26 Baiser Empoisonné

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L'action et vérité était devenu "les contes de mère Satan", puisque l'ensemble du groupe encore présent dans la salle de vie écoutait le récit de ses histoires, scotché à ses lèvres. Après avoir écouté quelques secondes, je décidai que c'était décidément beaucoup trop orienté cul et m'éloignai. Je captai cependant le regard attendri de Jenn envers sa protectrice démoniaque - ce n'était pas un regard courant pour mon amie, et je me dis que je devais peut être reconsidérer leur relation de simple "pacte" à "un peu plus que ça".

La soirée arriva, et Sang amena bientôt les deux casseroles remplies de fromage fondu sur la table, et tout le monde se réunit. Les bouts de pains furent plantés, les bouteilles d'alcool ouvertes, et on commença à manger. Très rapidement, l'ambiance devint plus éméchée. Les bières furent remplacées par des verres d'alcool nettement plus forts, et il me sembla que le goût d'alcool de la fondue était particulièrement relevé. Un regard vers Sang, qui me fixait avec un regard farouche, me fit comprendre que c'était très probablement volontaire, et que sa vengeance était venue du plat que je dégustais. Elle savait que je ne tenais pas très bien l'alcool. Zut.

Le taux d'éthanol dans le sang allant crescendo, les mouvements se firent moins assurés et bientôt, arrivèrent les premiers bout de pains à quitter leur pic pour tenter la plongée sous marine dans la fondue. Et avec eux, les gages. Le premier fut évidemment la maladroite Ange, dont le gage fut de vider une verre de vodka. Cul sec. J'en avais la tête qui tournait. J'avais la tête qui tournait tout court. Le second fut également pour Ange, dont le gage fut d'embrasser une personne au hasard autour de la table. Nul ne fut étonné quand elle se tourna vers son voisin, Martin, pour planter un langoureux baiser sur ses lèvres - un baiser langoureux et bien gras, on mangeait quand même une fondue. Voyant cela, Sasa fit exprès de faire tomber un morceau de pain, esperant probablement un gage du même type. Quelle ne fut pas sa surprise quand on lui ordonna de faire le tour de la maison en courant, dans le froid et la neige, sans se couvrir. Je vis à la lueur qui étincela dans ses yeux qu'elle n'avait vraiment pas apprécié perdre à ce jeu là non plus, mais elle s'exécuta tout de même.

La soirée avança, et on arrivait au bout du fromage fondu. Ma tête tourbillonnait dans tous les sens, et je décidais déjà de faire une pause sur l'alcool à l'instant même où j'aurais fini mon repas. Ce fut, évidemment, cet instant que choisit mon petit bout de pain pour se perdre dans le bain de fromage fondu. Je tentais de faire passer ce fait incognito, mais c'était sans compter sur Sang, qui avait décidé qu'elle n'avait pas fini de prendre sa revanche.

-Jill! Ton petit bout de pain! Un gage! Je veux que tu embrasse Melody!

-QUOI?

Melody et moi avions eu la même réaction, au même instant. J'étais bourrée, mais Melody ne l'était clairement pas assez pour ne pas se rendre compte que c'était sensé être un gage pour moi et qu'elle pouvait probablement refuser. Mais elle sembla se résigner face au sourire malicieux de Sang, et je fus seule à me retrouver opposée à ce gage. Je jetais un rapide coup d'oeil à Sam afin de tenter de trouver un support, mais il avait décidé de me laisser me débrouiller et faisait exprès de fixer le plafond et d'ignorer mes regards appuyés. Vaincue, je dû me résoudre à me retourner et à faire face à Melody qui m'attendait, un sourire enchanteur aux lèvres.

Dire que j'allais l'embrasser à contrecoeur serait mentir. Depuis que je savais qu'au fond, Melody aimait les femmes - elle était surement bi - mais ne l'assumait pas du tout, j'avais l'espoir secret que j'aie au final bien une chance avec elle. Mais le souvenir cuisant de notre premier baiser, si lointain déjà, et de la morsure de sa main sur ma joue, me revint en mémoire. J'étais bourrée, cette fois là aussi. Je déglutit, et approchais de son visage. Qu'elle était belle... ses lèvres pulpeuses, ses magnifiques cheveux blonds, ses cils si long, son parfum envoutant, bien différent de celui, plus sauvage, de Sang... je jetais un coup d'oeil vers elle, et la vit sourire triomphalement non pas en me regardant, mais en fixant Sam - c'était donc sa revanche mesquine pour sa remarque sur l'amour entre femme. Je commençais à sourire, quand mes lèvres entrèrent en contact avec les siennes.

Ce fut comme un choc électrique. Un frisson parcourut l'intégralité de mon corps, alors que je m'enivrais du contact de ces lèvres sucrées et adorées. J'avais chaud, mon coeur battait à tout rompre, je n'osais pas bouger de peur que le rêve ne disparaisse. J'avançais prudemment mes mains, et rencontrais les siennes, un peu par hasard. D'abord électrisée par ce contact, je le réitérais et entrelaçais légèrement nos doigts. Nous étions assises, et donc je supposais que nos mains n'étaient pas visible par tout le monde. Mais j'avais le sentiment de faire quelque chose d'interdit, et cela m'excita encore plus alors que notre baiser se prolongeait... et se prolongeait...

-HUM! Fit une voix.

C'était Sang. Un silence un peu gêné était tombé sur la table. Notre baiser avait duré... longtemps. Pourtant, nous n'avions fait que poser nos lèvres les unes contre les autres; pas de mouvement, pas de mordillement, pas de langue baladeuse... pourtant, j'étais essoufflée comme si je venais de courir une course. Et excédée par le fait qu'on nous ai interrompues, surtout Sang, qui avait demandé le gage. Mais je compris très vite la raison.

-Je vais... monter un peu. Fit la voix pâle de Sam, dans mon dos.

Merde.

-Attends, Sam! Je partais derrière lui, et l'accompagnais à l'étage, laissant le reste du groupe ainsi que Melody derrière moi.

***

-Jill... est-ce que tu m'aime vraiment?

Les mots de Sam me percèrent le coeur. Que pouvais-je répondre à ça? Je pouvais lui dire la vérité et le blesser. Où alors mentir, mais pouvais-je encore mentir après ce qu'il venait de voir? Et surtout, comment pouvais-je me permettre de lui mentir comme cela?

-Sam... je...

-Non, finalement ce n'est pas important. Décida-t-il.

-Sam?

-Tant que tu voudras de moi, je ferais mon possible pour que tu sois heureuse. C'est tout ce qui compte.

-Qu'est ce que tu...

-Jill... je ne suis pas idiot. Je vois bien que tu essaie de m'aimer mais... que ce n'est pas aussi fort que le sentiment que j'ai pour toi. Je tiens seulement à te dire que... si tu veux encore de moi, je veux bien qu'on essaie. Quand même. Et si vraiment tu n'arrives pas à m'aimer, alors on pourra casser sans que je le regrette, parce que je saurais que j'ai tout essayé.

-S...Sam! Qu'est ce que tu raconte?

J'étais à la fois rassurée qu'il me dise cela et apaise ainsi toutes mes peurs, mais aussi épouvantée en découvrant la quantité de choses qu'il avait perçu de moi, et à quel point il devait lui en coûter de dire cela.

-Sam, si tu veux on peut... on peut le faire. Maintenant.

C'était le moins que je puisse faire pour lui. Il m'aimait. Et je l'aimais beaucoup. J'étais prête à me donner à lui pour cela; j'en avais assez de me servir de lui, il pouvait bien aussi se servir de moi, pour une fois.

-Merci, Jill... mais pas ce soir. Je... je pense qu'il faut que je dorme.

-Très bien.

Il s'enroula encore tout habillé dans les longs draps du lit. Notre lit. J'éteignis la lumière, et restais à côté de lui, à veiller sur lui, lui caressant les cheveux jusqu'à ce qu'il s'endorme, et maudissant mon égoïsme par la même occasion. Quand je sorti de la chambre, il était déjà tard, et j'avais envie de pleurer. Je descendit et me servis un verre de vodka pure. C'était le moment de faire une bêtise.

NIRVANAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant