« L'amour c'est comme la tôle, si t'aime tu prends perpéte »
- Soryan : C'est bon, ta gueule, dis-lui de descendre...
BIP BIP BIP
J'adresse un regard à ma sœur... Enfin, à ce qui ressemble à ma sœur car cette fille, avachie sur le sol, n'est pas ma sœur, ni celle qui m'a toujours dit de me méfier du sexe opposé. Pleurer un homme, voilà à quoi l'amour nous réduit... Je n'en veux pas; très peu pour moi.
- Khadija : Alors ?
- Moi : Il veut que tu descendes
Et là, une avalanche... Non, un torrent de larmes. Ma sœur craignait cet homme, l'amour l'avait rendu si faible et si fragile que j'en étais renvoyée à l'état d'argile... Estomaquée par un amour si destructeur. En effet, Khadija n'était que l'ombre d'elle même, elle sombrait un peu plus chaque jour. Elle avait arrêter de s'alimenter mais ça, ce n'était pas nouveau, je l'avais même surprise un jour à fumer. Qu'Allah guide ma sœur, mon modèle, il fut un temps.
Elle me regardait avec ses petits yeux, je pouvais lire dans sa rétine qu'elle ne voulait pas l'affronter seule. Je la rassurais du mieux que je pouvais et j'ai fini par lui dire : « Tu sais quoi ? Je t'accompagne. Je vais descendre les poubelles »
Elle m'enlaça tellement fort, son étreinte était le reflet de son mal être, de sa souffrance et de son amour pour Soryan: tendre et violent.
Khadija s'arrangeait les cheveux devant le miroir de notre entrée tandis que je prenais les clés... Nos frères ? Ils devaient sûrement être sous les projecteurs (lampadaires) de la rue, dans la cave ou je n'sais où.
On descend les escaliers, Khadija me serrait si fort le poignet que ses ongles avaient imprimé ma peau.
Une fois arrivées, Soryan n'était pas très chaleureux, il a balancé sèchement : « Elle fait quoi ici la celle ? Khadija t'es bête ou quoi ? Faut que je précise à chaque fois qu'il faut que tu viennes seule ? »
Je l'aimais pas, sa façon de parler, de s'adresser à ma sœur, sa façon de se tenir : "à la thug"... Tout ça me répugnait et me faisait horreur. Comment ma sœur, cette perle maghrébine a-t-elle pu tomber si bas; elle qui était si haut ? Je me demandes comment une fille normalement constituée peut tomber amoureuse de "ça". Ce n'est même pas un homme.
Malgré l'accès de rage qui est montée en moi, j'ai dû lui répondre, lui montrer que s'il intimidait ma sœur, moi seul Le Créateur me faisait peur.
Moi: Respires, je vais jeter la poubelle.
Je franchis la porte du hall, une boule au ventre. Je ne devrais pas les laisser seuls tout les deux, je ne devrais pas laisser ma sœur aux mains de ce fou furieux. Sur le trajet menant aux locales à poubelles nauséabondes, une tonne de questions me trottent dans la tête, et même dans une situation pareille, mes pensées allaient encore et toujours à Yemma. Mon cœur pleurait sa mort, autant qu'il pleure aujourd'hui la perte de notre famille. Notre famille n'en ai plus une, la preuve aujourd'hui ta fille est réduite en esclavage par un dealeur. Comment ne pas pleurer devant une pareille situation ? Comment ne pas être honteuse ?
Je me presse un peu pour ne pas laisser le temps à cet homme de tuer ma sœur et de jeter son cadavre derrière le bloc. Je cours, je me précipite et là je vois Soryan saisir violemment Khadija par le cou, la secouant de toutes ses forces et Dieu seul sait à quel point la musculation fortifie un homme. Il la secouait en l'insultant de tous les noms possibles. Cette vision me glaça le sang, comment osait-il s'en prendre à ma sœur dans notre hall, en plus ?
Dans un accès de lucidité, je m'interpose entre les deux.
Moi: EH OH ! T'ES MALADE OU QUOI ? LACHES-LA SALE ZEMEL (*PD*) ! PORTE TES COUILLES ET FRAPPE QUELQU'UN A TA TAILLE !
Là, je n'ai pas tout de suite compris ce qui m'arrivait. J'ai juste vu son poing se déposer sauvagement sur ma joue marquant mon œil d'une couleur bleuâtre. J'étais à terre, mon corps était lourd, je n'arrivais plus à me lever. J'entendais Soryan pestiférer contre moi, contre Khadija, contre le monde entier tout en m'assaillant de coups.
Je voyais à travers mes yeux, à moitié ouvert, Khadija se tirant les cheveux et insultant l'homme dont elle était amoureuse. Je voyais flou, je ne comprenais plus rien. J'étais comme étrangère à mon corps, cette situation était si bizarre...
Je peinais à me relever quand j'entendis le grincement de porte de la cave. Intérieurement, je priais pour que ce ne soit pas l'un de mes frères. Je priais pour que cette situation ne soit qu'un rêve. Que mon œil ne me fasse pas aussi mal....
Mon esprit était si loin. Pendant un court instant, j'ai revue ton visage, Yemma. Je pensais qu'Allah m'avait rappelé à lui jusqu'à ce que j'entende cette voix, je la reconnaissais. Mais j'étais, cependant, incapable de mettre un visage ni même un prénom sur cette voix.
- … : Eh lâches-la Soryan ! T'es malade, c'est la tipeu à Yass !
- Soryan : Rien à foutre, je vais la saigner cette pute
- … : Arrêtes kho !
- Soryan : Bon Jalil, nique toi, laisse moi gérer mes bails seul
Cet inconnu n'était d'autre que Jalil. Je pensais qu'il allait tracé son chemin car Soryan n'est pas du genre à rigoler.
Mais, là, bizarrement, les coups ont arrêté de pleuvoir. Mon corps prenait un peu de repos dans l'espoir de ne plus rien recevoir.
J'entendais Khadija hurler : "Arrêtez, vous aller vous tuer ! ".
J'ai doucement ouvert les yeux et j'ai vu un combat digne des plus grands films de boxe, un combat de coq, un combat de catch... Enfin c'était pas joli à voir. Ils se battaient comme si père et mère étaient en jeu.
Je peinais à garder les yeux ouverts.
Quelques minutes plus tard, le calme revint. Soryan était parti en se jurant de me faire la peau. Entre temps, Khadija avait tenté de me relever, elle m'avait mise débout avec difficulté ; je tenais à peine sur mes jambes quand je me suis sentie plaquée contre les boites aux lettres. Les mains de Jalil enserraient mes deux bras, évitant toute fuite, mais, vu mon état, la fuite n'était pas une option possible.
Là, s'en suivi une avalanche d'insultes. J'aurais aimé te dire qu'elles m'ont fait mal, qu'elles m'ont blessé mais ce serait un énorme mensonge. La douleur physique avait pris le dessus sur la douleur morale, j'avais un rempart encerclant mon cœur, j'avais cette préférence pour les coups. Le temps saura effacer les marques, la douleur mais une blessure au cœur, même le temps aussi infini soit-il ne saura la cicatriser.
- Jalil: Je vais finir par te faire du sale. Tu crois ton frère c'est un zemel (*PD*) pour laisser sa p'tite sœur dans les mains de Soryan ?
- Khadija (en pleure) : Jalil, laisses-la c'est pas sa fau...
- Jalil : Toi, ta gueule. Je jactes pas avec toi. Hein Nessma ? J'te parle ya zeh !
-Moi : …
- Khadija : Tu vois pas qu'elle est pas en état là ?
- Jalil : Putain mais fermes-la toi putain ! Vas-y rentres, je dois lui parler
Khadija me lança un regard, cherchant désespérément un hochement de tête signifiant "Tires-moi de ce pétrin", mais je ne fis rien. Je me suis contentée d'acquiescer par un mouvement de tête. Elle a compris que je n'avais aucunement peur de ce mec et a finis par monter contre son gré.
Il avait relâché son étreinte et s'était installé sur les marches des escaliers et continuait son monologue insensé. La douleur physique obscurcissait mon esprit, j'étais inconsciente. J'entends par là que rester dans mon hall, en compagnie d'un homme en soirée alors que mes frères pouvaient débarquer à tout moment, était vraiment un acte de folie.
Jalil : "Ya zeh, la petite sœur de mon frère sort avec le plus gros dealer que je connaisse ! Nan, elle nous a pris pour des zemel hadi (pour des *PD celle-la*)
Sincèrement, je ne comprenais pas où était son problème. Je n'étais ni sa sœur, ni sa femme, encore moins quelqu'un de sa famille alors pourquoi faut-il qu'il abuse sur les scènes dramatiques ?
Moi : Merci d'm'avoir défendu mais je vais rentrer
Il me demanda d'un geste de main de m'assoir à ses cotés sur les marches. Je ne voulais pas être à proximité de ce vendeur de shit, briseur de famille, à coté de cet embobineur de première.
Jalil : Wesh, viens j'vais pas te graille
Je m'exécuta à contre-cœur. Je m'installa loin de lui, loin de cet homme qui ne m'inspire pas confiance. Je baissais le regard, je regardais inlassablement mes chaussons mais sa voix se fit retentir et brisa ce silence.
- Jalil : Bon, vas y parles. C'est quoi le délire avec Soryan. C'ton mec ?
- Moi : Euh... Bah...
- Jalil : C'est bon, fais pas la miss
- Moi : Ma mère m'a toujours dis de pas de confier aux inconnus
- Jalil : Bah va lui dire qu'elle a tort
- Moi : ...
Serait-il bête ? Aurait-il oublié que la vie me l'a enlevée ? Qu'Allah la rappelé à lui ? Aurait-il oublié qu'il a profité de la vulnérabilité de mon frère en deuil pour l'attraper dans ses filets ? Je ne peux prononcer un mot, mon cœur est vide de mot, ma bouche regorge d'insultes envers cet imbécile et, pourtant, rien ne sort, seul un "Hum" se fait entendre.
Là, Mr Jalil se leva brusquement, frappa contre sa tête et dit : « Putain je suis con. Désolé, j'avais oublié »
Comment oublié ? Moi je ne peux pas oublié que tu nous as quitté Yemma. Je ne t'oublierais pas... Jamais... Le jour où mon esprit cessera de penser à toi, c'est qu'Allah m'aura rappelé à lui.
- Moi : ...
Il nous est rapporté qu'à aucun moment de sa vie, JAMAIS le prophète n'a levé la main sur une de ses femmes.
Aïcha, épouse du Prophète, raconte de lui : “Jamais il n’a frappé quelqu’un, ni une épouse, ni un serviteur. La seule occasion [où il utilisait la force de son bras contre quelqu'un] était lorsqu’il combattait pour la cause de Dieu [contre des combattants ennemis]“ (rapporté par Muslim).