« A la ramasse, on veut pas montrer qu'on flanche
Car le regard de l'entourage est la pire des armes blanches »
Le sourire se métamorphosa comme une sorte d'empreinte tout en immortalisant les vestiges des larmes versées au cours de cette longue année... Un long périple parsemé de failles s'est déployé dans ma vie comme un coup de tonnerre et j'ai enfin pu trouver une délivrance, un éclair de gaieté si vivement attendu.
J'aurai aimé partagé la naissance de cette euphorie avec toi, te délivrer, à ton tour, de tes cendres si ardemment bâillonner en poussière...
Ce matin, en arrivant à la fac, je prend place mais je ne vois ni Soumaya, ni Jihène... Je me retrouve seule face à mes feuilles. Je me met à penser comme toujours à mes frères croulant en infâmes débris cachant le reflet d'un éclat de lumière bien trop faible en lueur, seul vos billets viennent jouer le rôle de déshonneur... Si je ne peux plus ouvrir mon cœur à ma sœur, je l'ouvrirai à ma fureur...
Fin des cours.
Je laisse un message à Soumaya... Il faut dire que, depuis quelques temps, son attitude m'inquiète... Soumaya a pris la forme d'une femme qui s'est fait fustiger par les maléfices funestes de la vie. Elle est devenue la nouvelle proie des espiègleries de l'existence, elle s'est fait berner la main dans le sac... Mais quel a été le piège ? Je l'ignore totalement... Elle ne cesse de vivre dans le silence le plus dogmatique, lui coûtant un circuit éventrant. Elle porte une oreille attentive à son cœur qui ne cesse de faire des siennes et Soumaya cède à tout en oubliant les besoins de son système nerveux...
« Il faut toujours que de la tête au cœur, l'itinéraire soit direct. »
Je sors de la fac... Pas de Omran à l'horizon. Je marche un peu plus loin en traînant des pieds. Je contemple les étudiants profiter du moment présent, de petits couples,... Soudainement, quelqu'un me saute dessus et pose ses mains très rapidement sur mes yeux de sorte à m'ôter toute vision...
- Moi : C'est bon, Omran, retires tes sales pattes, je sais que c'est toi
- … : Nan, nan ! C'est pas ton Omran
Je reconnais très vite une voix de femme... Je me retourne alors :
- Moi : Ah, Jihène ! Bah alors, pourquoi t'es pas venu à la fac ce matin ?
- Jihène : Haha !
- Moi : Vas-y, dis-moi tout cachotière !
- Jihène : J'étais avec Kader !
- Moi : Hein ? C'est qui hada (*celui-là*) ?
- Jihène : Bah mon mec 3egouna (*idiote*) !
- Moi : Attends... Nan mais hier y'a pas Fouad qui est venu te chercher en gova après les cours, même tu m'as dit toi-même c'est ton mec !
- Jihène : Nan en sah (en *vrai*), celui d'hier, c'est un mec juste comme ça...
- Moi : Comment ça « juste comme ça » ?
- Jihène (en posant sa main sur mes épaules) : Waah Ness, relax ! Ze3ma (*Genre*), le mec-là, bah pour lui on est à deux mais pour moi y'a foye, j'suis avec Kader... Tu comprend ?
- Moi : Euh, non, pas vraiment ! … Pourquoi t'es avec l'autre si toi tu veux pas d'lui ?
- Jihène : Il m'les casse wAllah ! J'aime pas, il hnine puissance 1 000, un chwia (un *peu*) canard sur les bords, j'aime pas. Le mec, il veut pas comprendre que j'veux pas d'lui mais vas-y, tant pis. Au moins, dès que j'ai besoin de lui, il est là, comme hier
- Moi : Euh, ouais mais tu devrais lui faire comprendre que t'es avec un autre
- Jihène : Pff... Nan mais Ness, même si j'lui dis, il continue à me tourner autour. Mais vas-y, relax ! On s'en fou...
- Moi (en rigolant) : Jihène, t'es pas normale toi !
- Jihène : Nan mais tu serais à ma place, tu ferais quoi wesh ?
- Moi : Nan mais j'parle pas d'ça ! Tout l'temps, tu dis « relax », même quand t'es dans la merde
- Jihène : Ah ouais, relax ! Bon, vas-y, j'te laisse Nessbatata
Elle s'en va tandis que moi, je me met à marcher vers le banc le plus proche afin de m'assoir en attendant Omran... Je marche en équilibre, comme si ma vie était instable, je veux vivre cette vie inaliénable, je veux que mes larmes soient sur mon corps imperméables, je veux trouver un bonheur inconnaissable, je veux pressurer ce supplice irritable,...
- … : OW NESSMA !
- Moi : Euh, oui ?... Ah Omran ! Il était temps !
- Omran : Toi, il était temps que tu t'réveilles. Ca fait dix piges j'cris ton prénom dans l'trottoir d'en face. J'ai été obligé de traversé pour Miss Beyoncé
- Moi (en le narguant) : Ah désolé mon chou
- Omran (en esquissant un petit sourire) : Ouais vas-y, 3afrita (*maline*), on va au McDo
Nous nous rendons au McDo le plus proche et nous installons au deuxième étage vers les tables au bord de la grande vitre donnant une vue sur les rues de la capitale.
- Omran : J'arrive, j'vais commander
J'acquiesce d'un mouvement de tête... Je jette un coup d'œil sur mon téléphone mais aucune réponse de Soumaya...
Une vingtaine de minutes plus tard, Omran revient avec les plateaux :
- Omran : Waah ! Elle m'a vener la meuf ! J'lui demande un Mac Fleury, elle me ramène un Sundae !
- Moi : Omran, relax !
- Omran : Allez, manges
Une quinzaine de minutes plus tard, je sursaute en sentant une personne sauter sur moi :
- … : Nessbatata , me revoilà ! Avoues t'es heureuse de me revoir ?
- Moi : Ah Jihène ! Ah j'savais pas que tu passerai par là
- Jihène : Et ouais ! J'peux m'assoir ou j'vous dérange ?
- Moi : Nan vas-y, restes avec nous
- Jihène : Si vous voulez rester ze3ma (*genre*) entre amoureux, je comprend. C'est lui Omran nan ?
- Moi : Nan mais Jihène...
- Omran (en m'interrompant) : On est pas en couple ou heja (*autre chose*), c'est ma pote Ness
- Jihène : Ah ok, j'pensais
Je n'avais qu'une seule envie... Passer Jihène à tabac, lui démanteler sa langue. Elle m'a fourré dans une situation très embarrassante ! Elle a bel et bien dit « C'est lui Omran nan ? »... Désormais, Omran va se mettre à penser que je parle de lui...
- Jihène : Oh, Ness, relax. Me regardes pas comme ça... J'ai pensé ça parce que...
- Moi (en l'interrompant) : Nan Jihène, ma3lish (*c'est pas grave*) ! Ne te justifies surtout pas, parles plus même c'est mieux
- Jihène : Ok, c'est bon, relax
- Omran : Ness, je vois d'où tu sors ton « relax » de tout à l'heure !
Nous finissons de manger... Jihène reçoit un appel et s'écarte de notre table.
Bon, c'est le moment de lui demander...
- Moi : Euh, Omran ?
- Omran : Ouais ?
- Moi : J'veux t'demander un truc mais réponds moi avec sérieux
- Omran : Oui, vas-y
- Moi : Ok, j'ai vraiment besoin d'une réponse parce que ça m'inquiète vraiment
- Omran : Ouais Ness ! Arrêtes de tourner autour du pot, sois directe
- Moi : En fait, c'est par rapport à Sou
Derrière son visage, je décolle une pointe de désespoir... Peut-être s'attendait-il à autre chose ?
- Omran : Ouais, bah quoi ?
- Moi : Bah écoutes, ces temps-ci, je la sens perdue, très perdue, elle n'est plus la même, elle s'absente de plus en plus souvent. J'en peux plus de la voir comme ça sans que je ne lui vienne en aide ! J'ignore complètement la cause de tout ça, j'me sens inutile là !
- Omran : …
- Moi : Oh Omran ! J'te parle là
- Omran : Hum, j't'écoute
- Moi : Je sais pas ce qu'il la rend dans cet état, faut que tu m'aides, c'est notre ami, on a pas le droit de la laisser comme ça
- Omran : Ouais
- Moi : Omran t'es sérieux ? T'as que ça à dire ? Parles si tu sais quelque chose ! Aujourd'hui, elle devait manger avec nous nan ? Moi, elle m'a pas prévenu qu'elle ne viendrait pas
Soudain, Jihène nous a interrompu :
- Jihène : Merde, j'ai la poisse
- Moi : Pourquoi ?
- Jihène : J'ai eu ma mère au téléphone. Elle m'a dit qu'elle va rentrer tard aujourd'hui et j'ai pas mes clés
- Moi : Bah je t'invite chez moi si tu veux
Je me lève alors en lançant un regard à Omran dont il a très vite décrypté la signification et je lui lâche un « Toi et moi, on en a pas fini »... Il me regarde à la fois indécis et scrupuleux, il sens déjà le parfum des aveux que je veux goûter, cette odeur si amer que Soumaya déguste à grosses bouchées...
Je prend mon sac et sors du McDo avec Jihène...
Durant le première moitié du chemin, elle était au téléphone avec Fouad...
Je reste bouchée bée face à l'envergure de ses propos. Elle lui lance des « Euh, c'est bon t'as finis ? J'ai pas tout ton temps là », « Oui, je sais que tu m'aime coco, c'est bon »... Cet homme doit être victime du sortilège de l'amour pour tout céder à Jihène.
A notre arrivée à la tess, elle coupe enfin son téléphone...
- Moi : Jihène, t'as une grande bouche, tu sais pas faire attention à tes propos
- Jihène : Nan mais laisses, j't'ai dit il est relou
- Moi : Nan, j'fais pas allusion à ça. Pourquoi t'as dit « Si vous voulez rester ze3ma (*genre*) entre amoureux, je comprend » ? Au contraire, t'as rien compris ! T'es folle d'avoir dit ça
- Jihène : Ah si si ! J'ai tout compris cocotte... Moi j'suis pas folle mais peut-être que quelqu'un d'autre hein
- Moi : J'comprend rien là
- Jihène : Omran !
- Moi : Ouais, bah quoi ?
- Jihène : J'en suis sure il est fou de toi wesh !
- Moi : Jihène, sah, prend toi l'mur
- Jihène : Relax ! Ok, balek (*peut-être*) j'ai un chwia (un *peu*) exagéré mais j'crois il te keaf
- Moi : En fin d'compte, prends toi un bus
- Jihène : J'suis sérieuse ! Putain, réveilles toi Ness ! T'as pas remarqué comment il te regarde avec ses yeux là ?
- Moi : Oui bah oui, normal hein, il me regarde avec ses yeux
- Jihène : Bref, moi je t'ai prévenue hein. Si demain il te déclare sa flamme, tu verras qu'c'est Jihène qui a raison comme toujours
Nous sommes arrivées dans le hall et pendant que nous montions les escaliers, Jihène poursuit :
- Jihène : Nan mais sah, Ness t'as pas remarqué son regard ?
- Moi : Jihène, il me regarde comme il regarde tout l'monde. Tu t'fais des films, BASTA !
- Jihène (me regardant avec un petit air taquin) : Vas-y Ness ! Tentes ta chance ! En plus, ça va, il est beau gosse ( en m'agitant) SORS AVEC LUI WESH !
Je lui arrache ses mains de mes bras puis continue de monter les escaliers quand soudain, je vis Jalil descendre les escaliers à toute vitesse...
Je lui ai lâché un timide « Salam » par simple politesse mais il m'octroya comme unique réponse, un regard de ciel couvert, lugubre...
"Ce que la voix peut cacher, le regard le livre."
Après que Jalil nous ait dépassé, Jihène ouvrit encore sa bouche :
- Jihène : Un salam, ça s'rend
Pouquoi faut-il toujours que Jihène ouvre sa bouche ?
Jalil se retourne furtivement et la regarde... Je ne décelle aucune expression à la vue de son visage mais le pire peut toujours surgir...
- Jalil : Euh, j'ai cru entendre quelque chose là
- Jihène : Bsahtek khouya (*Félicitations mon frère*)
- Jalil : Commences même pas à faire la maline avec moi, toi ! J'te connais pas mais j'hésiterai pas à t'faire saigner
- Jihène : Tu veux savoir comment on appelle chez moi les hommes qui se permettent de lever la main sur une femme ?
- Moi (en la tirant vers moi) : Jihène, ça suffit ! Allez, on y va !
- Jalil : Nan laisses-là. On va voir si elle a va assumer... Vas-y, parles !
- Jihène : On les appelle des PD, des zemel, des tahanes. T'as l'choix en plus
Le visage de Jalil se métamorphose et prend le costume d'une bête sauvage ayant trouvé sa proie... Je me met à pincer Jihène mais elle a l'air sure d'elle, elle ne se préoccupe pas des conséquences, elle vit au jour le jour sans se soucier du lendemain...
Jalil remonte les quelques marches qui nous séparaient de sorte à se retrouver à quelques centimètres de Jihène... Il l'attrape par le poignet tandis que Jihène garde la tête haute... Elle me surprend...
- Jalil : Alors moi j'suis un zemel ?
- Jihène : Très bon choix. Vas-y, viens Ness, on s'barre
Jalil se met à lui serrer de plus en plus fort le poignet... Je perçois que Jalil tente de garder son sang froid car je le sais, il pourrait très bien la tenailler, la vitrioler en ne lui laissant qu'un souffle très dérisoire...
- Jalil (la pointant de son index) : Crois pas j'en ai fini avec toi ! Là j'ai des choses à faire mais mets toi bien ça dans l'crâne. Moi, Jalil, personne n'a de dettes envers moi, tu vas tout payer !
- Jihène : Relax, crois pas...
- Jalil : Fermes ta gueule ! (en me pointant du doigt) Et toi là, surveilles tes SALES fréquentations !
Jalil avait bien insister sur le mot « sale »... Ce simple adjectif astreint Jihène à répliquer... Une sorte de jeu s'était installée, chacun contre-attaquer l'attaque de l'autre...
- Jihène : Ow ! C'est toi le khamej (*crasseux*). Calmes-toi, poto !
- Jalil : Sem3i (*Écoutes*), vaut mieux que tu fermes ta putain d'gueule avant que tu t'prenne le poteau ! Guetlek (*Elle a dit*) poto... Pff, vas-y, j'me casse
J'ai tiré Jihène pour enfin me débiner de cette situation...
Arrivées chez moi, Jihène était toujours en train de râler face à l'attitude de Jalil...
- Jihène : TFOU ! Connard, PD ! Il m'a niqué le bras, il a trop cru j'allais faire la faible face à lui !
- Moi : Jihène, t'es folle ! Tu m'as fourré dans un sale pétrin
- Jihène : C'est bon, relax, j'ai rien fait d'mal
- Moi : Jihène, j'en suis sure et certaine qu'il a entendu quand tu parlais d'Omran ! J'te préviens que tu criais « Allez sors avec lui »
- Jihène : Ma3lish (*C'est pas grave*)
- Moi : Jalil, c'est le meilleur pote de mon frère. S'il lui dit ce qu'il a entendu, j'suis morte... Bref, fais comme chez toi, j'vais dans la cuisine
Je vais dans la cuisine pendant que Jihène reste dans le salon à contempler les cadres-photos posés sur la commode...
- Jihène : Waw ! Elles sont magnifiques les jumelles sur cette photo Ma sha Allah
- Moi : Merci, je les aime mes trésors !
- Jihène : Ah et la femme sur l'autre cadre photo, elle est belle
- Moi : Ah ça doit être Khadija. Tu t'rappelles je t'avais parlé d'elle, c'est ma grande soeur
- Jihène : Ah ouais, elle te ressemble vachement
- Moi : Euh non, tu rêves là ! T'es la seule à le penser alors
- Jihène : Ness, relaxes ! T'as le droit de ressembler à ta sœur
Elle arrive dans la cuisine :
- Jihène : Nan mais sah, elle a les même yeux que toi aussi
- Moi (en lavant la vaisselle, dos à elle) : Jihène, là tu t'fous vraiment de ma gueule... (en me retournant face à elle) C'est pas possible Khadija, ses yeux...
Tout autour de moi s'obscurcit, le spleen prend sa place habituel et me meurtri, l'allégresse est en sursis, j'extériorise ma damnation avec des mots en guise de raccourci...
- Jihène : Ness, ça va ? Y'a un soucis ? Je sais que j'suis belle mais relaxes, baves pas sur ma gueule
- Moi : Nan pas du tout
- Jihène : Ouais bref, j'vais reposer la photo
- Moi : Euh... Jihène ?
- Jihène : Ouais ?
- Moi : En fait, sur la photo...
- Jihène : Ouais ?
- Moi : C'est pas Khadija
- Jihène : Ah ouais ? C'est qui alors ?
En te regardant, je pense à chaque jour qui passe en ton absence, chaque nuit, loin de moi, chaque minute, le désespoir égruge l'espoir de te savoir fière de moi mais je vaincrais, chaque seconde de ma vie, pour surpasser ta mort et entendre le son de ton rire qui se fait lointain...
J'ai placé une barrière à mes larmes, je fais donc baver de l'encre comme antidote. Je suis hantée par la confusion, entre damnation et euphorie, je suis partagée... Entre avouer et cacher la vérité, je suis partagée mais j'ai fait un choix...
- Moi : …
Il était une fois un homme très pauvre qui vivait avec son épouse. Un jour, son épouse, qui avait de longs cheveux, lui demanda de lui acheter un peigne pour parvenir à se coiffer. L'homme, très désolé, lui dit qu'il n'avait même pas assez d'argent pour réparer le bracelet de sa montre qu'il venait de casser. Émue elle aussi, elle n'insista pas pour sa demande.
L'homme alla à son travail en passant chez l'horloger. Il lui revendit sa montre abîmée à bas prix et s'en alla acheter un peigne pour son épouse.
Le soir, il revint à la maison, le peigne dans la main, prêt à l'offrir. Quelle fut sa surprise lorsqu'il vit que son épouse s'était coupée les cheveux très courts, les avait vendus et tenait en main un nouveau bracelet de montre.
Des larmes coulèrent simultanément de leurs yeux, non pas pour l'inutilité de leur acte, mais pour la réciprocité de leur amour.