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Tout s'enchaînait très vite, et le jour du jugement final de ses parents arriva. Les deux femmes retournèrent dans la ville de Camila pour la fin du procès, qui avait lieu à 14h. Cette fois, ses parents étaient menottés, pour éviter qu'ils perturbent la séance. Les deux avocats reprirent la parole pour défendre leurs partis, même si l'avocat des accusés semblait légèrement en panique. Une heure plus tard, la sentence était tombée. Ils seraient envoyés en prison, 6 ans pour son père et 3 ans pour sa mère, avec un suivi psychologique et un certain nombre d'amendes à payer. Camila les regarda se faire embarquer en pleurant des larmes de tristesse, de colère, de douleur. « C'est fini. Tout est fini, j'ai réussi à passer ça. C'est fini. C'est terminé. Ils sont tous partis, il ne reste qu'elle. Tout est fini, j'ai réussi. Je vais pouvoir être heureuse, avec elle, et tout ira bien. C'est fini. » Elle répétait ces mots dans sa tête, n'arrivant pas à y croire. Elle avait du mal à concevoir sa vie sans tous ces poids sur ses épaules, sans sa peur constante, sans avoir à craindre que quelque chose d'affreux arrive à chaque seconde. Tout allait changer autour d'elle, pour le meilleur. Elle sentit les bras de Lauren autour d'elle qui la soulevait du sol. Elle riait de bonheur, heureuse de voir que la brunette avait enfin une justice. Elle la rejoignit dans son élan de joie et la serra contre elle avant de remercier mille fois son avocat qui souriait jusqu'aux oreilles. Elles sortirent du tribunal rapidement et rejoignirent l'aéroport.

En regardant par son hublot, Camila perdit sa pensée sur le lit de nuages en dessous d'elle. Lauren s'était endormie sur son épaule, mais elle était bien réveillée. Elle repensa à son année. Elle avait l'impression d'avoir plus vécu en quelques mois que depuis le début de sa vie. Parce qu'avant, elle ne vivait pas, elle se contentait de respirer et de laisser battre son cœur. Elle était vide, errant sans aucun but dans un océan de violences et d'anxiété. Il lui arrivait parfois d'oublier qu'elle était malheureuse tellement elle avait l'habitude de l'être, essuyer ses larmes ne servait à rien d'autre qu'à en faire couler de nouvelles encore plus acides. Combien de fois avait-elle rêvé de s'envoler au-dessus des nuages, partir si loin que personne ne pourrait jamais la rattraper ? Combien de fois s'était-elle dit que peu importe ce qu'il se trouvait derrière ces nuages, ce serait forcément mieux que de son côté ? Combien de nuit avait-elle passé des nuits devant son miroir à essayer de se souvenir de la dernière fois où elle avait véritablement sourit ? Combien de fois avait-elle espéré que ses yeux restent fermés à jamais, que ses paupières lui cachent toutes les marques sur son corps, tous les trous noirs dans sa tête, toutes les larmes qui creusaient ses joues ? Combien de fois avait-elle souhaité que toute sa vie ne soit qu'un cauchemar, que rien n'était réel, que tout ce qu'elle subissait n'était qu'une simple pensée folle qui la traversait ? Combien de fois avait-elle voulu devenir folle pour pouvoir être comme ceux qui l'entouraient et vivre selon leurs règles ? Combien de fois la pensée de quitter cette vie était passée devant ses yeux ? Bien trop. Mais alors qu'elle regardait les nuages en dessous d'elle, elle comprit. Elle comprit qu'elle avait réussi à changer de vie, sans la quitter. Elle comprit que cette pensée ne reviendrait plus, parce que maintenant elle avait appris à vivre. Elle comprit que vouloir quitter sa vie avait encore moins de sens que de la vivre. Elle comprit que tant qu'elle vivrait, elle pourrait se battre pour bien vivre. Elle comprit la valeur de sa vie. Elle comprit pourquoi maintenant elle arrivait à sourire. Elle comprit qu'elle pouvait avoir confiance en la vie, parce que c'était elle qui la contrôlait. Elle comprit qu'elle ne serait plus jamais la même. Elle comprit que l'autre côté des nuages pouvait être sur terre si elle apprenait à voler au lieu de creuser. Elle comprit que Lauren lui avait construit des ailes, et qu'elle avait accepté de s'en servir. Elle visualisa la vie comme un avion dont on est le pilote. On arrive à l'aéroport, on a toutes les destinations possibles, on en choisit une. Plus elle est loin, plus on risque d'avoir de turbulences. Parfois, un passager bourré nous force à faire demi-tour ou à se poser en chemin. Si on n'est pas prêt à voler, on se crash. Mais heureusement, on peut avoir des co-pilotes, qui nous guident et nous aident. Et la destination vaut le chemin. Peu importe le voyage qu'elle ferait, Camila allait le vivre, parce qu'elle avait la chance de le pouvoir. Elle prit conscience de sa chance de pouvoir sentir son cœur battre au-dessus des nuages. Elle détourna les yeux et les posa sur Lauren. Elle prit conscience de sa chance de pouvoir l'entendre respirer sur son épaule. Et, bercée par la vie qui l'habitait, elle ferma les yeux et s'endormit, en espérant que ses yeux s'ouvriraient pour pouvoir continuer à voler.

All I Need - CAMRENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant