Chapitre 1.3

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 — N'aie pas peur. Tout va bien se passer.

Assise sur une chaise face à elle, le professeur Te'Kelin lui adressa un sourire rassurant que Lihanna lui retourna. Pourtant, elle avait le cœur au bord des lèvres. L'angoisse lui nouait l'estomac.

Elle savait qu'elle n'avait pas le choix, mais elle se serait bien passée de cette petite intrusion forcée dans son espace mental. Elle avait tellement de choses à cacher qu'elle se faisait l'effet d'être un espion de la CIA – oui, oui... sa passion pour les séries télévisées avait tendance à refaire surface dans ces moments de stress intense – enrôlée de force et contre sa volonté, capturée par des Russes ou des Chinois et sur le point de subir un interrogatoire musclé, tout en étant absolument pas préparée pour ça.

Elle n'aurait pas pu être une espionne. Elle était beaucoup trop douillette pour ça !

Bon, effectivement, on pouvait objecter que sa situation n'avait strictement rien en commun avec le fait de subir un interrogatoire sous torture comme cela pouvait arriver très régulièrement à ses héros télévisés – qui étaient, soit dit en passant, extrêmement courageux et certainement pas humains – mais ça restait quand même très flippant. Surtout quand on savait que certains de ses secrets pouvaient tout de même mettre sa vie sérieusement en danger.

— Maintenant, tu vas te détendre, reprit Te'Kelin d'une voix douce.

Elle lui saisit les mains et plongea son beau regard noisette dans le sien.

— Cela ne fait pas mal, Lihanna. Tu ressentiras exactement la même pression que pendant nos exercices en cours. Moins, si tu t'ouvres à moi.

Oui ben justement, c'est bien là le problème. Comment je m'y prends pour m'ouvrir à vous, mais juste partiellement ? Parce qu'on n'a pas du tout abordé cette question en cours et je suis en train de me péter le cerveau à essayer d'ériger des barrières autour de certaines de mes pensées, mais pas toutes, histoire que vous voyiez juste ce que vous avez besoin de voir et pas tous les autres trucs que je ne veux pas que vous voyiez. Vous suivez ?

Pour plus de clarté, elle se contenta d'acquiescer.

— Bien, approuva la Métaïr. Détends-toi, Lihanna. Si je vois quelque chose qui ne me regarde pas, je te promets que je le garderai pour moi.

Ha ha ! Très drôle. Et vous seriez prête à le jurer sur la tête de votre mère ?

— Quand tu seras prête, tu vas fermer les yeux et te concentrer sur ce qu'il s'est passé hier soir.

Encore une fois, Lihanna hocha la tête en signe d'assentiment. Juste avant de s'exécuter, elle jeta un dernier coup d'œil vers son frère qui lui souriait. Liam était à ses côtés et ses beaux yeux gris qui la fixaient intensément furent la dernière chose qu'elle vit avant de clore ses paupières et de plonger dans son subconscient.

Comme le lui avait dit le professeur Te'Kelin, elle ressentit immédiatement la légère pression familière sur son cerveau. Mais c'était beaucoup trop rapide, elle n'avait pas eu le temps de se concentrer !

Tu vois, résonna soudain la voix de la Métaïr dans sa tête. Par exemple, je ne dirai pas à ton beau lieutenant que votre baiser torride accapare toutes tes pensées. Liam Ruadhan n'a vraiment pas besoin de savoir ça. Il est déjà bien assez arrogant. Alors maintenant, concentre-toi sur ce que je veux vraiment voir Lihanna.

Oui bon ça va, hein... Était-ce sa faute si son subconscient s'était légèrement emballé quand elle avait croisé le regard étincelant du jeune homme juste avant de fermer les yeux ?

Quoi qu'il en soit, elle était persuadée que certains membres de la Garde devaient être en train de se demander pourquoi ses joues avaient soudain pris cette magnifique teinte rouge tomate.

Bon allez, trêve de plaisanterie. Le professeur Te'Kelin avait raison. Il fallait qu'elle se concentre. Elle rangea donc le souvenir de Liam dans un coin de son cerveau et s'efforça de faire apparaître dans ses pensées le rêve qui avait transformé sa vie en cauchemar.

Elle revit Erin allongée, inconsciente et enchaînée. Elle entendit une nouvelle fois l'eau qui s'écoulait non loin de là, la respiration de sa sœur qui s'éveillait, les pas dans le couloir qui raisonnaient et se rapprochaient. Elle visualisa la chandelle, les mains qui la tenaient, la silhouette encapuchonnée dont elle ne parvenait toujours pas à voir le visage. Elle ressentit encore la peur de sa sœur, puis l'incompréhension, la panique, la douleur...

Son cœur s'emballa dans sa poitrine et l'affolement lui coupa le souffle, l'empêchant de réfléchir calmement. Elle revivait le calvaire de sa sœur, dans le moindre détail, mais elle était incapable de remarquer quelque chose de nouveau, quelque chose qui puisse les aider à retrouver Erin.

C'est très bien, Lihanna, intervint Te'Kelin d'une voix apaisante. Calme-toi. Je suis là pour ça. Voir ce que tu n'as pas pu voir. Noter les détails qui t'ont échappée. Calme-toi. Respire.

Contre toute attente, elle y parvint. Elle était toujours dans sa vision et elle ne voyait toujours pas plus de choses que la fois précédente, mais elle était plus calme. Elle maîtrisait ses émotions. Elle espérait que cela permettrait à la Métaïr de mieux visualiser la scène et de les aider.

Mais soudain, la pression sur son cerveau se fit de plus en plus forte et une douleur fulgurante lui vrilla le crâne. La vision de sa sœur tremblota et des images floues envahirent ses pensées.

Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Elle savait que ce n'était pas normal. Par réflexe, elle érigea des barrières mentales en béton armé, expulsa la Métaïr de son subconscient – elle le sentit clairement, même si elle ne savait pas comment – et ouvrit les yeux en poussant un cri strident.

Quand elle reprit pied dans la réalité, elle se trouvait dans les bras de Liam et son frère était penché sur elle, le visage inquiet. Deux membres de la Garde étaient en train d'aider le professeur Te'Kelin à se relever, à plusieurs mètres de l'endroit où sa chaise se trouvait quelques instants plus tôt.

Lihanna ne comprenait rien du tout, mais elle se souvenait parfaitement de la douleur.

— Que m'avez-vous fait ? hurla-t-elle à l'attention de la télépathe qui semblait complètement sous le choc.

Elle tenta de se relever. Les bras de Liam se refermèrent autour d'elle comme un étau. Surprise et en colère, elle se tourna vers lui et le foudroya du regard. Sa mine anxieuse la calma aussitôt. Elle déglutit et jeta un coup d'œil autour d'elle. Toutes les personnes présentes la fixaient d'un drôle d'air.

Et merde... Qu'avait-elle encore fait ?

ORCAM - Tome 1 : Automne (2ème partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant