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« Les noirs et les arabes remplissent les prisons, J'fais du rap qui leur propose un autre horizon, J'ai mes raisons et j'ai raison ! »


Deux mois se sont écoulés...
Depuis, mon père s’est remit de son malaise et a reprit le travail.
Quant à Yassine, suite à sa garde à vue, il a reçu une citation à comparaître au tribunal. Etant récidiviste, ils ont décidé de ne pas le louper. Il a pris quatre mois de prison ferme, qui n’ont pas eu l’air de le chambouler plus que ça…
Jibou est venu s’installer à la maison le temps que tout rentre dans l’ordre et pour apaiser les tensions au maximum. Il reprend « la place » de Yassine en son absence et aide mon père niveau financier...


Des scènes s'engouffrent en moi... Je me vois, il y a une année de là, à le mettre en garde contre ce pacte démoniaque, à tenter de le raisonner. Je sais qu'il a compris le message mais il a préféré rejeter ce qu'il a compris. Pour lui, mes paroles n'avaient juste la forme de fruits suants ce que l'on appelle le superflu car, oui toi tu pensais avoir une supervision des faits !

Tu as eu le privilège de faire chavirer la goutte de trop, tu l’as fait dégringoler avec toi sans songer aux séquelles sordides...
Bouffant cette atmosphère, enivrant les couleurs glauques de ces quatre murs, humant le doux feu que tu as incendié, flairant le goût pimenté de ta fraude, sniffes le plat de ta défaite... Mais, saches qu'admettre une défaite est une grande victoire...

Lors de ces quatre mois, je te laisse cogiter avec ton intérieur avec pour seul contact avec l'extérieur, des feuilles et des parloirs...

« Celui qui accepte le mal sans lutter contre lui coopère avec lui. »

Je menais une vie quelque peu paisible... Certes, avec les mêmes aléas mais ils font désormais partis de mon quotidien. Avec un membre en moins, au sein de notre famille, mon train-train était semblable.
La présence de Jibril me fut bénéfique. Il jouait le rôle d'armature, il était l'interrupteur qui illuminait mes jours en maîtrisant les coups de blues dû à l’absence de Yassine...

* * * * * * * * * * * * * * * * * * * *

Un vendredi soir, alors que la pénombre trônait autour des tours, je passais la nuit à discuter avec Jibril de nos ambitions, nos rêves ainsi que mille et une chose...

- Jibril : En sah là, il me manque juste un truc. J'ai un taf et tout mais j'suis encore solo. J'ai envie d'avancer dans la vie tu vois ? Avoir encore plus de responsabilités. J'ai envie de faire plein de que-tru mais j'ai toujours pas fait grand chose. J'ai envie de parvenir à tout ce que je veux avant que la mort m'attaque par surprise. Tu vois J'veux une relation stable qui débouche sur haja (*quelque chose*)

- Moi (en le narguant) : Avoues, tous les soirs tu déprimes sur des chansons de Vitaa ? Jibou, le dépressif !

- Jibril : Mais tu vires toi, Vitaa ? T’as cru j’étais une meuf ou bien ? En plus, regardes, j'te parle sérieusement, j'fais même le canard et t'en profites. Ok, j’retiens

- Moi : J'te taquine Jibou. C'est quoi ze3ma (*genre*) ton idéal ?

- Jibril : Tu veux la jouer Meetic ou bien ? ... Bah, genre une femme tranquille mais j'veux pas d'une coincée ! Genre une belle gosse comme moi hein, qui s'prend pas la tête pour keutchi, drôle... Enfin comme moi quoi !

- Moi (en chuchotant) : Ouais comme Jihène quoi...

- Jibril : C'est qui elle ?

A peine voulais-je éclore un mot, la sonnerie du téléphone de Jibril m'interrompit.
Il s'empressa de saisir son téléphone. 

A la vue de son écran, l’expression de son visage changea en une fraction de seconde. Son visage témoignait son inquiétude face à cet appel...
Mon cœur se mit à battre très fort. J’ai peur de devoir face à une autre mauvaise nouvelle, ce n'est pas vraiment pas le moment...

Il se leva et répondit furtivement à son appel tout en étant positionné dos à moi...

- Jibril : Ouais ?

- ... : ...

- Jibril : Sah (*Sérieux*) t’abuses ! T’en a pas marre de ces conneries ?

- ... : ...

- Jibril : J’pense à ta race en disant ça, tu crois que ça m’fait plaisir ?!

-… : …

- Jibril : Bien sûr que j’viens te chercher mais j’serais pas toujours là Redz

A-t-il bien dit « Redz » ?
C’est bien le prénom de mon frère qu’il vient de prononcer ? 
Mes doutes étaient donc fondés. Mon cœur cogne dans ma poitrine, mon corps tremble d’inquiètude. Je n’ose pas demander directement à Jibril ce qu’il se passe exactement parce que j’ai tout simplement peur de la réponse qu’il pourrait me donner. J’essaye de déceler dans son attitude et son regard un quelconque indice qui pourrait me mener vers une piste ou une autre...

Sans prêter attention à moi, il gagne la porte de la chambre tandis que moi je suis encore toute offusquée, brusquée. Je ne réagis pas tout de suite...
Ma tête commande à mon corps de courir après Jibril pour avoir plus d’explication mais je reste bloquée sur place. J’imagine un tas de scénarios possibles et la peur s’empare de moi. 

Je reprends mes esprits et me mets alors à courir et rejoindre en furie Jibril qui descendait les escaliers...

- Moi : JIBOU !

- Jibril : Ness, je reviens !

- Moi : Nan, il s'passe quoi ? Dis-moi... J'ai... J'ai tellement peur pour Redouane. Jibou, dis-moi. La situation de Yass me torture déjà assez...

- Jibril : Ness rentres à la maison, et t’inquiètes pas, y'a rien ' grave

- Moi : Y'a rien de grave ?! Bah dis-moi la raison de son appel ! Dis-moi pourquoi t'es sortis comme ça sans m'expliquer ?

- Jibril : … J’vais chercher Redouane en re-soi, il a bu et il peut pas rentrer seul tout mais c’est rien, j’vais arranger ça, laisses- moi faire

- Moi : Putain mais c’est quand qu’il va arrêter tout ça ?! Jibou, j’en peux plus de mes frères ! Regardes la merde dans laquelle ils nous mettent ! Ils pensent qu’à leur gueule !

Je m’effondre sur le sol, les larmes inondent mon visage. Je suis épuisée par le comportement irresponsable de mes frères. 
Je pensais que Redouane se serait calmé lorsque Yassine est tombé, je m’attendais à ce qu’il prenne conscience de la gravité de la situation, je voulais qu’il ait un déclic qui lui fasse lâcher ses bouteilles...

- Jibril : C’est bon Ness, pleures pas s’il te plait, j’aime pas t’voir comme ça. J’suis là, j’vais m’occuper d’eux, ok ?

- Moi : Je sais Jibou mais tu seras pas toujours là pour rattraper les conneries de Redouane, tu l’as dit toi-même

- Jibril : Ness j’sais que t’es mal mais sah (*sérieux*) arrêtes de pleurer. J’vais aller le chercher et j’reglerai le problème avec lui. T’as confiance en moi ou bien ?

- Moi (en séchant mes larmes) : Bien sûr que j’ai confiance en toi. J’suis contente que tu sois là Jibou, j’sais pas comment j'ferais sans toi

- Jibril : Qu’est ce tu veux ma tipeu ? La classe, soit on l’a soit on l’a pas, et Jibou eh ben il l’a !

Je rigole à sa bêtise.
Je sais qu’il est aussi inquiet que moi mais j’apprécie sa façon d’essayer de rendre la situation moins pathétique. Jibril, c’est la personne à qui je fais le plus confiance et sur laquelle je peux compter quelesl que soit les circonstances. Le fait qu’il se soit proposé de lui-même de venir à la maison pendant l’absence de Yassine ne fait que me confirmer ce sentiment.

- Moi : T’es nul… Jibou laisses- moi venir avec toi

Il me regarde un instant en hésitant...

- Jibril : C’est bon mais j’te préviens, tu resteras dans la gova. Et puis va rajouter une couche de vêtement, il gèle dehors. Moi, pour l'instant, j'vais au bloc du fond chez un pote parce qu'il a les clés d'ma gova. Tu m'attendras dans l'hall jusqu'à j't'appelle, ok ?

Je lui souris en guise de réponse.
Je savais qu’il ne pourrait pas me refuser cela. Je n’aurais pas supporté de rester à la maison en sachant que mon frère est dehors en train de décuver dans un coin lugubre.

Jibril est descendu chercher sa voiture. Pendant ce temps, je regagnais l'appartement et alla enfiler mon manteau. 
Avant de sortir, je jetai un coup d'œil dans la chambre des jumelles puis sortis en m'assurant d'avoir bien fermé la porte derrière moi.

Je me mis à dévaler très rapidement les escaliers jusqu'au hall. Je m'apprêtais à ouvrir la porte quand tout à coup, une voix me stoppa dans mon action...

- ... : OW !

Je m'arrête net ! J'étais tellement obnubilé par Redouane que je n'avais sentis aucune présence...

- ... : REPONDS TA RACE !

- Moi : ...

- ... : Quand j'parle tu m'regardes dans l'fond des yeux zeubi !

Je me retourne très lentement... Je le vois debout, contre le mur à me défier du regard...

- Moi : Tu veux quoi Jalil ?

- Jalil : Tu vas où ?

- Moi : Je sors, ça se voit pas ?

- Jalil : Tu vas où ?

- Moi : JE SORS !

- Jalil : Bon je vais répéter une dernière fois ma question. TU VAS OU ?

Il me reposa une troisième fois la question en prenant soin d’articuler chaque mot.Chaque syllabe était disloquée de la précédente...

- Moi : Je sors avec Jibril

- Jalil : Tu joues avec mes nerfs là ?§ Tu le fais exprès ?§ Je vais réellement finir par me ze3af (*m’énerver*) Nessma

J'avais concocté une nouvelle stratégie... Il voulait jouer ? Eh bien, il ne jouera pas solo... Je prenais un plaisir fou à écouter ces menaces afin d'orienter sur le terrain de jeu mon attaque.

Je me retourne et commence à ouvrir la grande porte du hall menant à l'extérieur...
Néanmoins, Jalil n'était pas du même avis...

- Jalil : Tu ouvres cette porte, ok ! Mais tu vas prendre cher

- Moi : ...

- Jalil : Réponds ta race, tu vas faire quoi seule dans la nuit ?

- Moi : Je suis avec Jibril je t’ai dis

- Jalil (en ricanant) : Non mais t'es sah (*sérieuse*) là ? Yass il est au hebs (*prison*) et Madame elle sort le soir. Vas-y montes là

- Moi : Non je ne monterai pas, on doit faire un truc

- Jalil : Quel que-tru ? Yass s’il savait que tu sortais à c't'heure-ci il te tuerait

Même si c'était pour la bonne cause, je sais que cela renderait Yassine fou de rage de me savoir sortie une nuit accompagnée de Jibril...
Jalil m'avait déjà salit face à mon frère et je ne pourrais pas le laisser répéter son jeu... Il possède le don de rajouter quelques éléments pour couronner la frénésie de Yassine et je le sais que bloqué entre quatre mur, Yassine aurait couronné sa sortie par toute la foudre qu'il aurait accumulé....

- Jalil : Je t’écoute, quel que-tru ?

- Moi : Un truc d’ordre familial

- Jalil : Zeh, de quoi tu me parles !? Dis-moi de quel que-tru il s’agit avant que j'te pète le bras

- Moi : Mais rien… C’est Redouane, il a un souci avec sa voiture on va le chercher

- Jalil (avec rire forcé) : Tu me prends pour un PD ? Je suis un PD moi pour croire que tu balises pour une voiture ? Vas-y parles, je risque de te faire du mal

S'en était vraiment trop ! Un courroux titanesque se mit à me sillonner ne cherchant juste détoner...

A ce moment précis, je compris quelque chose... J'en étais désormais totalement convaincue. Plus aucun doute. Face à lui, mon cœur avait fait banqueroute. J'éprouvais un sentiment herculéen, une fébrilité pharaonique... Il est venu à bout d'un building où la rage, la brutalité, la bestialité, l'acharnement cohabitaient...

Il s'approcha de moi... Et je ne pus décrire le rictus qu'il portait sur son visage...

- Jalil : J’ATTENDS NESSMA !

J'avais passé mon temps à balayer ma fureur mais, très vite, mon regard traduisit toutes mes émotions nauséabonds !

- Moi : Ok il est khabta (*bourré*), il est plus en mesure de conduire donc on va le chercher. C’EST BON T’ES CONTENT ?

Il me saisit le poignet et me dit calmement d’une voix posée, limite douce...

- Jalil : Evites d’hausser le ton sur moi

- Moi : …

- Jalil : Redouane t’inquiètes même pas que j'vais le régler lui. Et toi ne traînes pas, vas pour cette fois-ci mais la prochaine fois que j'te vois dehors après 17 heures j'te refais le portrait

- Moi : Ouais d’accord

- Jalil : Non je suis sah (*sérieux*) Nessma, dis toi bien que c'est pas parce que Yass est au hebs (en *prison*) que tu vas te la jouer diva. N'oublies pas que Jalil est toujours là

- Moi : Oui j’ai compris, c’est bon

J’ai affaire à un skyzophrène parlant de lui à la troisième personne. 

Je lui lança un regard patibulaire. Je me retournai sure de moi et ouvrit la porte pour enfin goûter cet air frais...

Je me m'y à attendre un appel de Jibril tout en essayant d'expatrier ce mélange de sentiments vénéneux, toxiques... La sonnerie de mon téléphone vient interrompre ma solitude... Je décroche sans lâcher les tours du regard... A qui cédera le premier ?

- Moi : Ouais, Jibou. T'es vers où dans le parking ?

- Jibril : Vers l'angle du bloc

- Moi : Ok, j'arrive

Je met fin au coup de fil et prend le chemin du parking... Je rejoins Jibril dans la voiture, puis nous prenons la route...
Il ne cessait de frapper sur le volant tandis que moi, je me mis à jouer avec mes doigts.

Une demi-heure plus tard, nous sommes arrivés dans un lieu que je n'avais jamais vu en réel... Cet endroit dans lequel l'âme de certaines personnes est bercée par la fanfare d'un DJ...

- Jibril : J'arrive, et surtout bouges pas d'ici !

Il descend tandis que moi, je scrute cet univers comme une spectatrice assistant à une mise à mort... C'est donc cette sphère que mes frères côtoient ? C'est ici qu'ils bougent en rythme avec le démon qui n'a pas raté l'occasion de leur marcher sur les pieds. Ce sont dans ces moments-là que je me dis que mon livre n'avance pas, je suis bloquée sur la même page par manque d'encre, englouti par Satan...

Quelques minutes plus tard, Jibril revient accompagné de Redouane qui a son bras positionné sur les épaules de Jibril. Celui-ci tentait si bien que mal de le maintenir debout.

Jibril me fait signe de lui ouvrir la portière arrière. Je sors alors mais en arrivant devant Redouane, j'ai comme un blocage...
Il me répugnait par cette odeur qui l'estropie à petit feu, qui lui permet d'ensevelir tous ces maux.
Sombre est ta doctrine, funeste sont tes nuits, j'aperçois dans tes yeux le liquide fervent de ton châtiment. Tu ne fais qu'approvisionner ton incinération...

Je ne lui dit rien... Seul mon regard prend la place de mes mots. Je lui lance un regard « scarface » qui parcourt sa rétine, son corps dépourvu d'armure. Il a maîtrisé le mal pour au final clamser sous les décombres...

Pendant la route, le silence battait son plein. Redouane s'était endormit.

Arrivée chez moi, je me dirige dans ma chambre et me dirige directement dans mon lit à cogiter sur les faits de cette longue soirée quand soudain, la porte de ma chambre s'ouvre...

- ... : Nessma ?

- Moi : Oui Jibou ?

- Jibril : J'te connais bien, ne t'prends pas la tête ok ? Dors bien et basta

Il referma la porte et je fermai les yeux...

Une demi-heure plus tard, je fus réveillée par la tonalité de mon portable car je reçus un message :

« Ness, demain matin viens en bas de chez moi, c'est important »




ALLAH dit :
{... Ne suivez point les pas du diable car, il est vraiment pour vous, un ennemi déclaré. Il ne vous commande que le mal et la turpitude et de dire contre ALLAH ce que vous ne savez pas. }
[ Sourate 2 - verset 168 ]


Nessma, ma vie en KilodramesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant