23 Sacrée Caravane

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Le voyage passa très rapidement. Il fallait dire qu'on avait de quoi s'occuper, vu le nombre qu'on était! Ange tenta de lancer un action-vérité; cela échoua, fort heureusement pour mon petit cul - je n'étais pas très fan de ce jeu. Cependant, à voir l'enthousiasme des autres, je devinai que la seule raison qui avait poussé les autres à refuser de jouer était que nous n'étions pas à l'aise, serrés les un contre les autres dans le compartiment. Nos sac prenaient 4 sièges, nous les avions tous entassés les uns sur les autres en une montagne plus que branlante. Nous occupions tous les sièges proches, et récoltions régulièrement les regards noirs et les soupirs exaspérés des autres passagers - nous étions peut etre, peut etre, un petit peu bruyants. Une partie de carte endiablée s'était lancée entre Sang, Sasa, Sam, Jenn et moi - nous étions serrés comme des sardines. Nous laissions exploser notre joie comme notre colère à la moindre occasion, et cela me permit d'apprendre plusieurs choses; Sang était une bête aux jeux de cartes, en tout cas à ceux n'étant pas juste du hasard. Elle avait des techniques, de la stratégie et une putain de mémoire, et gagnait quasiment systématiquement. Je supposais qu'en temps que Bartender, on devait savoir jouer aux cartes - c'était totalement cliché. Sasa n'était pas mauvaise non plus, mais je remarquais une chose très intéressante: elle adorait jouer, mais elle haïssait de perdre. Chaque défaite la mettait dans une colère noire que je ne lui aurait jamais imaginée, toute sourire qu'elle était d'habitude - et cela l'énervait encore plus quand c'était Sang qui gagnait. Elle finit par quitter le jeu en accusant la bartender de tricher, ce qui nous fit tous beaucoup rire.

Martin, l'un des deux beau gosses ramenés par Ange, vint s'asseoir face à moi, un peu plus tard. Il était grand, assez large de carrure, et semblait assez musclé - ça devait pousser sec à la salle. Ses cheveux blonds étaient en bataille, mais à la réflexion, cela semblait presque calculé. Tout ce que je pu tirer de notre courte conversation, c'est qu'il avait tenté pas vraiment discrètement de me draguer et de prendre la température - dire que j'avais Sam à côté de moi! Mais cet idiot roupillait.

Bientôt, le paysage changea, et se fit clairement plus montagneux. Une fine couche de neige recouvrait les champs que traversait le vieux TER, et la chaleur de celui ci ne m'en sembla que plus bienvenue. On arriva enfin en gare, déchargea toutes nos affaires - une vraie caravane - puis on attendit le bus. Longtemps. Très longtemps. Autant dire que la bataille de boules de neige que nous avions entamé était déjà très avancée quand l'autocar qui devait nous amener à la station pointa le bout de son nez. Nous n'étions pas les seuls passagers, mais j'avais pensé qu'il y aurait plus de monde avec nous; c'était quand même la semaine du nouvel an.

Je passais les deux heures de car assise à côté de Sam, bon gré mal gré - j'aurais voulu me mettre ailleurs mais les places s'étaient vite remplies; Sasa s'était collée à Jenn, Ange profitait de ses étalons et Melody et Sang s'étaient mises côte à côte et discutaient gaiement. Une pointe de jalousie me traversa en les voyant ainsi aussi proche, puis je me ravisais. Je n'avais aucune raison d'être jalouse! Elles étaient amies et se connaissaient depuis bien plus longtemps que moi. Et puis, j'étais bien placée pour savoir que la probabilité qu'elles finissent ensemble était proche du néant absolu - Sang était bien accrochée à son célibat, et Melody en pleine remise en question sur sa sexualité.

Toujours était-il que je me retrouvais à côté de Sam, mon Sammie, mon ami d'enfance, dont la présence me dérangeait de plus en plus. Cette relation factice dans laquelle je tentais de m'enfermer était en train de ruiner notre relation, et je le sentais - nous étions un peu plus gênés à chaque fois que nous nous voyions. Il allait falloir que je remédie à ça à notre arrivée - et de manière drastique! Je lui avait dit d'amener des capotes.

Ouais. Je sais. Ça sort un peu de nulle part. Jill-la-pucelle qui avait clairement prévu de sauter le pas - en l'occurence, se faire sauter. C'était mon dernier recours, le dernier moyen que je voyais de réaliser enfin si j'étais seulement capable d'apprécier l'amour d'un homme. Et puis, il fallait dire que j'en avait un peu marre d'être toujours traitée en gamine à cause de ma virginité - tout particulièrement par Sang, qui ne se gênait pas vraiment pour coucher un peu avec tout le monde, sauf moi évidemment. Je me souvenais de son "je ne couche pas avec les vierges"... peut être avais-je eu cela en tête en rappelant à Sam de prendre ses préservatifs?

Non.

Haha.

Bien sur que non.

Hum.

Le car arriva enfin à destination. J'avais l'impression d'avoir passé une journée à voyager, mais il n'était même pas 14h - nous étions partis très tôt. La dernière phase de notre périple commença: atteindre le chalet.

Nous étions dans un petit village de haute montagne, assez peuplé pour ne pas juste être un amas de maison au milieu de la neige, et assez huppé au vu des belles maisons qu'il contenait. Au dessus des toits, on pouvait observé le flan de la montagne toute proche, sur lequel le tracé des pistes de ski de la station perçait de grandes lignes blanches au milieu du vert de la forêt de pin. Il ne faisait pas trop froid, le soleil brillait, nous éblouissant fortement - la neige n'aidait pas. Enfin, on arriva au chalet, modeste possession de la famille de Ange qui aurait pu héberger au bas mot toute une équipe de foot ET leur staff. C'était grand. Je n'avais jamais compris pourquoi c'était aussi grand alors que la famille d'Ange n'y venait jamais et qu'ils n'étaient de toute façon que 5, deux parents et 3 enfants. À entendre Ange, vivre avec des frères et soeurs était horrible, mais c'était quelque chose que j'aurais tout de même bien aimé connaître - malheureusement, pour cela, il aurait fallu que j'ai un père qui soit au moins resté assez longtemps pour engrosser ma mère une deuxième fois. Cette pensée me mit le cafard.

La distribution des chambres fut rapide: Ange avait tout "préparé" - c'était la seule chose qu'elle avait faite - et elle nous annonça joyeusement les groupes.

-Il y aura aussi des solitaires, mais ne vous inquiétez pas! De toute façon, on peut se ballader entre chambres comme on veut, et mixité autorisée - pensez simplement à vous protéger, n'oubliez pas le sida. (Elle me fit un clin d'oeil. Bordel de merde) Première chambre, les tourtereaux! Sam et Jill, la grande suite pour couple, à l'étage!

Génial, une chambre immense et impossible à chauffer correctement à partager avec une personne dont j'avais envie de limiter un peu la présence à mes côtés.

-Ensuite, Jenn et Sasa, aussi ensemble!

Il semblait que leur "couple" n'était pas vraiment un secret pour Ange, bien que je doutais qu'elle connaisse la nature particulière de Satan.

-Sang, je t'ai mise dans la chambre basse, tu es dans un coin tranquille comme tu m'avais demandé, avec possibilité de sortir par ta terrasse.

Ah. Ça sentait les sorties nocturnes et, très probablement, le retour avec quelques filles pas farouches des environs, ainsi que quelques parties de jambe en l'air. Une nouvelle poussée de jalousie s'empara de moi. Ça allait devenir une habitude, à ce rythme.

-Melody, la chambre d'ami, juste à côté de la suite à l'étage.

-Enchantée, chère voisine! Me fit l'intéressée en adoptant un faux ton cérémonieux, avant de s'esclaffer. 

Je lui sourit aussi en retour.

-Et enfin, moi dans ma chambre et Martin et Pierre dans la chambre attenante!

Waw. Étonnant.

Nous nous dirigeâmes chacun vers nos chambres avec nos valises, et j'en profiter pour admirer une nouvelle fois l'intérieur du chalet: grand, spacieux, lumineux, l'étage était partiellement composé d'une mezzanine qui donnait sur la pièce de vie, qui, elle, prenait quasiment les 3/4 du rez de chaussé. Je montais les escaliers, Sam sur les talons, et entrait dans cette chambre qui allait être la mienne une semaine durant. Je vis l'immense lit en plein milieu, bien avant les fausses peau de bête et les tableaux étrange d'art moderne.

Un grand lit.

Un unique grand lit.

J'allais vraiment devoir dormir avec Sam.

Je me dégonflais totalement juste à cet instant.

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