NIRVANA

22 Joyeux Noël Connards

Les vacances arrivèrent, et, comme promis, Jenn partit en train pour rentrer dans son village. C'était un voyage long, comprenant deux correspondances dont une en bus afin de se retrouver dans le trou du cul du monde qui lui servait de village natal. On avait promis de rester en contact; au moindre problème, je venais la chercher - je n'avais AUCUNE idée de comment aller la chercher, mais j'irais. De toute façon, elle était accompagnée de Sasa. Elle avait tenté de se débarrasser de la démone, mais "un pacte est un pacte" avait fait remarquer celle-ci, et elles étaient donc parties ensemble - pas sûre que sa famille allait apprécier le style exubérant de la démone, mais passons. De toute façon, je pensais bien qu'avoir quelqu'un avec elle rassurait Jenn. Elle ne se lançait pas nue dans la gueule du lion, elle avait une protectrice, et pas des moindres.

De mon côté, je passais ma première semaine de vacances entre mon appartement et le Nirvana, principalement avec Sang car Melody avait de la famille chez elle, et Ange était à l'autre bout du monde avec ses parents. Je traînais aussi Sam avec moi, mais je sentais que son âme de larve flemmarde reprenait le dessus et qu'il n'avait qu'une envie, passer la semaine enfermé dans son appartement à jouer sur son ordinateur - il était assez fan de jeux vidéos, à peu près autant que je l'étais d'animation japonaise et de mangas. Autant dire, donc, que ce fut une semaine assez tranquille et plaisante. Les rapports réguliers sur les événements de Jenn me rassuraient; l'ambiance là-bas était terrible, entre la mort de la grand mère et le retour du mouton noir de la famille, mais Jenn avait l'air de beaucoup s'en amuser. Elle avait fait remarquer, durant un repas de famille, que malgré sa différence, elle était celle qui avait ramené la plus belle fille - petite pique à ses cousins, dont les petites copines auraient pu, je cite, "venir de s'échapper d'une poissonnerie tellement elles étaient des thons". S'était aussi ensuivi une réflexion sur l'odeur dont je vous épargne la lecture.

Bref, l'ambiance était nulle, mais Jenn s'amusait à pouvoir narguer ainsi tout ce beau monde et leur montrer à quel point ce qui n'était sensé être "qu'une période" avait donné une belle femme pleine de vie et de projets pour l'avenir. Elle s'était construite, toute seule, un futur qui lui appartenait et dans lequel cette famille qui l'avait rejetée n'avait pas place.

Jenn m'annonça aussi une nouvelle qui m'étonna un peu plus; elle s'était - partiellement - réconciliée avec son père, et ce dernier comptait déménager dans les environs de Lyon, dès que le procès serait terminé - ce qui était en bonne voix, la mère de Jenn ayant fait preuve de bonne fois et décidé d'arrêter de bloquer les procédures. Je ne savais pas si Jenn comptait aller emménager chez lui et quitter le foyer - elle ne l'avait pas mentionné, et je supposais qu'elle ne savait pas elle même.

Tout semblait donc se passer pour le mieux, et Noël passa sans encombres, laissant les vacances dériver doucement mais sûrement vers leur deuxième semaine, et notre voyage à la montagne...

***

-YAAAY j'adooore la neige!

-Tagueule, Sasa. Soupira Jenn, déjà exaspérée. On est même pas encore partie. Peux tu contenir ton foutu entousiasme pour quand on sera arrivée et que tu auras toute la montagne à toi toute seule pour crier sans qu'on t'entende?

-Haaahaaha... en pleine forme, ma petite Jennie, à ce que je vois! S'exclama la démone en lui ébouriffant les cheveux.

Décidément, ces deux là étaient devenues assez proches. J'étais toujours en flippe quand Jenn insultait allégrement la -potentielle - reine des enfers. (Dans ma tête, Satan= Le Diable = Le roi des Enfers. Je l'avais imaginée un peu plus... masculin, mais j'ignorais si c'était la même personne que la bombasse qui jouaient avec la coiffure de mon amie)

-People, people, please gather around me! Merci!

Ange s'était convertie en guide touristique afin de ne pas perdre une seule personne de notre petit groupe durant le périple qui allait nous mener au fin fond des Alpes. La famille de Ange avait bien tenté de nous assigner des voitures et des conducteurs pour nous amener - ces gens étaient vraiment beaucoup trop riches pour que leur fortune ait été amassée légalement - mais Ange avait refusé catégoriquement, arguant que cela gâchait complètement l'esprit "débrouillardise et bohême de l'aventure". A croire que jouer aux pauvres obligés de s'entasser en seconde classe d'un TER miteux l'amusait. Mais... il fallait dire que c'était une bonne partie de rigolade, à la réflexion.

Nous étions neuf au total.

Tout d'abord, Ange, leader, organisatrice, responsable et surtout potiche; nous savions parfaitement qu'elle s'était affublée de tous ces titres pompeux, mais que nous devrions nous débrouiller sans elle dès l'arrivée: elle était une catastrophe ambulante dès qu'il s'agissait de faire quelque chose d'elle même. Au moins, en lui donnant ces rôles, elle ne touchait à rien et évitait de foutre le feu au chalet - ça avait failli arriver l'année précédente.

Puis, Jenn, de - relative - bonne humeur depuis son retour du Grand Nord, accompagnée par sa fidèle démone de compagnie, qui semblait déjà en chaleur à l'idée de jeter son corps très peu habillé dans un grand tas de neige glacée - elle m'avait longuement parlé de ses expériences sexuelles par très basse température, il paraissait que c'était particulièrement vivifiant mais j'avais très peu envie de tester, et je doutais que mon pauvre métabolisme d'humaine y survive.

Ensuite, Melody, notre petite princesse, accompagnée de Sang et sa sempiternelle coiffure improbable et casquette vissée sur le visage. Je remarquais que, une nouvelle fois, son ventre était parfaitement apparent, vu qu'elle portait un petit haut accompagnée d'une veste imitation cuir brodée d'un dragon s'arrêtant bien au dessus de sa ceinture, ainsi que d'un jean taille basse. Je crois qu'elle n'avait pas saisi la notion de "froid" mais je devais avouer que cette tenue offrait une vue imprenable autant sur la forme magnifique de ses hanches que sur ses deux formidables "arguments", bien serrés dans le petit haut. Je ne savais pas si elle allait avoir froid, mais moi en tout cas, j'avais chaud.

Venaient ensuite Martin et Pierre... deux parfaits inconnus. Je ne savais pas trop quoi dire à leur sujet, sinon qu'ils étaient vraiment - vraiment - beaux gosses, même pour moi qui n'était pas fan d'hommes, et que, évidemment, c'était Ange qui les avaient invités. Deux belles pièces de son harem, je supposais, et qui n'allaient probablement pas servir à grand chose d'autre qu'à la réchauffer lors des longues nuits d'hiver et l'enfourner joyeusement dès qu'elle en aurait envie. Autant dire que je n'étais pas particulièrement heureuse de leur présence. L'année précédente, Ange avait amené l'idiot sur patte qui lui servait de copain, et qui ne lui servait à vrai dire qu'à baiser vu qu'il était resté enfermé dans une chambre à mater des séries pendant tout le séjour, ce qui n'avait pas été une grande perte - ça avait été plutôt bien, en fait.

Et pour finir, bien sûr, faisant un peu tâche dans ce cortège de gens magnifique et sexuellement très actifs - bon peut être pas pour Melody, quoique je la soupçonnait d'avoir eu bon nombre d'expériences avec ses petits copains précédents - il y avait Sam et moi, les puceaux, le seul couple - Jenn et Sasa ne comptaient pas - et un couple à problème, par dessus le marché. Il fallait dire que le fait que mon attirance pour les hommes me paraisse un peu plus inaccessible chaque jour n'aidait pas au maintient de notre relation, mais je m'accrochais: je pouvais être têtue, ça au moins ce n'était pas à remettre en question.

C'est donc avec tout ce beau petit monde que l'on s'engouffra, chargés comme des mûles, dans la rame glauque du TER qui allait nous amener au coeur des montagnes. Le voyage allait commencer! Et bordel... quel voyage...