15 Homosexual Blues

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-Jlai embrassé. Samedi.

-Oooooooow bien joué! C'est la route vers la perte de ton titre d'Eternelle Pucelle! Dit Ange.

-Tagueule.

-Pff c'est des conneries. Ça durera pas ton histoire avec ce mec. Jsais pas ce que tu lui trouve, a ce couillon.

Ça c'était Jenn, évidemment.

-Rhoo Jenn franchement! Tu devrais plutôt te réjouir pour elle, non?

Ça, c'était la nouveauté. Melody. Qui avait commencé à trainer avec nous de temps en temps.
Autant dire que Ange avait vu cela comme une occasion rêvée de se faire pardonner d'avoir... eh bien, baisé son mec dans les toilettes. Jenn avait été relativement neutre à ce sujet. Je crois qu'elle n'aimait pas beaucoup Melody - Jenn n'aimait pas grand monde - mais qu'elle reconnaissait et comprenait ce qu'elle traversait. Quant à moi... eh bien, j'étais celle qui avait proposé à Melody de rester amie, mais je n'étais pas très à l'aise à l'idée de l'avoir tout le temps avec nous.

-Tes autres amies en pensent quoi? Avais-je demandé.

-Mes... oh! Oh, elles sont terrifiées à l'idée que j'arrête de trainer avec elles.

Ah. C'était à peu près ce que je craignais.

-Mais je m'en fiche. Continua-t-elle. Je les entend parler dans mon dos, elles restent avec moi mais me cassent tout le temps du sucre sur le dos. Elles me reprochent de leur voler les mecs, tout en se servant de ma... popularité auprès d'eux pour s'en approcher. Je soupçonne même qu'elles soient parfois à l'origine du relancement de ces rumeurs sur mon...

-Ouais, on voit pas besoin de le dire. Avait coupé Jenn.

-Mais trainer avec nous quand même... avais-je continué. T'as pas peur justement que ta réputation en pâtisse?

-Je me fiche pas mal de ma réputation. Assura-t-elle -c'était clairement un mensonge. Mais en quoi trainer avec vous serait mauvais?

-Ben... je sais pas trop ce que les gens ont comme image de nous, mais je suppose que c'est pas la joie. Jveux dire on se mélange pas aux autres et, bon en dehors de Ange, on est un peu... taciturne?

-Des gothiques, des anti-sociaux, des anarchistes, des satanistes. Ajouta Jenn.

Melody avait éclaté de rire, puis elle avait montré Jenn:

-La première de la classe, intelligente, classe, dont tous les mecs sont amoureux et qui les a tous remballés!

Puis elle montra Ange:

-La chouchoute de tous les profs, élèves, pions, la petite sainte du coin!

Enfin, elle me montra moi.

-Mmm... Jill!

-Hey!

-La killeuse du regard, celle qui effraie les mecs à tel point elle semble inapprochable, mais que tout le monde admire!

-Pff tu te fous de moi. Dis-je.

-Même pas! Tu semble pas avoir conscience de l'image de votre groupe. Ils vous considère pas comme des asociaux, mais comme des... sortes de personnes au dessus du lot, inatteignables. Du coup certains disent que vous avez la grosse tête, que vous parlez pas aux autres pour pas vous mélanger à la "plèbe"...

-C'est n'importe quoi! Me défendis-je.

-Jill, arrete de faire la débile. Répondit Jenn. Les rumeurs sont rarement fondées hein.

-Je pensais que vous étiez au courant, moi. Se plaint Melody.

-Moi je le savais. Fit remarquer fièrement Ange. C'est aussi pour ça que j'essayais de vous approcher, au début.

-Et t'as pas honte de l'avouer. Rétorqua Jenn.

Notre petit groupe s'agrandissait donc d'une personne. Une révolution dans notre petit monde paisible - mais bon, les révolutions étaient devenues courantes, ces derniers temps. Quand à ma relation avec Sam, qui jusque là ne se différenciait pas vraiment de l'amitié, une gêne s'était installée entre nous depuis mon baiser du samedi. J'avais l'impression que Sam se retenait, ou qu'il venait de réaliser que nous n'étions plus juste des amis, mais plus que ça. Toujours était il que nos discussions autrefois animées étaient désormais ponctuées de silences gênés particulièrement agaçants - rien à voir avec les silences complices que j'avais en parlant à Jenn.
Mais le fait était là: je n'avais pas détesté l'embrasser. Je ne pouvais pas dire que c'était l'expérience la plus incroyable de ma vie et que j'allais m'en souvenir jusqu'à ma mort, mais j'avais plutôt apprécié pouvoir goûter de manière prolongée la texture des lèvres de quelqu'un. Cependant, la satisfaction de la réussite de mon expérience se fit balayer petit à petit par la réalisation de quelque chose.

J'avais embrassé Sam, c'est vrai.

Mais à quoi avais je pensé en le faisant?

Bingo.

J'avais embrassé Sam en pensant à Sang, au défi, au vendredi au bar avec Melody. À aucun moment je n'avais embrassé Sam parce que je le voulais. Ou plutôt, je le voulais, mais pas parce que c'était Sam. Ça aurait pu être n'importe quel inconnu que cela aurait été identique à mes yeux. Je réalisai que ce baiser qui semblait être ma réponse, la preuve de ma possible hétérosexualité... était factice.

Pire, il confirmait l'inverse: que j'étais raide dingue amoureuse d'une fille. Ou peut être même deux. Mais pas que j'aimais cet homme. Ce pauvre Sam, qui lui semblait réellement m'aimer.
J'étais... dégoutante. Je m'étais servie de lui. Je me dégoutais. Puis, je me mis à continuer à espérer. Peut être que je n'aimais pas encore Sam... parce que je n'étais pas allée assez loin. Et, même si je n'étais pas amoureuse de lui, cela signifiait-il que je ne pouvais être amoureuse d'aucun homme? Non! Peut être qu'un jour, un autre homme réussirait à me conquérir. Peut être même serait-ce Sam; peut être ne lui avais je pas laissé assez de temps.

Ça faisait beaucoup de "peut être". Des "peut être" qui semblaient bien faibles face à l'écrasante réalité que me criait mon cerveau: je veux que melody me bouffe la chatte bordeeeeel!! Mon cerveau ne s'embarrassait pas de la politesse. Et le Melody semblait de plus en plus pouvoir être remplacée par Sang; après tout, Jenn avait raison, n'ayant aucune chance avec Melody, je pouvais bien tenter mes chances avec la magnifique bartender. Mais le petit doute, les "peut être" insinueux, monopolisaient mon attention. Il faut croire que je VOULAIS prouver que je pouvais aimer les hommes. Le prouver à qui? Et pour quoi? Je l'ignorais complètement. En fait, ça n'avait aucun sens. Et ça m'énervait. Alors, je continuais de tenter de remplir les blancs de mes discussions avec Sam, de jouer la bonne amie de Melody, et d'attendre patiemment le vendredi qui arrivait. Je n'avais aucune idée de ce que préparait Sang. Mais j'avais envie de la revoir.

Et pas une seule fois je ne pensais à embrasser à nouveau Sam. Je l'avais fait une fois; il ne m'était même pas venu à l'esprit que ce puisse devenir courant.

NIRVANAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant