« Révolté, la vie active me fatigue, la vie facile me fascine, que le bonheur me fasse signe »
On a finit par être interrompu par mon réveil qui annonçait la fin de cette discussion et le début d’une nouvelle journée.
Jibou m’a promis de venir me chercher à la fac à la fin des cours...
Une nuit de plus, je n'ai pas trouvé le sommeil
A cause de cette mort qui t'a piqué telle une abeille
Cette mort a bu tout mon sommeil jusqu'à en finir la bouteille
Chaque nuit, mon sommeil se réveille
Si je pouvais au moins posé mon oreille
Sur mon coussin, ce serait une merveille
Si ces nuits-là, éveillées, me feraient gagnées un salaire, j'en aurais de l'oseille
J'espère que de La Haut, Yemma, tu me surveilles
Cette nuit est tout à fait semblable à celle de la veille...
Après m'avoir tenu compagnie toute la nuit, Jibou a très vite regagné le lit de Khadija, déserte par par la fuite de la réalité qui n'est pour moi que synonyme de lâcheté... Elle a poursuivit sa route vers un nouveau chemin, tracé de sa main gauche, comme si elle en était contrainte. Seul un marin ne peut plus poursuivre sa route car il ne peut pas lutter contre le vent... Mais, toi, Khadija, quel a été ton obstacle ?
Amour ? Le fichu mot de passe de ton cœur. Quant à moi, mon cœur s'est très vite clôt grâce à l'omniprésence de la mort...
Ton cœur ? Gâté puis pourri
Cœur pourri gâté par les délits corrodant de cet homme.
On dit souvent que « Ce qu'on a acquis très vite, on ne le garde pas longtemps »... Une phrase radieuse en totale adéquation avec la relation de Khadija & Soryan. Une histoire qui prend la forme de « Je l'ai regardé, il m'a regardé, nous avons directement su que nous étions fait l'un pour l'autre »... On se croirait au cinéma !
Soryan t'as ôte la lumière que tu détenais en soufflant la bougie... Tu t'es éteinte, tu as vu sombre et ton cœur a attelé battement par battement un filtre démoniaque te rendant mourante dans le monde du bien.
Je jette un dernier coup d'œil vers Jibril, il est tellement croquant quand il dort. Au passage, je lui prend sa gourmette et la met comme si elle allait pouvoir m'aider à vaincre cette nouvelle journée...
Je m'occupe des jumelles qui vont reprendre le chemin de l'école, ce matin.
En arrivant à l'école, je leur rappelle que c'est Jibou qui viendra les chercher :
- Sofya : Mais pourquoi ? D'habitude, c'est Khadija !
- Nahla : Oui ! Moi, j'veux pas Jibou ! Y'a que Khadija qui nous ramène un goûter et qui nous laisse jouer au parc
- Moi : Mais Khadija, elle peux pas aujourd'hui, mes chéries...
- Sofya : Elle est où ? Hier, elle était pas à la maison en plus
- Moi : Bah, elle a des choses à faire, elle est partie loin...
- Nahla : Elle est allée loin au Paradis, c'est ça ? Elle est partie chercher Yemma ?
Je bloque, ses questions sont un choque, je suffoque à l'intérieur de moi-même... Mes sensations ne sont plus qu'une colloque de frémissements incongrus et de crainte indécente. Je me retiens, une envie me presse, celle de crier que « Yemma est morte » mais leur fragilité emprisonne cette phrase, il m'est impossible de leur dire cette chose qui ne cesse de m'estomper, me faiblir à chaque battement de cil.
- Sofya : Eh ho Nessma ! On va arriver en retard
- Moi : Euh... Oui, d'accord, allez, on s'dépêche les filles !
Ma petite Nahla chérie, pense que Yemma fait un long voyage... Mais, elle ne sait pas qu'il n'y aucun retour possible...
Je prend le chemin de la fac tout en méditant sur cette damnation, ce cafard qui a culbuté avec brio mon mode de vie... Cette vie devenue un mode de mort, qui m'a ôté mon réconfort et qui m'a jeté un sort, je fais tant d'efforts pour maintenir mon cœur fort, j'avais tort de penser que la vie était d'or...
J'arrive à l'amphi avec un peu de retard. Je vois les Souran assis côte à côte, il n'y a plus de place pour moi à leur côté, je me dirige donc vers le fond et m'assoie seule... Seule avec ma solitude m'accompagnant à bras ouverts vers la piste de course où la plus grosse larme arrive en première...
Tout en cogitant, je repère une senteur qui m'est familière... Ce parfum, je le reconnais, c'est celui de Omran :
- Omran : Wesh, tranquille Ness ?
- Moi : Euh... Bah oui. Pourquoi tu viens ici ?
- Omran : Waah ! T'es directe toi hein ! Bah tranquille, j't'ai vu toute seule alors j'suis venu te tenir compagnie
- Moi : Ouais mais pas besoin hein. On est en cours, j'ai besoin de la compagnie de personne, tu sais...
- Omran : Eh, fais pas la meuf sure d'elle avec moi !
Je n'y prête pas attention.
Je me met à écrire le cours mais mes pensées sont ailleurs... Mon stylo pleure, l'encre qui n'est d'autre que des larmes coulent sur cette feuille... Cette feuille, un champ de bataille où je retrouve, au beau milieu, mon cœur meurtri tentant de survivre face à cette fatalité.
Ces larmes me tuent, cette mort m'enterre.
- Omran : Jibril, c'est ton mec ?
- Moi : Hein ? Comment tu sais ?
- Omran : Ah ok
- Moi : Nan mais je voulais dire comment ça s'fait que tu l'connais ?
- Omran : Bref, que du bonheur hein...
- Moi : Mais j'suis pas avec lui !
Omran : Ouais ouais, t'inquiètes ! Ma3lish (*Pas grave*), tu fais c'que tu veux de ta vie Nessma
Hein ? Mais que lui arrive-t-il ? Pourtant, il m'appelle toujours « Ness »...
- Moi : C'est pas mon mec, c'est mon...
- Omran : C'est bon, t'as pas besoin de te justifié, on va pas tourner autour du pot
Je ne répond pas. Il a bien raison, je n'ai pas à me justifier.
La minute d'après, je l'entend marmonner à voix basse quelques paroles : « Elle s'fou d'ma gueule là-celle. La meuf, elle porte la gourmette avec écrit Jibril et elle vient m'sortir des disquettes... »
Moi : Nan mais vas-y, ne t'gênes pas Omran. T'aurais pu m'le dire bien avant que c'était à cause de la gourmette... Jibril, c'est mon cousin
Cette fois-ci, c'est lui qui ne m'a pas donné de réponse.
Je le trouve de plus en plus énigmatique, il a un regard magmatique et magnétique à la fois...
Pendant tout le reste du cours, il s'acharnait à écrire le cours violemment avec une étreinte pleine de furie à pleine batterie, emmagasinant des calories de sauvagerie.
Fin des cours. Je m'empresse de sortir pour enfin assoupir mes pensées, amoindrir le poids de mes veines, m'assortir à un enjouement, dégarnir la masse sombre de spleen, débâtir le mur de ce tourment...
Mes pupilles se baladent dans chaque recoin à la recherche de Jibril... Je le vois enfin dans sa voiture. Je m'empresse de monter à ses côtés afin de le prendre dans mes bras.
- Jibril : Oh doucement, Ness ! Y'a pleins de jolies femmes devant ta fac, après elle vont croire que j'suis pas célib. Ahah !
- Moi : Et bien, tant mieux mon Jibou !
Il démarre pour prendre le chemin de la cité.
Après à peine cinq minutes de trajet, je reçois un message de Soumaya :
« Tu m'as trop pris pour un bouffon, affiche toi bien avec ton hlel. Gatlek (*Elle a dit*), c'est mon cousin. Toz »
J'ai toute de suite remarqué que ce message venait d'Omran car il n'avait pas mon numéro. Désormais, il pense que je suis une menteuse qui se cache pour aller voir son amoureux... Bientôt, il se mettra à m'assimiler à une kehba (*pute*) peut-être.
Son attitude me paraît si indiscernable, si insondable, bourrée de mystères...
- Jibril : Il t'arrive quoi ? Tu fais une tête zarre-bi
- Moi : Ah... Bah rien, rien du tout
- Jibril : T'es sur ? Ton keum te menace de message ahah
- Moi : Nan, j'en ai pas déjà
- Jibril : Ah d'accord, tranquille
- Moi : Pourquoi ?
- Jibril : Bah vu la tête que tu fais quand t'as regardé ton tel wesh
Omran pense que je sors avec Jibou et voilà que maintenant, Jibou pense que Omran est mon mec...
On arrive enfin à la cité, je sors de la voiture et commence à marcher vers mon bloc mais Jibril reste dans sa voiture :
- Moi : Bah, tu viens pas ?
- Jibril : Nan, j'ai des choses à faire. J'rentre plus tard, t'inquiètes
- Moi : Ok. Essayes de chercher Khadija, en même temps, s'il te plaît. Elle me manque vraiment
- Jibril : Oui, t'inquiètes pas pour ça, je gère. Vas-y, j'te laisse, fais balek (*attention*) à toi
En cette saison hivernale, la nuit est déjà tombée. Cette nuit, les charmes de la rue en feront tomber plus d'un derrière les barreaux à snifer leurs remords.
Frères tombés, mère chambardée, père bousillé, cité ravagée...
A la tess, on connaît tous la sécheresse de gaieté, la caresse hypocrite des traitresses, la délicatesse de la tise, la faiblesse des thugs.
La tess est leur maîtresse, leur coke est leur richesse, les billets violets sont leur sagesse, leurs kehbas sont leur noblesse.
La bicrave comme sous-emploi, le bonheur comme désarroi, l'euphorie comme effroi, tenir les murs comme plein-emploi, l'échange de poudre comme tournoi, un business hors-la -loi... L'Enfer au bout des doigts !
Face à cela, je suis en détresse, on m'oppresse, on me compresse...
Arrivée quasiment à mon bloc, je sens une présence derrière moi, je n'y prête pas attention. J'admire les couleurs de la nuit mais je sens qu'une main vient se poser sur ma bouche, m'empêchant d'en sortir tout son, l'autre bras vient encercler mes bras pour ainsi me bloquer et éviter toutes tentatives de fuite...
Certes l'Islam incite à bien maintenir les liens de parenté afin de raffermir les relations de proximité et d'étendre la bonne entente et l'affection entre les musulmans. Un jour un compagnon a interrogé le prophète (Salla Allah ‘alayhi wa Salam) en disant : "Ô Messager de Allah, indique-moi un acte par lequel, en le faisant, j'entre au paradis". Il a répondu: "Donne à manger, maintiens les liens de parenté, accomplis la prière de nuit pendant que les gens dorment, tu entreras au paradis en paix".