Chapitre 1.2

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Jack faisait les cent pas dans le couloir qui desservait le bureau du général Brewal. Il n'avait pas été autorisé à pénétrer dans la pièce. Seuls les soldats y étaient admis et encore, seulement certains d'entre eux. Les colonels, commandants et lieutenants présents dans ce bureau étaient tous des membres de la Garde sélectionnés rigoureusement par le général et par le roi lui-même. Des membres de l'élite combattante d'Hériale et des personnes de confiance.

Il regrettait à présent de ne pas avoir choisi cette voie. Il ne supportait pas d'être maintenu dans l'ignorance. Il voulait savoir ce qu'avait décidé cette espèce d'état-major réduit ! Et puis, surtout, lui aussi voulait être auprès d'elle.

Au lieu de cela, il tournait en rond depuis plus d'une heure et ça le rendait dingue. Il n'avait pas l'habitude de rester inactif en cas de crise, mais il ne pouvait pas agir sans savoir de quoi il en retournait exactement. Voilà pourquoi il était là, attendant patiemment de pouvoir se rendre utile.

Heureusement, il n'était pas seul. Brianna, Connor, Eiline et Dilys se trouvaient avec lui. C'était un comité de soutien restreint, mais tous les autres amis des triplés avaient déjà quitté la Garde pour les vacances quand l'alarme avait résonné un peu plus tôt ce matin.

Jack et Brianna avaient été parmi les premiers à être mis au courant de la disparition d'Erin. Bien avant que l'alarme ne soit donnée, ils avaient croisé Kenneth qui leur avait tout expliqué.

Si la partie sur la soi-disant vision l'avait laissé quelque peu perplexe – non pas qu'il remette en cause sa bonne foi, mais... sans déconner, une vision ? – il savait, sans avoir besoin de preuves, qu'Erin avait bel et bien disparu.

Et il se sentait extrêmement coupable.

Il fallait être honnête, il savait que les Sang-Purs extrémistes tenteraient quelque chose hier soir. Bien sûr, Liam et lui pensaient sincèrement que la victime de cette tentative serait Lihanna – la plus encline des triplés à se foutre dans la merde – mais il devait arrêter de se voiler la face. Iain et Erin avaient toujours été des cibles, eux aussi. Ils méritaient tout autant d'attention que leur sœur.

Quoi qu'il en soit, après le coup d'éclat orchestré par Brianna qui avait mis Lihanna hors d'atteinte pour les extrémistes, il n'aurait pas dû relâcher sa vigilance. Parce que même si la belle princesse aux yeux améthyste était celle qui devait servir d'appât, il n'en demeurait pas moins que les deux autres étaient aussi en danger. Et il aurait dû les protéger tous les trois au lieu d'aller flirter !

Il s'était toujours dit que l'amour était une faiblesse. Les gens amoureux se laissaient guider par leur cœur et non par leur cerveau et pour lui, c'était un véritable handicap. On ne pouvait pas être véritablement opérationnel dans une mission quand votre priorité était le bien-être et la protection d'une seule personne plutôt que le bien commun et l'efficacité.

Aujourd'hui, il en avait la preuve. La leçon était amère.

Parce qu'il avait des sentiments pour Lihanna, Erin avait disparu.

Bon sang !  Il devait se rendre utile ! C'était le seul moyen pour lui de faire taire un peu cette putain de culpabilité qui le rongeait depuis qu'il avait appris la nouvelle.

Il était à deux doigts de s'arracher les cheveux quand quelque chose se produisit enfin. Un lieutenant sortit brusquement du bureau et passa devant eux sans leur accorder la moindre attention.

Bordel ! Que pouvait-il bien se passer là-dedans ?!

Rapidement, le soldat réapparut dans le couloir. Il n'était plus seul. Donna Te'Kelin, le professeur de télépathie, l'accompagnait. Un peu en retrait, le professeur Lorcan les suivait.

La Métaïr fut tout de suite introduite dans le bureau du général Brewal, mais on signifia clairement au Sorcier d'attendre à l'extérieur.

Choqué, le professeur fixa quelques instants la porte en bois noire qu'on lui avait si subtilement claquée au nez, avant de se reprendre.

— Mais que se passe-t-il à la fin ?! s'exclama-t-il outré.

S'apercevant finalement que ses deux assistants se trouvaient là, il leva fièrement le menton et se dirigea vers eux.

— Brianna, Jack, les apostropha-t-il d'une voix guindée. Pourriez-vous m'expliquer ce qui se passe ici ? J'étais avec... je... j'étais en chemin pour le réfectoire quand j'ai croisé Donna et ce lieutenant, expliqua-t-il sans leur laisser le temps de répondre. Je lui ai demandé ce qui se passait, mais il n'a pas voulu me répondre ! Quant au professeur Te'Kelin, elle m'a dit ignorer pourquoi le général la faisait mander. Cela a-t-il un rapport avec l'alarme ? J'imagine que oui... Savez-vous ce qui se passe ?

Comme à son habitude, le professeur Lorcan débita ces mots à toute allure.

Il parle beaucoup. Trop... songea Jack qui, pour la première fois, trouva son chef vraiment très énervant. Et il ment.

Le fait que le professeur Lorcan mente pour cacher sa liaison avec Te'Kelin lui sembla soudain si futile – compte-tenu de ce qui était en train de se passer – qu'il dut faire appel à toute sa volonté pour ne pas le rembarrer vertement.

Bordel ! Tout le monde était au courant pour les deux professeurs. Et tout le monde s'en fichait.

Jack n'avait jamais vraiment compris comment le volubile et extravagant professeur Lorcan avait pu réussir à séduire la douce et réservée Donna Te'Kelin, mais jusqu'à maintenant, il trouvait cela plutôt marrant. Surtout quand ces deux-là pensaient faire dans la discrétion.

Aujourd'hui, il trouvait cela franchement énervant.

Oui. L'amour – et les gens amoureux – était vraiment la chose la plus irritante à laquelle il avait été confrontée ! Et que dire de toutes les conneries qu'on pouvait faire ou dire en son nom.

Et le pire, c'était qu'il en était devenu l'exemple vivant...

Il tourna le dos au professeur et l'ignora.

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ORCAM - Tome 1 : Automne (2ème partie)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant