« Naïf au départ, aigris à l'arrivée, j'arrive même plus à m'amuser le soir j'pleurs des larmes alcoolisées ».
Arrivée chez moi, je me dirige dans ma chambre et me dirige directement dans mon lit à cogiter sur les faits de cette longue soirée quand soudain, la porte de ma chambre s'ouvre...
- ... : Nessma ?
- Moi : Oui Jibou ?
- Jibril : J'te connais bien, ne t'prends pas la tête ok ? Dors bien et basta
Il referma la porte et je fermai les yeux...
Une demi-heure plus tard, je fus réveillée par la tonalité de mon portable car je reçus un message :
« Ness, demain matin viens en bas de chez moi, c'est important »
Cette nouvelle me fit l’effet d’une bombe atroce, enfumant mon torse. Je voyais bien à son attitude que rien n’allait, je voyais à son regard que le monde s’écroulait autour d’elle. Ma petite Sou’ n’allait pas bien et j’ai préféré me bercer d’illusions pensant que tout finirait par rentrer dans l’ordre. Mon ignorance me perdra, j’avançais dans la vie les yeux bandés et cela m’était préjudiciable aujourd’hui.
Cette nuit-là, le sommeil quitta mon inconscient. Je refaisais le monde dans ma chambre, dans cette pénombre engouffrant mes maux à mesure que le soleil remplaçait la lune.
******************
Le lendemain matin, après une nuit assez agitée je me suis levée des interrogations guidant mes pas. La demeure était silencieuse, mon père avait quitté le domicile avec les jumelles très tôt le matin, Khadija menait sa petite vie donc j’allai furtivement jeter un œil dans la chambre des garçons où dormait Redouane encore sous l’effet des spiritueux et Jibril. Je filai sous la douche, chaque goutte d’eau masquait mes larmes. Je craquais rarement mais ce matin-là, mon cœur débordait ; ma patience avait atteint son apogée. Une fois toutes les larmes de mon corps évacué par le siphon de la douche, je m’empressai de m’habiller pour faire face à mes responsabilité d’amie et de sœur…
Je sors. Mes jambes pesaient si lourd sur le bitume ; elle traduisait mon angoisse ne sachant pas de quelle annonce il s’agissait, ni même de l’importance de celle-ci. Je parcourais le chemin me séparant de Soumaya avec un picotement constant dans le ventre, de nature optimiste là mes pensées étaient tout simplement obscurcies par la noirceur de mon état d’esprit…
J’aperçois son bloc, je prends mon téléphone pour lui dire de descendre. Quelque minute plus tard, la voilà. J’entrevois sa silhouette à travers la vitre de son hall, elle est amaigri, marquées par des cernes balayant l’horizon.
-Soumaya : Salam a3leykoum Nessma
Je n’eus pas le temps de répondre à sa salutation que mon corps avait réagi avant même que l’information soit transmise au cerveau. La voilà dans mes bras, moi l’enlaçant comme une poupée ; c’était ma poupée…
-Moi : Wa3leykoum salam. Je suis désolé, wAllah que je m’en veux. Tu vas pas bien et j’ai même pas cherché à comprendre la cause de ton chagrin. J’ai honte, toi qui as toujours été là pour moi. J’ai failli à ma tâche. Soumaya pardonne moi. Pardonne-moi… Je vois bien que tu souffres, j’en connais pas la raison mais j’ai de la peine pour toi ; je suis triste pour toi… Je…
Mes paroles se brisèrent par un flot de larmes, s’abattant de plein fouet sur la faible personne de Soumaya. Elle ne voulait pas causer mes pleurs, elle s’excusait sans cesse répétant « Ya Allah smahni, smahni »
J’avais honte, je rajoutais à son chagrin ma culpabilité. Je n’osais pas la regarder, j’étais assailli par le remord.
-Moi : Je suis désolé, je voulais pas que tu te sentes fautive de mes erreurs. C’est de ma faute j’aurais dû voir que tu n’allais pas bien. Tu n’as pas à t’en vouloir Sou. Mais viens on va s’assoir pour que tu m’explique.
Je lui saisis la main, serrant ainsi mes cinq doigts entre les siens. Je voulais qu’elle ressente ma compassion à travers ce geste, qu’elle y décèle toute ma mélancolie. Elle m’emmena dans un endroit abandonné, où les graffitis recouvraient les murs. Aussi étrange que cela puisse paraître, je me sentais en sécurité, parce que Soumaya était avec moi. J’savais de façon inconsciente qu’elle serait toujours, qu’elle serait la béquille qui m’éviterait de vaciller. Pendant de longues minutes, nos corps étaient plongés dans le silence le plus complet qu’il soit. Je profitais de cette accalmi pour me remémorer tous les moments avec Soumaya, notre rencontre, nos moments d’amitié… La nostalgie parcourait doucement mon être jusqu’à ce qu’elle brise se silence…
-Soumaya : Nessma, je m’en vais. Je pars loin d’ici…
C’était le coup de massue destiné à m’achever. Yassine s’en était allé loin de chez nous, Khadija partait sans même nous prévenir de son absence, Yemma nous avait quitté pour ne plus jamais revenir et voilà qu’aujourd’hui Soumaya, décidait elle aussi de partir… Ma gorge était nouée, mes mains étaient tremblantes.
-Moi : …
-Soumaya : J’ai vraiment beaucoup de problème Nessma, je suis obligée de rentrer au pays. Je peux plus supporter la vie ici…
Je la connaissais bien, elle essayait de me ménager. Elle me cachait la vérité, elle n’osait peut être pas se confier à moi ; c’était peut-être trop personnelle pour y faire entrer une tiers personne ? Je ne saurais répondre à ses interrogations.
-Moi : Soumaya je te connais, je sais que tu essayes de me ménager mais tu peux tout me dire. Pas la peine d’utiliser des euphémismes. Dis-moi clairement les choses. Sache que dans toutes les situations possibles et imaginables je serais là, tapis dans l’ombre à te soutenir…
Elle éclata alors en sanglots, me confiant enfin ses maux. Elle me fit le récit de sa vie, de sa famille. Sa grand-mère était mourante, par manque d’argent ses parents n’ont pas pu rentrer au pays. Elle a donc décidé d’arrêter l’école pour travailler et payer leur billet mais l’ange de la mort n’a pas attendu. Allah a rappelez à lui sa grand-mère. S’en ai suivi une guerre de territoire, des procès poussant sa famille à payer d’importante somme pour récupérer les terres de sa grand-mère. Durant son récit elle tremblait, elle ne savait pas quoi faire face au désespoir qui s’abattait sur sa famille. Je la serrais un peu plus à chaque mot prononcé, chaque larme versée. Mon cœur était broyé par les événements, jamais je ne pourrais prétendre lui apporter mon aide dans un conflit d’ordre familial, jamais je ne pourrais lui promettre d’être toujours là pour elle si elle quitte le territoire pour aller à des milliers de kilomètres de moi.
« Loin des yeux, près du cœur » dit-on ? Mais on dit aussi que la distance brise les relations, à cet instant je me demandais si notre amitié survivrait contre vents et marrées ? Si un jour elle me reviendra ? Mon esprit était submergé par une vague de questions, auxquelles le destin sera répondre…
- Moi : Tu ne m’oublieras pas ?
-Soumaya : Non jamais t’es folle ? Je ne t’oublierais jamais. Surtout garde la foi ma petite Ness, n’oublie pas que chaque épreuves est un bienfait, qu’en t’éprouvant Allah teste ta foi, ton adoration et surtout pardonne tes pêchés. Alors fait moi plaisir ne déprime pas en vue des fardeaux qui te tombent dessus mais remercie Allah, remercie le de ne pas t’oublier…
Je ne savais pas quoi répondre face à autant de sagesse, elle avait grandi, mûri en si peu de temps. Je n’avais pas vue que son état d’esprit avait muté au point d’être devenu une belle femme, pieuse et qui ne désespère plus de la Miséricorde d’Allah. On dit très souvent qu’un geste parle plus que des mots, je me suis donc contenté de la serrer fort dans mes bras tout tremblant… Je l’embrassais, je laissais échapper quelques larmes glissant sur le gris de son hijeb, laissant ainsi ma trace où qu’elle aille.
-Moi : Soumaya, tu es l’une de mes plus belles rencontres, quand ma mère … nous a quittés je pensais que je finirais ma vie à jamais seule. Mais tu es venu comme une fleur ce jour à la fac, tu m’as gracieusement apporté ton aide. Je n’oublierais jamais, je ne t’oublierais jamais. J’attends que tu reviennes, j’attends que tu me reviennes avec des bonnes nouvelles remplissant tes valises. Sache que je serais toujours là… Je … je t’aime ma sœur.
C’était pour ainsi dire la première fois que je lui disais « je t’aime », pourtant Dieu seul sait à quel point mon cœur regorgeait d’amour pour ma sœur ; mais ma bouche était incapable de mettre ces 7 lettres sur mes sentiments. Nos pleurs se confondaient, elle me disait « je t’aime, je t’aime, je t’aime ». Ce moment aussi douloureux soit il devait toucher à sa fin même si je ne voulais pas qu’elle s’en aille, elle m’embrassa une dernière fois, me pris une ultime fois dans ses bras aussi faibles que frêles et repris le chemin de son hall. Je regardais ma sœur rejoindre son domicile, pour le quitter dans la soirée.
Je regagnais mes tours d’ivoire, berceau de mon désespoir. Je pensais à Soumaya, et étrangement Omran ne quittait pas mon esprit. Etait-il au courant de son départ ? Une fois arrivé chez moi, je mange un petit truc et je compose presque machinalement le numéro d’Omran.
-Moi : A-Allô ?
-Omran : Ness, tu pleures ?
-Moi : non, je suis enrhumée.
-Omran : Tu veux la mettre à qui ? Je te connais maintenant. Je suis là dans 15 minutes.
-Moi : Non laisse tomb…
Je n’eusse pas le temps de rejeter son offre qu’il avait déjà coupé court à notre appel. Il me connaissait de mieux en mieux, on était comme qui dirait « en phase ». Je savais que si quelque chose allait de travers il serait celui qui me remettrait les idées au clair.
Je rangeais un peu la maison, quand mon téléphone posé sur la table de la cuisine vibra manquant de tomber. Nouveau sms:
"Descends Je suis en bas"
Je sors en vitesse, je descends les marches quatre a quatre m'empressant de rejoindre Omran qui m'attendais en bas. Une fois arrivée dans le hall je remarque les mêmes teneurs de murs, ceux qui mangent, dorment et vivent pour leur rue. Parmi eux, il y avait Jalil. Il avait les yeux rivés vers la vitre, fusillant Omran du regard. J'adresse un "salam" à ces hommes qui m'ont vu grandir et je sors le rejoindre.
Il m'embrasse les cheveux et me prend par l'épaule aux yeux de tous. La peur guidait mes pas, je craignais que ce geste maladroit arrive aux oreilles de mon frère. Les murs ont des oreilles mais nos tours ont des yeux, et parlent. Je lui demande gentiment de retirer son bras, il s'exécute non sans peine.
-Omran: Ness, il se passe quoi?
-Moi: ...
On s'pose sur un banc. Une fois assise c'est ma peine que j'installe sur ce siège. Je me terre dans mon silence.
-Omran: Ness tu sais très bien que tu peux me parler. Wech on se connait ou on se connait pas ?
-Moi: Tu savais que Soumaya elle rentrait au pays?
-Omran: Ouais je savais
Je scrutais son visage en quête de réponse, attendant une marque de culpabilité, un geste trahissant sa lâcheté. Mais non, rien. Pas même un mouvement de sourcils.
Pourquoi autant de froideur, à l'écouter Soumaya ne représentait plus rien à ses yeux. Etait-elle qu'un lointain souvenir?
-Moi: C'est tout l'effet que ça te fait? Je suis triste de voir ma sœur quitter le pays et toi tu bouges pas?
Je commence à pleurer, des coups s'additionnent à les perles salés. Je vociférais des tonnes d'insultes à l'égard d'Omran et lui sa réaction fut de m'étreindre nerveusement. J'étais donc dans ses bras ma tête sur son torse écoutant chaque battement de son cœur. Il glissa ses doigts dans mes cheveux, le rythme de son cœur s'accéléra en parallèle, tambourinant dans mes oreilles.
-Omran: Je suis la Ness, ne pleures pas.
Inconsciemment son geste me calma, mon cœur freina sa course au galop. Il prenait tellement de place dans mon cœur ses derniers temps que j'en avais crainte. N'ayant jamais éprouvé de sentiments amoureux comment saurais-je où s'arrête l'amitié et ou comment l'amour? Quelle barrière y a-t-il entre les deux? Je me demandais si mon cœur avait franchis cette ligne invisible sans mon consentement... Omran était le roc sur lequel je me reposais, mes soucis s'amoindrissaient en sa compagnie. Je me sentais si légère. Sa façon de me regarder, de mordre sa lèvre quand je prononçais son prénom. J'baignais dans un océan de doute et de suspicion.
Moi: Omran?
-Omran: Ouais
-Moi: Tu m'abandonneras jamais toi. Hein?
-Omran: Dis pas de conneries. Moi je suis là, pour le meilleur et pour le pire
On était donc debout se faisant face, il me regardait quand il saisit mon visage entre ses deux mains et déposa un bisou aussi délicat qu'une brise printanière sur mon front. Je me sentais voler, j'étais apaisé de voir un peu de douceur dans ma vie...
Ensuite, il me raccompagna chez moi me promettant de ne jamais m'abandonner. Je suis rentrée et j'ai repris mon quotidien.
Il m'arrivait encore de broyer du noir, de déprimer en pensant à ma mère. Yemma détourne le regard de notre famille qui n'en est plus une. Ne regarde pas la noirceur qui jailli des cœurs de mes frères vois plutôt la douceur qui émane du sourire des jumelles.
Les semaines défilaient aussi vite que les saisons, nous voilà mi-juin. Je n'ai pas oublié Soumaya. Par ailleurs, il m'arrive parfois de revivre nos adieux mais je me réveille en sueur, me persuadant qu'il s'agissait d'un rêve mais non. La réalité est que Soumaya est au pays, loin de moi, son absence est un poids lourd sur mon cœur. Néanmoins, Omran et Jihène sont mes piqures de bonheur, mes pilules de joie. En leur présence j'en oublie la misère que m'inflige la vie. J'oublie que ma mère nous a quitté, que mon frère est emprisonné, que ma sœur a fui le nid. Mon sourire avait remplacé mes larmes étant ainsi ma nouvelle arme.
"Souris aux gens ça t'éviteras de leur expliquer pourquoi ça va mal"
J'prenais plaisir à jouir d'un autre quotidien.
Alors que je profitais de l'absence de la famille et de l'unique présence de Jibril pour faire un peu de rangement, un cru strident vint rompre ce silence.
-Jibril: NESSMA. TELEPHONE.
-Moi: C'est qui?
-Jibril: Je sais pas il a demandé à parler à un membre de la famille ***** (mon nom de famille)
Je m'empare du combiné.
-Moi: T'aurais pas pu demander hagoune (*imbécile*). Oui Allô
-...: Mademoiselle *****
-Moi: En personne à qui ai-je l'honneur.
...: ....
Selon En-Nawwâs ben Samân (Que Dieu l’agrée) , le Prophète (Paix et Salut sur lui) a dit :
« La vertu est (la somme) des bonnes qualités, et le péché, c'est ce qui s'implante dans ton âme, alors qu'il te répugnerait que les gens puissent le savoir ».