53 Batophobie

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-Comment ça, ce qu'il va se passer? Demanda Melody, inquiète. Il va se passer un truc?

Je m'apprêtais à lui répondre, quand une clameur s'éleva de derrière nous. Je me retournai et vis un femme descendre quatre à quatre les marches menant de la rue au quai en criant. Etait-ce ça, le plan de Satan pour faire sortir Sang de sa cachette? Je n'en avais aucune idée. Je n'avais jamais vu cette femme.

Ce n'était visiblement pas le cas de Melody qui blêmit en la voyant.

-Qu'est ce qu'il y a, Melody... glissa Jenn.

-C'est... une ex... Balbutia Melody, pâle comme un linge. Une... une... 

-Melody! Beugla-t-elle, attirant tous les regards sur elle. Je te retrouve enfin! S'il te plait, tu dois me croire! Je suis vraiment désolée pour ce que j'ai fait, je ne pensait pas à mal!

-De... quoi elle parle... demanda Jenn.

-Mélo... dis-je d'un ton glacial. C'est... elle?

Mélody se contenta de hocher la tête, en ayant un mouvement de recul alors que la femme s'approchait.

De mon côté, je restai stoïque. Je savais que le plan de Satan venait de se mettre en marche. D'une manière ou d'une autre, ce qui allait se passer allait forcer Sang à sortir de sa cachette et à se montrer. Mais j'étais furieuse. Dire que Satan avait fait surgir la propre agresseuse de Mélody pour faire réagir Sang? Je savais que la démone était tordue, mais là c'était un peu trop.

Méline arriva à notre niveau après avoir traversé le large quai du Rhône. Ses yeux étaient suppliants et fous. Satan lui avait elle fait quelque chose?

-Nous pouvons encore être ensemble! Cria-t-elle. Tu dois juste apprendre à me pardonner.

-Pardon? Rétorqua Melo avec un mouvement de recul. Je pensais avoir été très claire lors de notre appel! Je ne veux rien avoir à faire avec toi!

-C'est ce que tes parents t'ont mise en tête! Et j'étais jeune, je ne savais pas ce que je faisais non plus! Mais nous sommes faites l'une pour l'autre, Mélody, tu le sais tout autant que moi! Même si tu refuse de l'avouer.

-Nous n'étions pas faites l'une pour l'autre, et encore moins aujourd'hui! S'emporta finalement Mélo, qui élevait la voix, chose rare. Je n'arrive pas à croire que tu ai le culot de te remontrer devant moi après tout ce temps et après tout ce que tu as fait, et pour me dire ça?  Alors la!  Sache que je te hais, Méline! Je te déteste de toute mon âme, tu as ruiné ma vie, tu m'entends? Et je commence seulement à la reconstruire!

-Tu te mens à toi même, Mélody! Insista Méline. Il n'y a personne de meilleur pour toi que moi, et inversement.

Jenn pouffa très fort, et j'avoue que je ne pus m'empêcher de faire pareil. Méline tourna son regard inquisiteur vers moi, alors que la réaction de Jenn fut ignorée. Pourquoi c'était toujours moi qui me retrouvait impliquée? Enfin, j'imaginai que si je poussais cette femme très visiblement déséquilibrée à s'en prendre à moi, Sang surgirait probablement... et je préférai détourner son attention de Mélody avant qu'elle ne s'en prenne à elle.

-Salut, Méline. Lançai-je. Je suis la personne meilleure que toi que Mélody a choisi pour elle même, et bizarrement sa vie va bien mieux depuis qu'on se fréquente. Pas vrai?

Je considérai comme inutile de préciser que nous ne sortions plus ensemble.

-Menteuse! S'égosilla Méline. Tu n'as vraiment aucune honte, à te prétendre proche de Mélo ainsi.

-Et je T'INTERDIS d'utiliser ce surnom. S'emporta Mélody. Il lui est réservé. Maintenant disparais!

Méline sembla désarçonnée, et recula légèrement. Les curieux nous lançaient des regards amusés ou inquiets. Elle se reprit rapidement, cependant, et je compris que je n'allais pas aimer. Car elle dirigea sa rancoeur sur moi.

-Toi... tu me l'as volée! Tu l'as touchée avec tes sales pattes et tu l'as retournée contre moi! Salope!

-Calme ta joie, meuf. Répondis-je, diplomate. J'ai rien fait de majeur, elle est assez grande pour décider toute seule de te supprimer de sa vie.

-Tagueule!

Tout se passa très vite. Elle se jeta sur moi et m'empoigna par le col, mais, emportée par son élan, je basculai avec elle par dessus le quai. Merde. Le contact de l'eau glacée me réveilla. Je me débattit, mais elle ne voulait pas lâcher. Je commençais à la frapper. Je réussi à remonter à la surface, et à prendre une grande bouffée d'air, avant qu'elle ne me tire vers le fond une nouvelle fois. Elle commençait à m'énerver franchement. Je m'étais peut être sentie impuissante face à mon père, mais en attendant, je savais réellement me défendre. Et ce n'était clairement pas son cas. Je saisis les bras qui m'empoignaient, et entrepris de les tordre de toute mes forces. Un des deux bras finit par lâcher, ce qui me permit de reprendre une autre bouffée d'air, en même temps qu'elle.

-Lâche moi, couillonne! Le courant nous emporte!

-Tagueule salope! Je vais te faire boire la tasse!

Elle me coula une nouvelle fois. Réellement irritée, je ramenai mes jambes contre ma poitrine et les dirigeais dans sa direction. D'un coup, je les propulsais contre son torse. Malgré l'eau qui ralentissait mes mouvement, ça eut l'effet escompté et elle lâcha prise en tentant de reprendre sa respiration. Elle devait avoir eu la respiration coupée, je l'avait frappée au niveau du ventre, et assez fort. Je remontai un troisième fois à la surface, et pris une immense bouffée d'air. Mes poumons allaient exploser. Je la vis au loin nager vers la berge...

La berge... lointaine. Je voyait mes amies gesticuler là bas, ainsi que d'autre gens nous observer de loin.

-Jill! Reviens! Vite! Me lança Jenn, sa voix trahissant sa peur.

Je reprenais ma respiration. Le courant puissant du fleuve me faisait deriver. Je sentis soudain quelque chose glisser contre ma jambe. Avec un cri, je m'empressait de jeter un oeil pour voir ce qui m'agressait. Et c'est là que je le réalisait enfin. J'étais en plein milieu du fleuve. L'eau était verte, et parfaitement opaque. Je ne voyais... je ne voyais pas le fond. Il me semblait distant, invisible, immense, terrifiant. Je commençais à paniquer. Mes mouvements se firent plus saccadés, j'avais du mal à respirer.

-Jill, non! Hurla Jenn au loin, mais j'entendis à peine sa voix

Ma phobie des profondeurs venait de reprendre le dessus. Je bu une première fois la tasse, tentant du mieux que je pouvais de ramener mes jambes proches de la surface pour échapper aux profondeurs insondables au lieu de tenter de nager vers le bord. Mon esprit ne fonctionnait plus ayant laissé place à la panique. Dans mes mouvements brusques, je perdis une de mes chaussures, et mon malaise s'intensifia encore plus. Ma tête plongea dans les profondeurs, et je n'arrivai plus à remonter. Je battais frénétiquement des bras et des pieds, en voyant - ou plutôt en ne voyant pas - le fond de l'eau. L'air me manqua rapidement, et la surface me semblait loin. Je n'arrivais plus à respirer, et mes forces me quittaient.

Puis une main attrapa la mienne, et me tira vers le haut. Je surgis à la surface, et commença à paniquer à nouveau et à battre des pieds dans tous les sens.

-Arrête de te débattre, ou on va couler à deux! Fit une voix.

Une voix que je ne connaissais que trop bien. Celle de ma démone favorite. Le plan de Satan avait marché... mais putain, quel plan de merde. Elle allait m'entendre! Je m'exclamai à sa vue.

-Sangblgblgbk

Oui, je recommençais à couler, car j'avais arrêté instantanément tout mouvement en la voyant.

-Arrete pas de nager non plus, imbécile! Juste.. bats des pieds normalement. Je te guide jusqu'à la berge.

J'enlaçais mes bras autour de son cou. Elle avait disparu à peine un peu plus de 24h, mais j'avais eu l'impression de l'avoir perdue pour toujours. Le soulagement m'envahit, et je remarquai que ma panique avait totalement disparu, alors que nous étions toujours incapable de distinguer le fond. Elle était vraiment... ma bouée de sauvetage. Et j'espérais pouvoir devenir la sienne.

NIRVANAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant