30 Mélodie Ensorcelante

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Mon humeur passa de massacrante à dépressive le lendemain. Je refusais l'offre des autres lorsqu'ils me proposèrent de me lever pour aller skier, prétextant un mal de crâne. J'avais l'impression d'avoir commis un crime abominable, et je me sentais juste sale. Mon malaise ne me quitta pas une seule fois de toute la matinée, et j'en passais d'ailleurs la plupart du temps à pleurer seule dans mes draps. Je crois qu'une bonne partie de la pression que j'avais accumulée jusque là se relâchait en de bruyants sanglots, mais je m'en fichais. J'étais seule dans la maison, je n'avais pas à être discrète, et je n'y arrivais pas de toute façon.

Enfin... je croyais être seule. J'entendis soudain une douce mélodie résonner dans la maison. Une mélodie au piano en provenance du rez de chaussée, lente et magnifique, emplie de tristesse et de nostalgie, qui me fit redoubler mes pleurs pendant quelques minutes. Je me décidait enfin à quitter mon antre, à la recherche de l'origine de la musique. J'essayais d'être discrète, n'ayant aucune envie que l'on m'aperçoive dans mon état: mes yeux étaient rouges et enflés, mes cheveux en bataille. J'observais le rez de chaussée, depuis la mezzanine, et compris l'origine de la mélodie.

Un peu à l'écart des autres meubles, dans un angle, de telle sorte que je ne l'avais pas remarqué jusque là, trainait un piano droit noir, du plus bel effet. Son couvercle était relevé, révélant ses nombreuses touches sur lesquelles des doigts graciles jouaient leur symphonie triste et mélodieuse. Les doigts de Melody. La belle blonde avait les yeux plissés, perdus dans le vague, alors qu'elle laissait libre court à ses envies de jeu qui prenaient vie sur les touches noires et blanches. Je tombais en admiration à cette vue. C'était simplement... magnifique. Je ne savais pas pourquoi elle jouait, ni le nom du morceau ou meme simplement s'il avait un nom. Peut etre était-elle juste en train d'inventer au fur et à mesure, et de m'offrir une composition que seul moi entendrais jamais... simplement, ses notes savaient toucher là où j'avais mal, et me faire réaliser ma tristesse. Je sentais les larmes me remonter aux yeux en les écoutant - et cela faisait du bien. Pleurer m'avais vidée de mes forces et des mes craintes. J'étais à nouveau éreintée, mais le poids qui pesait sur mon coeur s'était partiellement allégé.

Je descendis les escaliers, alors que le morceau changeait vers une mélodie plus grave et lourde, comme un crescendo avant le début d'une scène d'action magnifique dans un de mes films préférés - oui, j'ai de super références. Je m'assis sur le canapé, celui sur lequel je ne m'étais encore jamais assise et depuis lequel on voyait à peine l'instrument. Seule Melody m'était visible, de profil, concentrée sur la musique. Je doutais du fait qu'elle m'ait remarquée. C'est seulement à cet instant que je réalisais qu'elle n'était pas avec les autres, et me demandait ce qu'elle faisait ici.

Mais je restai silencieuse, à profiter de ce moment magique. Ses yeux bleus magnifiques, ses longs cheveux ondulés, ses lèvres charnues et son expression, emplie d'une si profonde tristesse que cela m'en brisa le coeur. Je remarquais que ses émotions semblaient reprendre le dessus, et sentant ses mains trembler un peu sur le clavier et ses yeux larmoyer. Elle n'arrivait plus à jouer correctement. La mélodie se brisa au moment où ses pleurs éclatèrent, et je mis quelques instants à réagir, étant encore sous l'enchantement.

Je me précipitai vers elle et la pris doucement dans mes bras, lui offrant une épaule où pleurer. Ça ne me ressemblait pas beaucoup, étant une personne assez distante et assez nulle en terme de consolation, mais je ne pouvais pas la laisser.

-Laa, laaa... c'est fini... dis-je, sans vraiment savoir de quoi je parlais. 

Pourquoi pleurait-elle, au fait?

-Oh... Jill... dit elle entre deux sanglots. Excuse moi si je t'ai réveillée...

-C'est vraiment de ça que tu t'inquiète, maintenant? Lui demandais-je, un peu sarcastique. Allez viens, on va te coucher, tu as l'air absolument détruite.

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