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Le reste de la semaine se passa comme d'habitude, un robot et son maître qui traversait les couloirs d'une école. Malgré son attention irréprochable en cours, Camila ratait chaque évaluations, peu importe le nombre d'exercices que Lauren lui faisait faire et qu'elle réussissait brillamment. C'était comme si elle faisait exprès de rater, mais chaque fois que Lauren lui faisait ce reproche, Camila ne répondait pas et continuait de faire ses exercices. C'était comme si son élève était sourde. C'était comme si son élève était vide.

Enfin le dimanche arriva. C'était une belle journée, le soleil illuminait la ville surplombée d'un ciel bleu magnifique. Malgré tout, Camila ne leva pas une seule fois les yeux du sol, trop occupé à fixer ses pieds qui se traînaient au plancher. La journée se passa sans embûches. Après le résumé de la semaine, Lauren regarda sa montre avec un sourire. 18h 50.

« Camila, j'ai une surprise pour toi. Lève-toi. » La plus jeune releva la tête et fronça les sourcils. Elle avait un mauvais pressentiment, mais elle suivit tout de même la brune qui l'amena dans une partie du bâtiment qui lui était inconnue. Lauren ouvrit une porte qui donnait sur une petite salle avec juste une table entourée de quatre chaises. Camila ne comprenait rien, mais elle s'assit sur une chaise.

« Attend ici quelques minutes. Je te laisse. » Lauren quitta la salle en claquant la porte derrière elle, laissant la plus jeune totalement perdue dans la petite salle. Alors elle attendit en tapotant sur la table, sans savoir quoi attendre, sans savoir combien de temps attendre. Au bout d'un moment, elle entendit des pas dans le couloir. La porte s'ouvrit derrière elle, et, sans qu'elle ait besoin de se retourner, elle savait qu'ils étaient là.

« Bonjour Camila ». Elle ne répondit pas et ferma les yeux. Si elle ouvrait la bouche, elle allait fondre en larmes, et elle refusait de leur donnerait pas ce plaisir. Elle entendit le bruit des chaises qui indiquait qu'ils s'étaient assis en face d'elle.

« Ouvre les yeux. » Cette simple action lui demanda quelques secondes et un immense effort. Finalement, elle arriva à planter son regard dans le leur, laissant échapper une larme solitaire.

« C'est pas vrai, tu vas pas pleurer... » Elle détourna immédiatement le regard.

« Bon alors, ça se passe bien ? » Elle hocha la tête. Ça ne se passait pas bien, mais elle avait envie qu'ils partent, et le plus vite serait le mieux.

« T'es pas trop chiante avec les autres ? » Elle eût un frisson qui parcourut tout son corps. Ces remarques ne lui avaient pas manqué. Elle fit non de la tête.

« Tu peux parler putain ? Tu sais t'exprimer non ? » Elle entrouvrit ses lèvres et de la voix la plus faible possible, chuchota un « pardon » tremblant.

« Ouais. Bon fais en sorte de pas te faire virer. On a payé une blinde pour te mettre là, nous fais pas chier. Tu pourrais nous remercier. » Elle releva la tête et plissa les yeux.

« Vous remercier ? Pourquoi ? Pour m'avoir jetée ? Pour m'avoir privée de tout ? Pour vous être débarrassés de moi ? » Elle se fit couper par un revers de la main de son père qui manqua de la faire tomber de sa chaise.

« Si t'étais pas autant une merde, on t'aurait gardé ! N'essaie pas de rejeter la faute sur nous, t'es la seule responsable de ta connerie. » Elle le regarda sans dire un mot, et les larmes commencèrent malgré elle à couler.

« Oh non, te remets pas à pleurer, t'es une gamine ou quoi ? Arrête de faire ta victime putain, t'es encore plus moche quand tu pleurs. » Elle pleurait de plus en plus, sans pouvoir s'arrêter.

« Putain, je t'ai dit d'arrêter de chialer ! T'en veux une autre pour te calmer ? » Dit-il en se levant et en soulevant son bras au-dessus de sa tête, la paume ouverte vers Camila. Il la fit retomber violement sur la même joue. La jeune fille trébucha en bondissant de sa chaise et sortit de la salle en courant et en passant ses doigts sur sa joue rouge. Elle courut le plus vite possible jusqu'à sa chambre, ignorant les regards des gens qu'elle bousculait dans sa course. Elle arriva enfin devant sa porte et se précipita à l'intérieur. Elle la claqua derrière elle et fit les cents pas dans sa chambre, frappant parfois le mur à côté et laissant ses larmes déferler le long de ses joues. Elle était à bout de nerfs, les revoir avait brisé en elle le seul pont qui l'empêchait de sombrer vers tous les souvenirs qu'elle se forçait à oublier. A chaque pas qu'elle faisait, une nouvelle image terrifiante arrivait dans sa tête, une nouvelle partie de son corps la faisait souffrir. Elle respirait mal, ses larmes se mélangeaient à la sueur qui perlait sur son visage, son cœur semblait vouloir percer sa cage thoracique et tout son corps tremblait de rage, de peur, de tristesse, de panique. Au bout d'une demi-heure de tour en rond dans sa chambre, elle sortit et courut vers le seul endroit où elle pourrait se sentir mieux. Mais avant, il fallait qu'elle aille chercher quelque chose.

Lauren était repartie vers sa chambre en laissant Camila dans la salle. Elle était heureuse, elle pensait que revoir ses parents pourraient faire du bien à la brunette, qui semblait un peu vide ces derniers temps. Elle avait croisé quelques-uns de ses amis en chemin, qui l'avait emmenée directement au bar. Elle avait envoyé un message au père de Camila pour lui demander de la prévenir quand ils partiraient pour qu'elle puisse la ramener à sa chambre. Elle avait passé quelques heures avec ses collègues, sans recevoir aucun message. Elle ne s'inquiétait pas. C'était souvent comme ça, les parents aimaient bien emmener leur enfant dîner en ville, et ça prenait souvent du temps. Vers 21h45, elle retourna dans sa chambre. Il lui restait les dernières pages du carnet à lire. Comme à son habitude, elle s'allongea et commença à lire.

[Je suis dans l'avion. Ça y est, ils sont débarrassés de moi, j'espère qu'ils sont contents. Tout ça parce que j'ai juste voulut oublier un peu... J'aurais dû m'en douter que ça tournerait mal. Mais bon, je suis débile, je le sais. Je sais pas où je vais, pourquoi j'y vais ni quand je reviendrai. Mais je n'aime pas du tout ce qui va suivre. Je vais me retrouver encore plus seule qu'avant, et je déteste être tout le temps seule. Ils ont voulu m'éloigner parce que j'étais trop chiante. Ils verront à quel point je peux être chiante. Je m'excuse pour l'école, mais prépare-toi. Je vais leur donner une raison de me haïr pour une fois. J'en ai marre de devoir jouer la fille parfaite alors que tout le monde me fait me sentir comme la pire des merdes. Mes parents me détestent. J'ose enfin l'écrire. Mes parents me détestent, et me le font bien voir. En m'insultant. En me reniant. En m'abandonnant. Et pire encore. Peu importe à quel point j'essaie de leur convenir, je reste une merde. Et si même eux ne peuvent pas m'aimer, qui le fera ? Ils ont atteint leur objectif. Ils ont réussi à me faire me détester autant qu'ils me détestent. Ils ont réussi à m'éloigner d'eux. Ils m'ont éloignée de tout, de tous. Ils vont tous finir par me détruire. En fait, je suis déjà détruite. Au fond je le sais. J'essaie de pas trop y penser parce que je sais où est-ce que ça va me mener si j'admets que j'ai plus goût à cette vie. Alors je vais continuer de le cacher à tout le monde, et à moi-même. Tout va bien. Je vais bien. Et j'aime la vie. Putain, mais qui j'essaie de tromper ? On verra bien si je tiens. Ils verront bien si ils ont réussi à me faire aller jusqu'au bout. Bisous.]

Le cœur de Lauren battait fort dans sa poitrine, elle pouvait presque l'entendre. Elle tourna la page.

[Please, kill me. Or I'll do it myself.]

Le cœur de Lauren rata un battement. Elle fixa la page pendant de longues secondes, sans oser bouger, comme si le moindre mouvement allait exaucer le vœu de Camila. Finalement, elle tourna la page.

[Espèce de grosse connasse de merde. Tu n'es qu'une énorme pute qui se sent supérieure juste parce qu'elle est accompagnatrice. Tu ne vas pas m'empêcher d'être insupportable. Je veux prouver quelque chose, c'est vrai. Je veux prouver à mes parents qu'ils ont fait une erreur en me mettant ici. Je veux leur prouver que se débarrasser de moi n'est pas une solution qu'ils auraient dû envisager. Je veux qu'ils entendent encore plus parler de moi maintenant que je suis à des centaines de kilomètres d'eux. Je veux qu'ils entendent chacun de mes conneries, qu'ils se rendent compte enfin qu'ils me détruisent. Et toi salope, tu t'es juste trouvé sur le mauvais chemin. Vas y, fais-moi mourir de faim, je m'en fous de mourir si ça peut leur prouver qu'ils ont tort. Enfin à vrai dire, je pense qu'ils s'en battraient les couilles. Mais au moins, j'aurais plus à vivre en sachant que je les déçois continuellement. Alors tu pourras me faire souffrir autant que tu veux, je serais toujours plus chiante que toi.]

Elle se fichait des insultes qu'elle lisait, parce que maintenant elle comprenait. Elle comprenait le comportement de Camila, elle comprenait sa rage.

[Je ne sais pas comment je vais faire. Sans la musique, il ne me reste rien. Cette pétasse m'a volé ma seule petite source de bonheur. J'ai envie de la tuer. Je m'en fou du sport, des cours, d'être seule ou quoique ce soit d'autre, mais il me faut ma musique. Heureusement, il me reste la chorale, mais c'est pas une heure par semaine qui va remplacer mes écouteurs. Je la hais. J'ai besoin de ma musique, je me sens morte sans. Faut croire qu'elle veut vraiment me tuer cette pute. Ah, et elle s'appelle Lauren, mais je l'appellerais Tyran. Eh bien à vous tous, tous ceux qui m'ont amenée à ce stade de ma vie, Tyran, parents, élèves, félicitations. Félicitations, votre travail est bientôt terminé, je sais que je ne tiendrai pas longtemps. Reste plus qu'à trouver comment. J'ai peut-être l'air excessive, mais bon. Vous ne voyez rien, vous ne voyez pas le bordel qu'est ma tête, vous ne voyez pas mes nuits, vous ne voyez pas mes larmes, vous n'entendez pas me cris, vous ne savez rien. J'espère que vous entendrez tous mon corps se briser.]

All I Need - CAMRENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant