"La vie, une rose dont il faut accepter les épines
Mais la mienne est fânée, arrosée par le bout de mes larmes..."
Mon frère, quand vas-tu comprendre que Dieu nous comble de ses bienfaits à tout moment ? On a, certes, perdu le ciment de notre famille mais on tiendra bon, on tiendra pour Yemma. Mais je me demande chaque soir, quand est-ce que tu vas comprendre que l'haram (*l'illicite*) ne t'amènera rien, que tu ne construiras pas ta maison au paradis avec ces sales illet-bi.
- Yassine : La chance d'être né dans ce quartier ? Mais sah, Nessma, sort de ton monde teh les bisounours hafek. Tu me rends fou à croire que la vie est toute rose.
- Moi : Elle est certainement pas rose mais arrête de croire qu'il y'a que toi qui le vit mal. Tends l'oreille, tu pourras entendre Baba pleurer le soir, ouvre les yeux, tu pourras voir le désespoir sur nos visages. Arrêtes de penser qu'à toi, tu es si nombriliste.
- Yassine: Zeubi, t'aimes trop faire la gawria (*française*). Parles-moi français. Je vais me ranger, t'inquiètes pas, d'ici là, je vais éviter de me faire péter.
- Moi: Ouais, fais ta vie mais saches que la mort n'attend pas.
- Yassine: J'ai remarqué ça. Elle a pas attendu pour m'enlever la femme de ma vie, cette chienne m'a retiré la prunelle de mes yeux. Sans elle, je vois flou, c'est pour ça que j'ai succombé au charme de cette rue. Bref, Nessma, excuse-moi pour la dernière fois dans le hall.
On était arrivé au quartier, on est descendu, il m'a raccompagné à la maison et il devait prendre un "truc" au passage pour Jalil par la même occasion.
- Moi: Tranquille, une douleur de plus ou de moins ce n'est rien.
- Yassine: Allez, viens là
- Moi: Où ?
- Yassine: Bah dans mes bras 3agouna (*idiote*)
J'étais choquée de voir que, finalement, Yassine avait toujours un cœur qui battait dans son thorax. Je n'ai pas hésité et je me suis blottis dans ses bras, un peu de réconfort ne me ferait pas de mal après tout. J'étais si bien dans le creux de son bras que je fus submergée par de nombreux souvenirs notamment ceux de notre enfance. En effet, j'avais tout pour être heureuse, j'ai eu grâce à Dieu une enfance magnifique; pleine de rêve, d'amusement et surtout d'amour. J'avais l'amour d'un père, d'une mère et de mes frères et soeurs... Je vivais une vie d'gamine sans soucis mais la réalité m'a vite rattrapé en même temps que les années et les galères se sont enchainées. Ceci dit, je n'oublie jamais de dire "El Hamdoulilah", tout ce que j'ai pu que je n'ai plus n'est que Grâce de notre Seigneur. Dans la pire épreuve, il y a du bien... J'en suis persuadée.
Une fois arrivée à la maison, j'étais étonnée de voir que Khadija s'était occupée de tout, du diner, de la vaisselle, des petites. Une soirée de répit pour moi.
Le temps passait toujours aussi vite, ma douleur ne s'estompait pas mais était masquée par mon sourire. J'ai appris à mesure de patience que je pouvais vraiment compter sur Soumaya et Omran. C'est fou comme en si peu de temps on peut s'attacher; cela dit, la méfiance reste mon ombre. J'ai d'ailleurs fini par leur avouer la cause de mon mal-être.
Une journée de cours comme les autres se profilait à l'horizon. Nous étions en cours, je rêvassais dans mon coin tandis que les deux rigolos se chambraient et se chamaillaient.
A un moment, un élève nous a regardé et m'a adressé une phrase blessante car je n'avais pas fait attention au discours du professeur. Omran s'est interposé entre lui et moi comme un preux chevalier mais c'était sans compter ma fougue. Je n'ai pas mâché mes mots et je ne suis pas passée par quatre chemins, je lui ai clairement fait comprendre que je n'étais pas de son avis mais là, il a prononcé la phrase de trop, celle qu'il ne faut surtout pas prononcer en ma présence et encore moins en me l'adressant. Il s'est levé, m'a fait face et m'a dit :
- Écoutes-moi bien sale p'tite conne, nique ta mère, la pute. Si t'es pas contente, je règle ça comme un bonhomme.
J'ai, d'abord, été choquée par ses propos, comment peut-on salir une mère qui n'est d'ailleurs pas la sienne ? Comment peut-on se permettre d'adresser de si vilaines paroles sur la mère d'une tiers personne ?
J'ai perdu ma mère et j'aimerais tellement pouvoir la serrer dans mes bras une dernière fois mais, hélas, ce rêve se réalisera peut être un jour dans la demeure du Très-Haut mais, en attendant, je ne supporte pas qu'on touche à ma mère. Je ne suis plus maître de mes actes. Pour cause, je lui ai sauté dessus et je me suis mise à l'étrangler jusqu'à ce que Omran ne m'arrache a lui.
Nous sommes sortis et ma rage s'est liquéfiée, ma haine est devenue des perles salées. Je ne supportais plus cette situation. Je ne voulais qu'une chose: revoir ma mère, lui dire d'excuser cet ignorant qui ne sait pas ce qu'est la douleur de perdre celle qui nous a abrité en elle pendant 9 mois.
Omran me fixait. Non, je t'en supplie ne m'adresse pas ce regard de pitié, ne me regarde pas comme si j'étais une estropiée.
- Omran : Je pense que tu devrais nous expliquer ce qui te tracasse Ness.
- Moi : J'ai pas envie de parler
- Omran : D'accord
Il s'adossa contre le mur face à moi. Pour vous illustrez la scène, nous étions dans un couloir assez étroit, j'étais adossée contre le mur et lui contre le mur d'en face. Il me regardait, je fuyais son regard. Je pouvais y lire la pitié et je n'aime pas qu'on me prenne en pitié, c'est une chose que je ne supporte pas encore moins qu'on me dise "Oh ma pauvre".
- Moi : Elle est où Sou?
- Omran : Je sais même pas
En effet, les larmes avaient, certes, obscurcit ma vision mais j'avais remarqué qu'elle n'était pas là... Mais, en parlant du loup, la voilà arriver.
- Omran : Tu faisais quoi ?
- Soumaya : Je lui ai remis les points sur les I à cet imbécile. Sinon ma belle, qu'est-ce qu'il t'a pris ?
- Moi : …
- Omran : Elle veut pas en parler
- Soumaya : Ok
Nous sommes restés une bonne demi-heure comme ça, assis sans dire un mot mais je ne pouvais plus. S'en était trop, je voulais partager ma peine avec quelqu'un et à défaut de la partager avec ma meilleure amie Souheila, je pourrais peut être trouver chez Sou et Omran une oreille attentive.
- Moi : Je ne supporte pas qu'on insulte ma mère, c'est plus fort que moi
- Omran : Bah comme tout l'monde...
- Moi : Ta mère est morte ?
- Omran : MAIS NON POURQUOI TU DIS ÇA ?
- Moi : Parce que la mienne oui, voilà pourquoi je ne supporte pas cette insulte et, peut être, encore moins que les autres
J'ai pu lire, à nouveau, dans leur regard de la pitié, de la tristesse mélangées à de la compassion. Ils sont venus et m'ont enlacé dans leur bras, j'étais bien. Je me sentais en sécurité... Si seulement Souheïla m'avait soutenu comme ces deux-là ont pu le faire et, pourtant, sur l'échelle de l'amitié, ils sont pas très haut de par leur récente apparition dans ma vie.
- Soumaya : Tu sais ma puce on est là nous. Tu aurais dû venir nous en parler, on aurait certainement mieux compris ton comportement
- Omran : J'ai honte... Toutes les fois où je parlais de ta mère et toi qui n'osais rien me dire
- Moi : Mais c'est moi, j'étais pas prête, je voulais pas qu'on me prenne en pitié
Par la suite, je leur ai expliqué tout : Du cancer, au Maroc, à son décès, à notre situation familiale. A mon récit, s'est mêlé de douces larmes. De tristesse de me remémorer tout ça, ne me faisait pas du bien mais c'est un travail de mémoire. J'ai pris conscience ce jour-là qu'en parler m'éviter d'oublier. Et de joie, la joie d'avoir enfin trouver des épaules attentives à mes pleures.
Quelques minutes plus tard, Soumaya a dû retourner en cours et nous a donc laissé seuls, Omran et moi. Nous avions discuté de tout et de rien et là il...
Abdoullâh Ibn Amr (radhia Allâhou anhou) rapporte que le Prophète Mouhammad (sallallâhou alayhi wa sallam) a dit: "Parmi les plus grand péchés, il y a le fait qu'une personne insulte/maudisse ses parents." Les compagnons (radhia Allâhou anhoum) dirent: "Ô Messager d'Allah ! Un homme peut-il insulter/maudire ses parents ?" Il répondit: "Oui. Il insulte le père de quelqu'un d'autre, et ce dernier (en retour) insulte son père. Et il insulte la mère d'autrui, qui, en retour, insulte sa mère." (Boukhâri, Mouslim)