33 Trauma Infantile

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Je restais figée. Je ne pouvais presque plus respirer. J'attendais qu'elle continue, n'osant pas bouger d'un cheveux. Comment ça... violée? Quand? Où? Par qui? Ça avait un lien avec l'appel? Etait-ce lié à sa peur de voir des rumeurs sur son homosexualité courir?

-Je vais être plus claire. Continua-t-elle d'une voix blanche. Quand j'étais en primaire, je me fichais pas mal de savoir par qui j'étais attirée. Filles, garçons, ça ne m'intéressait pas. Jusqu'à cette rencontre.

Ses yeux s'emplirent de nostalgie.

-Elle était magnifique. Elle était exactement la femme que je rêvais de devenir, même si elle n'était pas... vraiment encore une femme. Elle fut mon premier amour et mon unique petite amie. J'étais en fin de primaire, elle était en fin de collège. On avait... pas mal d'années d'écart.

Elle se tut, et mon regard était suspendu à ses lèvres, attendant patiemment la suite.

-On s'entendait à merveille. Elle était gentille avec moi, on s'embrassait, et ça a finit par ne plus vraiment être un secret à l'école. Les professeurs ont tenté de nous séparer, car on avait clairement, et je peux le dire avec le recul, un écart d'âge trop grand. Je n'étais même pas pubère, elle était à l'âge où les jeunes commencent à être un peu... chaud lapin. Ils avaient raison de vouloir nous séparer.

Elle marqua une nouvelle pause. Les souvenirs remontant lui mettaient les larmes aux yeux.

-Mais je refusais de comprendre ça. J'étais une gamine, qui s'imaginait avoir trouvé le grand amour. Rien ne pouvait arriver de mal! C'est ce que je pensais, en tout cas. Mais Meline - elle s'appelait Meline - en voulait toujours plus. Ce n'était jamais assez. Et j'avais peur. Elle était entourée de filles tellement plus belles que moi, et de son age. Je ne voulais pas qu'elle m'abandonne. Alors je ne me suis pas méfiée.

Ses bras se resserrèrent autour de son torse. Instinctivement, je la saisis par l'épaule, l'amenant contre moi. Sa voix se brisait régulièrement.

-Quand elle a commencé à me toucher... j'ai eu peur. Je ne voulais pas faire ça. J'étais... j'étais une enfant! Je ne savais même pas ce qu'était le sexe... je... j'ai essayé de lui dire d'arrêter. De la repousser. Mais elle continuait. Elle me disait... que j'étais une gamine. Que...

Une larme coula le long de sa joue.

-Que j'aimais ça, mais que je ne voulais juste pas le dire. J'ai finis par me débattre, crier et pleurer, je ne voulais pas. Elle... est devenue plus violente... ses doigts sur ma peau, me touchaient là ou je ne voulais pas. Là ou moi même je ne m'étais jamais touchée. Elle a commencé à me frapper pour que j'arrête de me débattre. Puis elle a fait son affaire en disant que... qu'on le ferait régulièrement.

Silence. Je déglutit.

-Quand ce fut fini... elle m'a juste laissée là, nue et terrifiée sur le lit. On était chez elle. Quand je suis rentrée chez moi, je n'ai rien dit. Je... ne voulait pas qu'elle se fasse gronder. Je ne me rendais pas compte de la gravité de la situation. Je pensais juste que.... c'était juste moi qui était bizarre. Anormale, a avoir détesté ça. J'avais déjà entendu parler de viol bien sur, mais c'était un mot d'adulte. Et puis, pour moi, c'était toujours les hommes les fautifs. Des viols par des femmes... j'ignorais totalement que c'était seulement possible.

-Et... tu n'as jamais rien dit? Demandais je.

Ma voix était rauque. C'était la première fois que je parlais depuis le début de son histoire. Je sentais qu'elle craquait, et je lui offrais ainsi un marchepied pour continuer si elle le voulait.

-Je ne voulais rien dire. Mais... mon père. Je l'adorais, et il m'adorait aussi. J'ai toujours été plus proche de lui que de ma mère. Et il a... remarqué que quelque chose n'allait pas. Il a vu les marques qu'il me restait. Il m'a obligée à en parler. Il a entrepris une action en justice. Qu'on a gagné, mais seulement avec l'appellation "attouchements sexuels", et non viol. Et de toute façon, Méline était trop jeune pour faire de la prison. Je ne sais pas vraiment ce qui lui est arrivé, ou même quelle fut la peine. Je voulais juste partir et ne plus jamais la voir. Ne plus jamais être touchée comme elle m'avait touchée.

-C'est pour ça que l'idée que l'on te croit lesbienne t'es si....

-Insupportable? Oui. Pourtant je crois que je preferais les filles, au départ. Je ne suis même pas sûre de vraiment aimer les hommes. Ce que je ressent est tellement... incomparable entre les deux!

-Je comprends ce que tu veux dire...

Embrasser Sam ne m'avait jamais mis des papillons dans le ventre comme quand j'avais embrassé Melody. Faire l'amour avec lui m'avait semblé fade par rapport à la nuit passée avec Sang. Pourtant, je l'aimais bien. Était il possible que le traumatisme de Melody ai pu la pousser à croire qu'elle aimait les hommes? J'en avais foutrement aucune idée. Mais une chose était sûre; si cette histoire lui pesait encore...

-La fille avec qui tu étais au téléphone... murmurais-je, en réalisant enfin ce qu'il se passait. C'est Meline, c'est ça? Elle a trouvé ton numéro?

-Oui... répondit Melody, dans un souffle. Je ne sais pas comment elle a fait... ses messages ont commencé le jour de l'anniversaire de la mort de mon père. C'était... vraiment au mauvais moment. Il est mort durant le procès, son décès me rappelle beaucoup cette période... difficile. Et que ce spectre de mon passé resurgisse juste ce jour là... c'était trop.

Je ne pouvais même pas imaginer comprendre ce qu'elle ressentait. Mais elle ne pouvait continuer à fuir indéfiniment.

-Melody. Tu peux me repasser ton portable?

-Pourquoi faire?

-On va rappeler Méline.

-Quoi? Non!

-Mel... tu peux choisir de l'ignorer définitivement ou bien de lui faire face et de lui dire toute la rancoeur que tu as contre elle. Lui as tu seulement reparlé depuis... qu'elle t'as fait ça?

-...Non.

-Je ne te dis pas de lui pardonner. Au contraire, j'aurais très envie que tu lui crache ta haine au visage, mais... ça te ressemblerait pas. Si tu as encore ce blocage, c'est aussi à cause de la peur. Parler avec elle te fera réaliser que tu n'as plus aucune raison d'avoir peur. Et qu'elle n'est pas comme tout le monde. Une femme t'a violée, et en retour tu as fuis l'amour des femmes... ce n'est pas juste pour toi, Mel. Tu as le droit d'être heureuse aussi et de ne pas vivre avec ce boulet au pied.

Elle me fixa quelques secondes, serrant fort le téléphone dans ses doigts. Elle avait peur, je le sentais, mais j'étais persuadée que c'était la bonne idée. Je ne savais juste pas comment l'en convaincre.

-Tu devrais le faire, Melody. Fit une voix dans mon dos.

Je sursautais en me retournant, et vit le visage attendri de Sang dans l'encadrure de la porte. Depuis combien de temps était elle là à écouter, au juste? Cependant, c'était le petit coup de pouce dont Melody avait besoin. Avec nous deux à ses côtés, elle devait se sentir en sécurité. Je savais peut être la rassurer par des mots, mais la présence de Sang était tout autre chose. Elle dégageait cette aura de force auprès de laquelle n'importe qui se sentirait physiquement en sécurité.

-Très bien, je vais la rappeler. Dit elle en débloquant le numéro. Mais avant ça Jill... tu m'as appelée Mel.

-Hein?

-C'est vrai, je l'ai entendu aussi. Fit remarquer la bartender.

-Ho, oui, ça me semblait sonner bien.

-Je prefererais... que tu évite. Continua-t-elle.

Ah. Elle ne voulait peut être pas de surnom. Ou que je lui en donne. Cela me serra un peu le coeur.

-Mel était le surnom de Méline. Termina-t-elle.

Je repris mon souffle. Durant un instant, j'avais cru qu'elle remettait de la distance entre nous.

-Pas de problème... Melo?

-C'est mieux. Sourit-elle.

Elle appela.

NIRVANAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant