ORCAM - Tome 1 : Automne (2ème partie)

Chapitre 5 : Le solstice d'Hiver...

 Accroupi derrière un buisson, Emyr réfléchissait à la meilleure façon d'éloigner les deux gardes Faës qui surveillaient le portail. Il allait bientôt être minuit – heure à laquelle le passage entre le monde d'Orcam et la Terre s'ouvrirait pour vingt-quatre heures – et plus tôt il serait passé, mieux ce serait.

Emyr savait qu'il n'aurait aucun mal à se débarrasser de ces deux gus s'il le voulait, mais il n'avait aucune envie que l'on découvre que quelqu'un avait franchi le portail sans autorisation. L'efficacité grâce à la discrétion et l'effet de surprise, voilà ce qu'on lui avait enseigné depuis qu'il était en âge de se battre pour la cause.

Il fallait donc qu'il trouve un moyen d'éloigner les deux gardes sans se faire remarquer. Heureusement pour lui, le portail qui devait le mener à son contact sur Terre se trouvait en plein cœur d'une forêt et non pas au milieu d'une ville ou d'un village comme c'était parfois le cas.

Dès que Talek lui avait confié cette mission, Emyr s'était empressé de monter à la surface et de laisser derrière lui les souterrains d'Hériali. Même si cela faisait près d'un mois qu'il n'était pas sorti de ces tunnels, il n'avait pas pris le temps de flâner dans les rues de la capitale. Il avait couru comme un cinglé jusqu'au port – sous le regard quelque peu perplexe des Hérialiens qui finissaient leur journée de travail – trouvé l'échoppe d'un ami de la cause qui lui avait fourni les vêtements nécessaires pour passer inaperçu et repris sa course folle pour réussir à attraper in extrémis le dernier bateau de la journée en partance pour Aëlia. Comme il l'espérait, il avait découvert, soulagé, que le navire était blindé. Tout de blanc vêtu, il n'avait donc eu aucun mal à se fondre dans la masse grouillante de Faës pressés de rentrer dans leur principauté pour préparer la fête qui aurait lieu le lendemain.

La tradition voulait que chaque veille de solstice ou d'équinoxe, on célèbre la fin d'une saison et l'arrivée de la nouvelle. Un peu avant minuit, les gens regagnaient leur maison, retiraient le symbole de l'élément représentant la saison qui s'achevait du dessus de leur porte et le remplaçaient par celui de l'élément présidant à la nouvelle.

Chaque saison était, en effet, mise sous le signe d'un des quatre éléments. Ainsi, le printemps était lié à l'Eau, l'été au Feu, l'automne était placé sous le signe de la Terre et l'hiver sous celui de l'Air. La tradition disait aussi que la magie de chaque Peuple était plus puissante quand l'année entrait dans la saison correspondant à leur élément dominant. Ainsi, par exemple, le pouvoir des Sorciers atteignait son maximum pendant l'été.

Pour Emyr, tout ça, c'était des conneries.

Les gens réellement puissants l'étaient en permanence, pas seulement quand votre saison fétiche pointait le bout de son nez. En plus, ce folklore grotesque reposait une fois de plus sur la division de leur monde en différentes races bien distinctes les unes des autres et excluait à nouveau toute une frange de la population, les Métis et les Sang-Mêlés en tête.

Quoique... On pouvait aussi dire que, vu ainsi – le métissage résultant du mélange des différentes races – les Métis étaient au moins deux fois plus souvent – si ce n'est trois ou quatre fois – plus puissants que n'importe quel autre Peuple.

Mouais... Pas sûr qu'il soit longtemps passé inaperçu s'il avait eu l'idée d'exposer sa brillante théorie pendant la traversée qui ramenait ces arriérés dans leur principauté d'origine.

Enfin bref. Tout ça pour dire que les Faës étaient très nombreux à rentrer chez eux, puisque l'hiver qui s'annonçait était leur saison de prédilection et qu'ils voulaient fêter cela comme il se devait. Et pour une fois, force était de constater que ces traditions bidons avaient du bon. Tout excités qu'ils étaient par le fait de devenir les prochains maîtres du monde pendant trois mois, les Faës n'avaient pas du tout fait attention à lui.