

Je marche quelques mètres avant de me stopper net. Lorsque j'aperçois son appartement au coin de la rue, je suis subitement paralysée.

Quelles sont mes attentes à la suite de cette discussion ? Que vais-je lui dire exactement ?

Je n'ai absolument rien préparé. J'en avais juste marre d'entendre cette voix dans ma tête qui me disait de foncer... Alors, je me suis levée, j'ai enfilé (tant bien que mal) une robe noire évasée puis, j'ai bu mon thé et je suis partie rejoindre l'arrêt de bus le proche.

Et me voilà maintenant : je suis en position de faiblesse et je déteste ça.

Je soupire tout en avançant d'un premier pas.

C'est alors qu'Idriss apparait. Il quitte son appartement, un simple t-shirt à longues manches sur le dos. Les mains dans les poches, il semble attendre quelque chose.

Quoi exactement ? Je n'en sais rien. Tout ce que je sais, c'est que j'ai envie de prendre mes jambes à mon cou avant qu'il m'aperçoive.

Je me sens nauséeuse à cause de l'effort physique, mais, bientôt, ce que j'aperçois me donne plutôt envie de me tapir sous terre et d'y rester à tout jamais.

Parce que je reconnais la personne qui vient de sortir, elle aussi, de son appartement. C'est Capucine, la fille avec qui il s'envoyait en l'air avant toute cette histoire, la femme qu'il a remballé le soir du nouvel an.

Elle s'approche de lui et parle avec beaucoup d'enthousiasme. Idriss sourit, mais, regarde toujours devant lui. La jeune femme pose, ensuite, une main sur son épaule. Ses yeux bleus me transpercent alors que je ne suis même pas à côté d'elle. Capucine est belle, grande et en bonne santé.

J'ai envie qu'il la repousse, mais, Idriss ne bouge pas d'un poil.

Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? Comment ai-je pu croire en cette idée ? Je l'ai trahi et nous avions convenu de cesser notre arrangement dès que l'enquête serait terminée.

Je ne devrais pas être surprise... Pourtant, mon coeur semble s'arrêter durant quelques secondes et mes yeux se mettent subitement à brûler.

Je me retourne aussi vite, prête à courir jusqu'à ma prochaine destination. Je me moque de ma cheville et de la distance à parcourir, je me fiche d'être habillée comme en été alors que nous sommes en plein milieu du mois de février... Il faut juste que j'avance d'un pas décidé, la tête tournée vers mes pieds pour m'assurer qu'aucune de mes béquilles ne vienne s'engouffrer dans un trou.

Je fixe mon bandage avec une telle attention que j'en oublie les autres piétons. J'entre en collision avec, ce qui semble être, un homme.

-"Faites attention !"

Je m'énerve et pose une ma main sur mon ventre.

Si mes points sautent, ce sera uniquement de ma faute. Le médecin m'a dit :"pas bouger" et j'ai désobéi. Tout ça pour rien.