« Ils ont promis monts et merveilles, mais les merveilles se sont envolées »
Les examens approchent à grand pas, mon assurance prend la fuite, mes connaissances s'envolent à mesure que l'échéance arrive...
Mises à part les révisions acharnées ma vie avait plus ou moins repris son train-train quotidien. Mes journées étaient ordonnées pas un planning de révision que je me devais de suivre à la lettre. Jihène venait donc très souvent à la maison pour que l'on s'aide mutuellement dans nos révisions...
- Moi: Jihène t'es avec moi ? Ça fait cinq minutes que je te demande une définition...
- Jihène: Quoi ? Pardon j'étais ailleurs.
Je fais suivre son regard par le mien et je vois dans son champ de vision Redouane en short se servant à manger dans la cuisine, voilà donc la cause de sa déconcentration. Mes doutes se transformaient en certitude un peu plus chaque jour, je n'attendais plus que ses aveux...
Je n'imaginais guère Redouane et Jihène ensemble, ils sont si... différents et à la fois si semblables que j'en viens à envier leur relation. "Je t'aime moi non plus", "suis moi je te fuis, fuis moi je te suis", "les opposées s'attirent", à eux seuls ils jouaient sur chaque tableau…
Je me rappelle d'un soir où Jihène était venu dormir à la maison. Tard dans la soirée, elle était partie se chercher à boire dans la cuisine mais elle n'est jamais revenue. Donc je prends mon courage à deux mains, je me lève malgré que la paresse ankylosait mes membres pour voir si elle ne s'était pas perdue en route. En effet, elle s'était perdue dans la chambre de Redouane. J'écoutais leur conversation discrètement derrière la porte, ils s'amusaient à se chercher, se rendre jaloux l'un l'autre avec pleins de non-dits... J'assistais à la scène ébahie, Redouane était si doux et Jihène si calme en comparaison à son tempérament naturel... J'ai donc décidé d'aller me recoucher. Le lendemain les deux se lançaient des regards complices et moi intérieurement je souriais car j'étais au courant...
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Les mois défilent, les examens sont passés, finis, bouclés, je peux enfin respirer... Je ne sais pas si j'ai géré, Dieu seul sait, je place ma confiance en Allah. S'il y a bien une chose que j'ai apprise ces dernières années c'est de toujours s'en remettre au Tout-Puissant, si ce n'est pas Lui qui nous donne la réussite qui pourrait bien nous la donner ? Si j'ai bien assimilé une chose c'est celle là, tout est Grace de Dieu, tout est un bienfait même la pire épreuve. Si mon frère n'avait pas coulé dans les vices de la rue je n'aurais certainement jamais connu Jalil, un exemple parmi tant d'autres qui me font remercier les épreuves de la vie…
Il était temps de retourner au pays, de retourner aux sources, de retrouver mon cœur enraciné six pieds sous terre. Dans quelques semaines, à nous Marrakech…
En attendant ce voyage que j'espérais depuis longtemps, Khadija et moi avions eu une discussion concernant un choix important...
- Khadija: Nessma faut vraiment que je te parle.
-Moi: Oui je t'écoute Oukhty (*ma sœur*).
- Khadija: Je crois qu'Allah m'a enfin envoyé un signe.
Je m'installe à coté d'elle, je lui saisis la main de peur que ce signe soit négatif, sait-on jamais, je me dois de la rassurer comme je peux…
-Moi: Alors?
- Khadija: J'étais à la mosquée vendredi dernier, après la salat (*prière*) un homme a pris la parole et a posé une question à l'imam... Il lui a demandé "Comment peut-on réparer le cœur brisé d'un croyant ?". L'imam lui a répondu que la meilleure façon était de demander pardon à Allah Azzawajel pour le mal commis, qu'Il donne à ce croyant la force nécessaire de pardonner à cet autre croyant qui lui a fait du tort...
- Moi: Et donc?
- Khadija: Hier soir j'ai rêvé de Soryan soufflant sur mon cœur placé dans sa main, implorant Allah de lui pardonner le mal commis, de me donner la force nécessaire pour lui pardonner...
Sa voix était rythmée par les brisures de son cœur, chaque intonation était différente de la précédente. Son discours me fit frissonner, la grandeur d'Allah m'étonnera toujours...
Était-ce le signe qu'elle attendait? Dieu seul sait. Mais son visage était rayonnant, il brillait, il transparaissait d'espoir. Son cœur n'a pas cessé de l'aimer, sa foi a grandi et lui a permis de comprendre de ses erreurs. L'ancienne Khadija s'est transformée en un jolie et magnifique papillon virevoltant dans l'air de la connaissance. J'avais joie à la voir ainsi, son sourire en disait long. Sa patience a payé, aujourd'hui elle a eu un signe, il était temps pour elle de lui pardonner…
- Khadija: Je compte aller le voir dans l'apres midi. Je veux pas y aller seule, Sheytane rode. Tu peux venir avec moi s'il te plait ?
- Moi: Oui bien sur.
La matinée se passe assez bien, Khadija est plutôt stressée mais comme à son habitude 2, 3 Sourates (*Chapitre du Saint-Coran*) et tout va mieux…
L'heure est arrivée, on doit enfin sortir et rejoindre Soryan près d'un parc non loin de chez nous. Sur le chemin le silence était notre accompagnateur, le seul bruit qui se faisait entendre était la bouche de Khadija qui bougeait au rythme des Sourates...
- Moi : Ça va ma belle?
- Khadija : Ham dou llilah, je ne sais pas à quoi m'attendre.
- Moi : Il sait que je viens ?
- Khadija : Bien sur, je lui ai dis que la condition pour que je le vois était que nous ne soyons pas seuls.
- Moi : Ok... Bah tiens le voilà.
Il était vêtu d'un qamis bleu nuit, son allure avait changé depuis la dernière fois que je l'avais aperçu. Son regard était encore plus posé que la fois précédente, son visage était serein... Je tourne furtivement mon regard vers Khadija qui a son regard figé au sol…
- Soryan : As Salam a3leykoum.
- Nous : A3leykoum salam.
- Moi : Ça va Soryan ?
- Soryan : Ham dou llilah et vous ?
- Moi: Oui ham dou llilah.
- Khadija: ...
J'étais spectatrice de leur rendez-vous, j'écoutais chaque paroles, j'avalais chaque discours en essayant de me faire la plus minuscule possible. Je m'étais mise en retrait les laissant parler tout en garantissant ma présence, assez prêt pour les entendre, assez loin pour ne pas gêner...
- Soryan : Je pense qu'on a beaucoup de choses à se dire toi et moi.
- Khadija : Effectivement.
- Soryan : Je tiens d'abord à m'excuser. J'ai très mal agis et crois moi que chaque soir je prie pour qu'Allah te donne la force de me pardonner...
A ses paroles j'ai vu Khadija tressaillir, son corps a frémis à la manière d'un frisson parcourant son corps. C'était bel et bien un signe du Très-Haut...
- Khadija : Sache Soryan que tu es pardonné depuis longtemps. Allah est miséricordieux qui suis-je pour ne pas accorder mon pardon, moi, simple créature ?
- Soryan : Ham dou llilah. Tu m'enlève une épine dans le cœur. Je voulais aussi te dire que je pensais me marier très bientôt... C'est pourquoi j'avais besoin de repartir sur de bonnes bases, être certain que ton cœur s'était défait de cette blessure.
A ses mots, Khadija serra son point, contrôlant son nafs sa colère. Elle ne s'attendait pas à une telle annonce, elle qui avait retrouvé espoir, l'espoir en un autre lendemain. Je ne pouvais pas bouger, je n'osais pas la rejoindre ni même prononcer une parole de réconfort.
- Khadija : Je ... Tu n'as pas à t'excuser, Koulchi Bel Mektoub (*tout est destin*). Tu peux envisager la moitié de ton dine l'esprit tranquille, la rancœur s'en est allé.
- Soryan : Très bien, je viendrais cette semaine voir ton père, demander ta main...
Un coup de massue, elle ne s'attendait certainement pas à ça. Sa colère s'est envolée et son sourire a marqué son visage...
- Khadija : Je... Enfin... T'es sûr que ...
- Soryan : Oui je suis sûr, j'ai fais la prière de consultation... 3 jours après je t'ai vue avec ton hijeb rose. Je me suis dis le voilà mon signe. J'ai patienté et Allah nous a facilités.
- Khadija : Je...
- Moi : On va en parler à mon père, pour ne pas qu'il tombe sous le choc et on te donnera le jour et l'heure in cha Allah.
- Soryan : In cha Allah. Je serais comblé si seulement tu savais.
- Khadija : Mais tu es sûr que c'est ce que tu veux ?
- Moi : Mais oui, il vient de te le dire à l'instant donc maintenant on rentre en parler à baba.
Je prends Khadija par les épaules, elle était si fragile, si docile. Elle se laissait porter, son corps n'était plus capable de se mouvoir seul qu'il eut fallut que je la prenne par le bras. Ma sœur était en état de choc, elle qui crevait d'amour pour lui va enfin pouvoir l'aimer en toute légalité, en toute licité ...
- Khadija : Tu réalises ? Si Baba accepte je vais me marier par la Grace de Dieu avec celui que j'ai toujours aimé ? Pince-moi... Aieeeeee! Pourquoi tu m'as pincé ?
- Moi: Tu me l'as demandé.
On rentre enfin à la maison, le soir même, elle réunit la famille au grand complet pour annoncer qu'un homme viendra cette semaine demander sa main. Mon père la questionne sur ses intentions, elle lui explique leur histoire sans trop s'attarder sur les détails, il voit dans ses yeux que son bonheur est avec ce jeune homme, il finit donc par accepter de rencontrer la famille de Soryan…
Quant à mes frères ils ne s'opposent guère, excepté Yassine qui la met en garde contre Soryan bien qu'il fut spectateur de son changement...
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Aujourd'hui est le grand jour pour Khadija, le jour de la Khotoba (*de la demande en mariage*). Elle est si stressée mais malheureusement je ne peux être à ses cotés pour ce jour-qu'on attend toutes- car c'est pour moi les résultats de mes examens... J'avais préparé la veille des petits gâteaux avec Khadija pour qu'elle ne se retrouve pas seule dans la cuisine le jour-j. Je lui avais donné plein de conseils, notamment sur la tenue à mettre, les choses à ne pas dire. J'en avais fais du chemin, j'étais enfin apte à donner des conseils sentimentaux...
Verdict ? J'intègre ma cinquième et dernière année. Cette journée avait bien commencé, ma sœur allait accepter la demande en mariage de Soryan après de nombreuses épreuves, des torrents de larmes et de remises en question qui ont eu raison d'elle, de lui et de leur couple. Moi, j'avais validé mon année non sans sacrifice car depuis ces derniers mois je ne voyais que très peu Jalil. En effet, les révisions me prenaient tellement de temps que les seuls instants que je m'accordais encore je les passais à dormir ou à implorer notre Seigneur de nous accorder la réussite...
J'entends un bruit de klaxon, je me retourne. C'est lui.
J'avance vers la voiture je monte silencieusement.
-... : Alors ?
-Moi : J'ai validé mon année... Je suis trop contente Jalil. Tu sais pas comment je suis heureuse. La vie nous souris enfin après tout ce temps, El Ham dou llilah !
- Jalil : Tu vois grosse, je t'avais dis d’pas perdre espoir. Je suis content pour toi wAllah. Tu montres tous tes chicots ça fait plaisir...
- Moi : Je suis encore plus heureuse parce que Khadija va se marier avec Soryan, celui qu'elle a toujours aimé.
- Jalil : Celui qui t'as frappé...
- Moi : C'est de l'histoire ancienne ça. Tu t'en rappelles encore ?
- Jalil : Bien sûr, tout est là (touchant sa tempe avec son index). Jalil il oublie rien sache le.
- Moi: Tu te rappelles de ce que tu m'as dis ce soir là ?
- Jalil: Oui.
Il baisse la tête, visiblement il a une mémoire sans faille. Ce jour où la douleur physique était si grande que ses insultes dégoulinaient le long de mon corps sans vraiment le toucher, un peu comme si j'étais enduis d'une huile et que la pluie venait rissoler sur ma peau...
On avait longuement parlé ce soir, pour être exact il avait longuement parlé et je l'avais écouté d'une oreille attentive observant la fêlure de sa carapace... Si on m'avait dis que quelques années plus tard je serais éprise de lui je ne l'aurais pas cru…
- Jalil : WAllah Nessma je suis désolé, j'étais un imbécile quand j'étais jeune.
- Moi : Parce que tu te sens vieux maintenant ?
- Jalil : Bah ouais guettes j'ai de la be-bar.
- Moi : Ouais magnifique.
- Jalil (marmonant) : C'est toi qui es magnifique.
- Moi : Pardon ? T'as dis quoi ?
- Jalil : Non rien je jactais sur le passé.
Un long sourire se dessine sur mon visage, j'avais envie d'y croire. De m'échapper vers un autre lendemain, vers un futur à ses cotés... Il était devenu ma drogue, mon semblant d'être.
Il me dépose quelques tours plus loin. Plus tard dans la soirée Khadija me raconte sa journée, elle me raconte comment Soryan a timidement dit à son père "c'est elle que je veux baba". Elle était sur un nuage, moi je prenais un réel plaisir à la voir s'épanouir. Le hlel (*mariage religieux*) était pour après notre retour du Maroc, j'ai cette incapacité à appeler ça des vacances...
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Mon corps va enfin retrouver son cœur, dans quelques heures nous arriverons au Maroc.
Le vol se passe paisiblement. Pour ce voyage, mon père tenait absolument à nous accompagner. Nous étions donc toutes les quatre : Nahla, Sofya, Khadija et moi, et mon père. Les garçons n'avaient pas envie de revoir le pays ce que je conçois totalement. Mine de rien les garçons sont plus sensibles que nous, ils ont cette tendance à fuir le problème, à ne pas l'affronter...
On atterrît enfin. Mon cœur se serre, mon esprit se brouille. La dernière fois que mon pied a touché ce sol c'était pour t'enterrer Yemma, c'était pour enfouir, tel un diamant brut, mon cœur des centaines de mètres sous terre.
Les portes s'ouvrent, la chaleur est presque caniculaire. Sans me rendre compte, une larme glisse sur ma joue, je ne saurais comment le décrire mais c'était une épreuve que j'avais peur de surmonter, me retrouver ici après tant d'années, te retrouver après tant d'absence... Mes épaules sont larges mais fissurées, mon courage a fuit par la porte de secours. Khadija me prend la main, et on sort ensemble de cette avion : direction chez Yemma…
Ce mois fut long et périlleux, la première fois que j'ai posé mon regard sur ce bout de terre qui représentait à présent tout pour moi, les larmes ont jaillis, la tristesse m'a envahi… Mon deuil n'était pas fait, je n'avais pas encore eu cette vision là, celle de te voir sans te voir, de te sentir sans réellement te sentir. J'avais peine à toucher cette terre de peur d'emporter ton souvenir avec moi. Mon cœur ne battait plus, il avait retrouvé le tien, je n'arrivais plus à penser convenablement. La mort, une chose plus sûre que tout, qui m'a prise mon pilier mais la vie est faite d'épreuve et Dieu éprouve ceux qu'il aime, Il éprouve les endurants...
"On prépare plus son mariage que sa mort pourtant la mort est plus sur d'arrivée que le mariage"
Ce mois fut long, humide en perles salées et surtout riche en remise en question... Je n'avais pas cessé de pleurer, chaque soir où la solitude me rejoignait dans ma chambre je sanglotais en essayant de me souvenir de ton visage. Ta place reste Yemma mais pardonne moi si ton visage s'estompe à mesure que le temps passe, que tes souvenirs remplacent les nôtres...
D' après Aboû Horeïra (Qu’Allah soit satisfait de lui), le Prophète (Paix et Salut sur lui) a dit :
« Quiconque, en ce bas monde, a allégé l'affliction d'un croyant, verra Dieu alléger son affliction au jour du Jugement Dernier. Quiconque secourt un homme dans la gêne, verra Dieu le secourir en ce bas monde et dans l'Autre.
Quiconque couvrira les fautes d'un Musulman, verra Dieu les lui couvrir en ce bas monde et dans l'Autre. Dieu aide Son serviteur tant que ce dernier aide son frère.
Celui qui parcourt le chemin de la Science (religieuse), Dieu lui aplanira le chemin du Paradis.
Tant que les hommes s'assembleront en quelque demeure consacrée à Dieu pour réciter le Coran et pour l’étudier ensemble, la paix du cœur descendra sur eux, la miséricorde les couvrira, les anges les entoureront et Dieu les mentionnera comme étant des Siens.
Quant à celui que ses œuvres ont mis en retard. il ne sera pas mis en avance par son lignage ».
[ Rapporté par Mouslim ]