Chapitre 6 : ... ou le jour le plus court de l'année.

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Doran ne s'était encore jamais aventuré dans les souterrains de cette partie de l'île d'Hériali. Pourtant, contrairement aux membres du gouvernement de ce stupide royaume, il savait qu'ils existaient.

Les cartes officielles sur lesquelles Aedan Kerid'El'Wen et ses amis se basaient pour les recherches étaient en effet loin d'être complètes. Elles répertoriaient les tunnels qui serpentaient sous la ville elle-même, mais elles omettaient les nombreux autres souterrains qui s'étendaient à l'extérieur des fortifications, sous la forêt recouvrant en grande partie l'île-capitale.

En revanche, les Os'Tra et leurs alliés les connaissaient. Et apparemment, ils n'étaient pas les seuls.

Agenouillé à proximité d'une petite cavité qui semblait être l'entrée d'un tunnel, Doran observait le sol piétiné. Vraisemblablement, quelqu'un était passé par là récemment. Malheureusement, avec les orages à répétition qu'il y avait eu les derniers jours, il était bien incapable d'être plus précis sur l'origine de ces traces laissées sur ce sol boueux et détrempé. Étaient-ils plusieurs ? Transportaient-ils quelque chose ou quelqu'un ? Ou bien – autre question et pas des moindres – s'agissait-il seulement d'un être humain ?

En ce qui concernait cette dernière, Doran était quasi certain que ce n'était pas un animal qui avait laissé ces traces. Pour cela, il se basait essentiellement sur son instinct. Alors, les plus sceptiques de ses potes traqueurs lui auraient dit que son foutu instinct ne pouvait en aucun cas être considéré comme une preuve. Qu'il s'agissait tout au plus de théories fumeuses qui s'avéraient parfois – sur un coup de bol – être exactes. Lui insistait sur le fait que, la plupart du temps, son foutu instinct avait tout simplement raison. Et peu importait le fait que, les rares fois où il s'était trompé – il était très important d'insister sur le mot rare – cela les avait conduits dans un merdier sans nom...

Donc, même si son dernier fiasco en date avait failli conduire à la décapitation de Iain et Lihanna MacCormac – et là, en termes de merdier sans nom il n'y aurait pas pu avoir pire – eh bien, même si son fameux instinct avait dernièrement légèrement merdouillé, sur ce coup-là, Doran était sûr de lui. Enfin, quasi sûr de lui – cela ne coûtait rien de préciser au cas où quelqu'un songerait à lui faire des reproches plus tard.

Ce fut donc presque entièrement certain qu'il était sur la bonne piste, qu'il se mit à siffler. Trois coups, forts et brefs. Aussitôt, deux silhouettes surgirent du couvert des arbres, l'un sur sa gauche, l'autre sur sa droite. Doran ne les aurait même pas remarqués s'il ne savait pas qu'ils fouillaient eux aussi les bois à la recherche de traces. Habillés dans des tons de vert et de brun et entraînés à passer complètement inaperçus, les deux hommes se fondaient parfaitement dans leur environnement et se déplaçaient sans émettre le moindre bruit. Tout comme lui.

Doran ne distingua leur visage qu'au moment où ils furent tout près.

— Alors gueule d'ange, lança un de ses compagnons avec une lueur amusée dans le regard. Qu'est-ce que tu as trouvé cette fois ?

Il s'agissait de Fahran, le plus jeune de ses deux compagnons. Âgé de deux ans de plus que lui, Fahran était son ami le plus proche – exception faite d'Emyr bien sûr, qu'il considérait plutôt comme son frère. Il avait longtemps cru que le jeune homme aux yeux noisette pétillants de malice était amoureux de lui. Ce qui – soit dit en passant – ne lui posait aucun problème, bien que cela l'ait empêché pendant quelques années de se montrer aussi communicatif avec lui qu'avec ses autres amis. Enfin ça, c'était jusqu'à ce que Fahran le prenne entre quatre yeux et le remette à sa place en lui disant qu'il n'était pas du tout son genre. Apparemment, il préférait les grands bruns ténébreux aux yeux translucides. Allez comprendre... Doran avait trouvé cela tellement cliché, qu'il lui arrivait encore d'en rire avec lui, et depuis ce jour, les deux hommes étaient devenus de véritables amis.

ORCAM - Tome 1 : Automne (2ème partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant