JEX
(Moment présent)
Je lisais le journal pour tuer le temps. Je ne vous cachais pas que les articles étaient déprimants : « Un avion se crache sur un restaurant » (encore un mec qui a trop bu), « Un homme devient fou et scalpe son patron » (on ne parle pas du motif), « Un gérant de boîte de nuit se suicide de cinq balles dans la tête » (certainement un as de la gâchette). Ah ! voici le meilleur : « Une mamie hospitalisée suite à une fuite d'eau chez son voisin exhibitionniste ».
Je plissais des yeux. Cette histoire me semblait familière... Je lus l'article :
« Ce samedi soir, une octogénaire se trouvait dans ses appartements avec son petit caniche Pilou. Quand soudain, elle entendit un bruit terrifiant dans l'appartement de son voisin du dessus. Habitué des « baise-partys », ce voisin est connu dans l'immeuble pour dévoiler ses attributions masculines à la pauvre dame.
Inquiète que la partie de jambes en l'air ne durât toute la nuit, elle décida de prendre un balai pour signifier à son voisin qu'il était temps d'arrêter son rodéo. « Vous comprenez, Pilou est sensible aux bruits de bêtes. Il était terrorisé et tentait de se frotter sur ma jambe ».
Prenant son courage, la vieille dame grimpa sur une chaise et frappa fort au plafond, provoquant une microfissure. « Tout est allé si vite, se confia-t-elle. Le plafond s'est lézardé et de l'eau s'est déversée dans ma cuisine. J'ai tenté de redescendre, mais mon pied a glissé et j'ai atterri sur Pilou. Paix à son âme, il était tellement affectueux ».
Actuellement hospitalisé à Sainte Marta, la mamie devrait pouvoir regagner son appartement dans une quinzaine de jours, avec une aide médicale. En effet, il faudra compter une longue période de convalescence car la vieille dame souffre de multiples fractures. Mais ses jours ne sont pas en danger. Le syndic de la propriété devrait se réunir pour porter plainte contre cet exhibitionniste pervers qui nuit à la paix du voisinage. L'unanimité des habitants réclament son expulsion.
Quant à cet individu qui manque de civisme, il est également entré aux urgences la nuit dernière. Une séance de sadomasochisme aurait très mal tourné : en se faisant dominé, le malheureux a fini sur le carreau. »
Mes doigts serrèrent fort les bords du journal et mes mâchoires formèrent une ligne plate horizontale sur le visage.
Vieille chamelle ! pensai-je. M'expulser de l'immeuble ! Exhibitionniste ! Cette momie décrépite et sénile allait m'entendre ! Même si mon nom n'avait pas été mentionné, j'étais certain être le gars que faisait allusion ce journal qui n'était autre qu'un simple ramassis de bouses de vaches. J'avais reconnu la vieille folle de chèvre qui n'arrêtait pas de bêler à longueur de soirée.
Avec rage, je froissai le journal puis je pris l'urinoir pour l'enfoncer au plus profond. Enfin, je lançai le tout par la fenêtre pour me débarrasser de ce ramassis de conneries.
Je me rallongeai et tentai de calmer mes nerfs. Je saisis la télécommande de la télévision et je zappais les chaînes sans savoir réellement laquelle je voulais regarder. Je me sentais las de toutes ces histoires, dont je n'étais même pas responsable. J'étais un mec sympa, quand on ne me faisait pas chier. Je pouvais même comprendre, ou du moins écouter, les sentiments de mon prochain. Franchement, on ne trouvait pas un mec plus cool que moi. Je menais une vie pépère : tatoueur, boxeur, amateur de jolis filles, coursier pour mon club. Mais le destin s'acharnait sur moi, me poussant à commettre des crimes. Et en ce moment, j'avais deux personnes dans mon viseur : ma sorcière de sœur et cette vieille peau de pangolin.
Je soufflais en évacuant tout ce stress qui n'était pas bon pour ma santé. Il fallait absolument un peu de repos, une pause comme dans les combats.
- Tu sais, Harps, on n'est pas si mal ici.
Pour toute réponse, il me fit un grognement. Depuis qu'il pensait avoir trouvé le point faible de ma sœur, son « talon d'Achille », le mec cogitait. Je pensai qu'il cherchait un plan génial pour nous sauver d'une mort inévitable. Mais je sentais que ce plan serait foireux comme les autres.
- Elle ne nous craint pas, pensa-t-il tout haut.
Ma sœur devait occuper son cerveau toute la journée. J'imaginais le mécanisme dans sa tête qui marchait à plein régime.
Je m'esclaffai car il était vraiment drôle : des heures de réflexion pour sortir des conneries de ce genre.
- Mec, je croyais que tu avais trouvé une idée puissante. Ça, on le savait ! Regarde autour de toi. Nous avons terminé notre soirée géniale à l'hôpital.
Il se leva de son lit et commença à faire des allées et venues entre la fenêtre et les toilettes. J'observai les points sur son visage qui donnait l'impression d'être la conséquence d'un numéro de fakir raté.
- Il nous faut absolument de l'aide... marmonnait-il.
- Mets-toi à genoux et prie toutes les déesses de te sauver, même les plus moches, répondis-je.
Soudain, il s'arrêta. Un éclair de génie semblait l'avoir foudroyé.
- Elle craint Matt !
- Matt ? dis-je en me dressant de mon lit. Cet enfoiré s'est barré sitôt la tante enterrée. Il m'a sorti un truc du genre que je devais veiller sur la merdeuse pour les sept prochaines années. Sept années !
Harps blêmit et posa la main sur la table derrière lui pour ne pas tomber. La nouvelle l'avait terrassé.
- Tu ne t'en rends pas compte des capacités surhumaines de ma sœur... Elle a arraché le robinet de mon appartement et près de deux mètres cubes d'eau ont fuité. Et maintenant je suis accusé de sadomasochiste pervers qui nuit au bon voisinage de mon immeuble. Je vais être traîné en justice comme un criminel. Je suis même certain que l'on va m'accuser d'avoir tué Pilou. Alors que je suis un ami des animaux !
Harps ne comprenait pas un mot de ce que je hurlais mais cela faisait un bien fou de vider son sac. Un silence s'abattit dans la chambre et Harps me dévisagea d'une étrange façon. De la pitié ?
Je me rallongeai lentement en posant délicatement la tête sur l'oreiller.
- Si ton plan inclut l'intervention de Matt, nous ne pouvons pas nous manquer. Une démone alliée au Dieu de l'Apocalypse...
Je ne pouvais pas terminer ma phrase. Des images de fins du monde tournaient à une vitesse folle dans mon cerveau. Un échec serait indescriptible. Même sur la banquise en Antarctique, les pingouins refuseraient de nous abriter.
- Il faut se résigner mec. Nous avons perdu la guerre.
Harps se rapprocha et se pencha sur mon lit.
- J'ai LE plan infaillible mon pote. Sa chère liberté...
Il ricana et poursuivit :
- Je vais la lui bouffer.
Je le fixai avec appréhension car je ne le sentais pas du tout. Mais alors PAS. DU. TOUT.
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A pretty calamity
RomanceLui, c'est Harps. Il est le Président du club des bikers Black Wolves. Il mène ses petits affaires bien tranquillement dans les terres du Middleton Wassep. Elle, c'est Kally. Elle est entrée dans sa vie comme un boulet. Elle est timide, souriante...