40 Mission Nocturne

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-Mais qu'est ce qu'elle branle encore celle là? Elle veut que je la tue?

Jenn, comme vous l'aurez deviné. Dans sa chambre, chez son père, le samedi suivant. Février pointait déjà le bout de son nez, et encore quelques semaines nous séparaient des prochaines vacances. La fin de la soirée chez Satan avait été super mais... étrange. Sang et moi avions passé la totalité de la soirée à boire et discuter, seules, et nous étions endormies côte à côte sur un canapé.

Évidemment, j'avais été en retard en cours le lendemain. Melody et Jenn avaient catégoriquement refusé d'évoquer leur discussion avec Sasa. Tout ce que je savais, c'est que cette dernière avait en effet révélé sa nature démoniaque à Melody, qui avait eu... du mal à l'accepter au départ. Tout comme moi, quelques mois plus tôt. Et c'était tout. Je ne savais rien d'autre.

Absolument.

Rien.

En évitant le sujet de la soirée, nous en étions revenues à notre soucis premier: Ange. Nous avions enfin mis la main sur les photos, et maintenant, il nous fallait obtenir son aide pour déterminer à qui elles appartenaient. Problème: comment envoyer les photos à Ange?? Elle n'avait aucun réseau sur son portable, avait de toute façon interdiction de l'utiliser la plupart du temps, et ne pouvait nous contacter qu'à certaines heures via un poste fixe prêté par son internat. Impossible donc de lui passer la photo en douce de manière traditionnelle.

Nous l'avions eue au téléphone à plusieurs reprises, durant la semaine. Au départ, on avait tenté de lui décrire les photos, mais ça ne marchait pas. Elles n'étaient pas assez reconnaissables et particulières. Alors nous avions réfléchi à un moyen, et c'était Jenn qui l'avait trouvé.

-T'as dit qu'il y a moins de monde, le week end, c'est ça?

-Oui, certains rentrent chez eux, et il y a moins de surveillants. Pourquoi?

-Alors c'est très simple. Samedi soir, tu vas te lever et aller discrètement dans le bureau d'un surveillant ou dans votre salle informatique. Faudra que tu te débrouille pour que la porte ne soit pas fermée et qu'il n'y ai personne. Là, tu vas te connecter sur le site que je te donne maintenant, et tu cliqueras sur mon prénom dans la liste. On restera connectées toute la soirée, et on te passera les photos dès que tu seras là.

Autant dire qu'Ange n'était pas très motivée. Malgré son comportement libertin, elle était toujours assez froide quand il s'agissait d'enfreindre seule les règles.

-Il y a des rondes... gémit elle. Je vais me faire chopper.

-Pas si t'es discrète. Arrete de chialer.

-Pourquoi ce site precisement? Avais-je demandé. Elle peut juste se connecter sur messenger nan?

-Facebook est bloqué sur les réseau de l'établissement. Avait dit Ange.

-Le site que je lui donne n'est pas très connu, c'est un site de partage de dossier de personne à personne, je pense qu'il ne devrait pas être bloqué là bas.

-Mais quand même... se plaint Ange. Il n'y a pas un autre moyen?

-T'en vois un autre? Demanda simplement Jenn.

Et face à son silence, elle continua:

-À samedi soir, donc.

Et nous étions maintenant Samedi soir, chez Jenn, sur son ordinateur, à attendre fébrilement la connexion de Ange. C'était long. Très long. Trop.

-Tu pense qu'elle s'est fait chopper? Demandais-je.

-Je sais pas... me répondit sincèrement Jenn. Elle a tellement peur qu'elle doit être prudente mais... tu la connais. Elle est tellement maladroite.

-Elle a deux mains gauche.

-Voir plus.

La blague détendit l'atmosphère, qui redevint graduellement plus tendue alors que le temps passait sans nouvelle d'Ange. Le doute s'insinuait en nous. Et si il lui arrivait un truc à cause de nous? Les punitions étaient exemplaires, là bas, nous avait dit Ange. Ma gorge était sèche.

Soudain, un petit bruit indiqua que quelqu'un voulait se connecter avec nous. Le pseudo était celui sur lequel nous nous étions entendues! C'était Ange!

-Putain, elle a mis son temps! Râla Jenn, mais je la sentit aussi soulagée que moi.

Un message apparut dans la petite chatbox en bas de l'écran.

"Dsl. Bcp de rondes. Peut pas bcp ecrire. Vite!"

Jenn n'avait même pas attendu le message pour envoyer les photos. Une petite encoche indiqua qu'elles avaient été téléchargées. On attendit longuement le verdict de Ange dans la chatbox. Mais avant que cela ne puisse arriver, une autre petite sonnerie retentit, différente, et on vit le pseudonyme de Ange disparaitre et une fenêtre popper:

"Un membre du salon s'est déconnecté"

-Elle vient de déco?? S'exclama Jenn. C'est quoi ce délire? Elle a rien dit! Elle a été trop choquée ou bien?

-Ou alors quelqu'un est arrivé et elle a du fermer en urgence.

-Oh merde t'as raison... murmura Jenn. Putain j'espere que c'est pas ça. Imagine si elle se fait chopper avec en plus un ordinateur avec des photos d'elle nue dessus?

-Si elle s'est déco comme ça, c'est qu'elle a dû éteindre le pc... donc je pense que ya pas trop de risque de ce côté. Mais même avec le pc éteint, si elle est debout, elle va prendre cher.

On se regarda longuement avant de soupirer. Décidément, rien ne se passait comme on le voulait. Cependant, Ange avait eu les photos, et il suffisait d'attendre de l'avoir au téléphone et cette affaire serait finie. Mais si elle était interdite d'appel? Où si, comme l'avait supposé Jenn au départ, elle n'avait pas supporté la vue des images et ne nous appelait plus? Nous n'avions pas de moyen de la contacter nous même. C'est dans le flou le plus total que l'on décida de rester éveillées à fixer l'écran, dans l'espoir de la voir se reconnecter.

Ça n'arriva pas.

***

Le lendemain était dimanche. Une nouvelle fois, ma mère et Tai se retrouvaient pour aller manger en ville. Et nous n'avions pas de nouvelles de Ange. Tout m'énervait.

Ma mère et le père de Jenn s'entendaient très bien et s'étaient rapprochés. Jenn le vivait bien, car elle voulait le bonheur de son père. Mais moi, j'avais... beaucoup plus de mal. Cet homme cherchait il à remplacer mon vrai père? Mais quel père faisait il! Il avait abandonné sa fille et n'était retourné l'aider qu'une fois qu'elle était déjà au fond du trou. Même si Jenn ne lui en tenait pas rigueur, j'avais beaucoup plus de mal. Je ne l'aimais pas beaucoup.

Melody m'aidait beaucoup à le supporter. Je sentais que me voir en conflit sur des notions de paternité la touchait particulièrement. Et son soutient était le bienvenu. Je sentais que quelque chose commençait à clocher, dans mon entourage. Comme si quelque chose se préparait, mais je ne savais pas quoi.

Et mes cauchemars étaient revenus. Ceux de l'époque où ma mère me battait. Ceux où je courais derrière l'image floue de mon père sans jamais pouvoir l'atteindre. Ces rêves qui me terrifiaient.

Je décidais pourtant de n'en parler à personne.

NIRVANAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant