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« L'étoile rouge devant ma face, un diplôme d'honneur pour elle. Chez nous les cœurs se glacent très tôt, la peur se tasse, pour un rien les frères se fracassent. Les patates volent, les mauvais coups s'enchaînent. Comme cette chienne de vie habituée au vacarme, pour éviter les larmes, dans les poches les gosses y glissent des lames. Pas facile de vivre avec des drames. »


Les mois s'écoulaient tels des grains de sable dans un sablier... Je m'étais réinscrite à la faculté. A la reprise des cours, des choses avaient changé... Omran n'était plus dans notre classe à plein temps de par sa spécialité, Soumaya semblait de plus en plus triste tandis que, moi, je retrouvais petit à petit mon sourire...

Cette année s'annonçait bien... La vie me souriait-elle enfin ? 


Une nouvelle routine prit place dans ma vie, mais elle était différente... Le bonheur refaisait son apparition graduellement... Chaque jour, progressivement, il venait inonder mes réveils, puis mes journées et enfin, mes nuits. La tranquillité berçait à nouveau le fil de ma vie, me permettant de vivre enfin comme une fille de mon âge avec ses rêves et ses envies. 

Je faisais abstraction des problèmes des autres et, pour une fois, je pensais à moi. Loin de moi, l'idée d'abandonner les miens mais je voulais juste profiter de l'instant présent, être la Nessma souriante et pleine de joie que je fus par le passé et que mon présent avait délaissé à cause du poids des tourments qu'il m'avait légué. Cette Nessma me manquait et, par volonté, je la faisais renaître de ses cendres, trop délaissée par cette Nessma triste et amer.

Durant mes vacances d'été, la solitude m’a permis de réfléchir sur bon nombre de choses... J'ai engagé un recueillement avec mon moi intérieur, une sorte de constat, un état des lieux sur l'année chaotique qui venait de s'écouler... Et, après de nombreuses spéculations et réflexions, j'ai enfin compris que s'abattre sur soi n'était pas un avancement dans le temps. En agissant ainsi, je ne faisais que laisser cet amas de mal m’encercler pour ainsi m'achever à petit feu. En pensant avancer, je reculais de trois pas en arrière, me laissant m’auto-calciner dans le taudis de mes tourments qui m’ont plus détruit qu’autre chose.

Cette prise de conscience m’a permis d’accepter et de tourner les pages sombres qui me consumer, afin d’en ouvrir de plus bienveillantes...

Le sens que j’assimilais à ton départ soudain me fit comprendre que le manque de toi résonnait en moi comme une mélodie funeste continuelle, cette absence ne devait pas être un frein pour moi. Bien au contraire, je devais m’en servir comme une arme massive pour affronter les angoisses qui me persécutaient et me faisait fuir l’amour de la vie comme la peste. Je ne devais pas en faire un fardeau mais une aubaine pour continuer, pour espérer un futur...

Mon introspection me fit comprendre que ton absence ici-Bas n’était que temporaire car nous serons tous unis dans l’Haut-dela...

Le cœur apaisé mais pour combien de temps encore ? Même si mon optique a changé, je reste objective et si je regarde le reflet de mon miroir, je pourrais y apercevoir le grand désespoir qui se terre dans le regard de mes frères. Il les ronge de l’intérieur, les consumant à grande dose... Plongés dans un étourdissement qui a finit par les aveugler, pour eux, aucune possibilité de faire la différence entre un acte bon ou mauvais. La peine a formé un calice, un emballage nocif autour de leurs enveloppe charnelle pour troubler leurs sens. A présent, leur vue est brouillée, leurs oreilles sont bouchées, leur bouche est envahie par des injures et un flots de débilités important. Effacé tout discernement dénudé de votre claire voyance... A présent, c’est le Sheytane qui gère vos moindre pas...

Khadija continuait de faire de brèves apparitions, juste pour nous signifier qu'elle est toujours en vie. Elle vit sa vie de son coté mais elle a oublié que l'on habitait dans un quartier... Les gens parlent, les langues se délient autour de ses nombreux exploits. Elle joue avec le feu et la réputation de ses frères... Un jour, cela a finit par arriver à leurs oreilles. 
Yass ne sait pas fait prier pour lui faire comprendre que son comportement laisser à désirer et, en un claquement de doigts, il lui a vite fait regretté. Il lui a fait gouté à la saveur de ses poings, en lui annonçant que désormais, pour lui, elle ne faisait plus partie de la famille. Malgré tout, la vie continue…

* * * * * * * * * * * * * * * * 

Une après-midi, alors que le temps était encore au beau fixe, j’en profitais pour amener les filles au square. Nous étions en train de descendre quand nous avons croisé Jalil qui montait...

- Nahla : Tonton !

- Jalil : Ah les plus belles !

- Sofya : C’est nous les plus belles ? 

- Jalil (en la prenant dans ses bras) : C’est toi la plus belle Sofya !

- Nahla : Et moi ? 

- Jalil : Oh la jalouse ! ( la prenant à son tour dans ses bras avec Sofya) Vous avez la même tête donc toi aussi t'es la plus belle !

- Sofya : Et Ness ?

- Jalil (en me regardant) : Non, elle a pas la même tête que vous, c’est vous les plus belles !

- Sofya : T’es pas gentil !

- Jalil : Je dis la vérité, princesse. Vous allez où là ? 

- Moi : J’les amène au square

- Nahla : Tu viens avec nous ?

- Sofya : Oh oui viens !

- Moi : Bon les filles stop ! Il a des choses beaucoup plus intéressantes à faire votre tonton. Laissez-le tranquille et descendez !

- Jalil (en me lançant un sourire narquois) : Non j’viens

- Nahla : OUAIS !

Sofya lui fit un bisou. Quant à moi, je me suis contentée de lui lancer un regard hostile. Je savais que s’il venait c’était juste pour m’énerver même s'il apprécie les jumelles comme ses propres sœurs. Jalil ne fait rien gratuitement, il y a toujours quelque chose derrière... Mais peu importe ! Il ne pourra pas gâcher ma bonne humeur. 

Une fois arrivées au parc, les filles jouaient sur les balançoires. Jalil les poussait à tour de rôle, ma présence était indispensable. J'étais assise sur un banc, face à eux, puis, à un moment, Jalil vint me rejoindre...

- Jalil : Ça va Jeanne d’Arc ? 

Sa blague le fait rire aux éclats, il ne s’arrêtait plus...

- Moi : J’vois pas trop c'qui te fait rire ainsi ? 

- Jalil : Toi t’es pas normale, la meuf j’la trouve elle est seule tout dans la nuit assise comme une golmon et en plus elle parle seule tout et elle me sort quoi ? J’parle à ma pote, alors qu’y'a son-per avec elle !

- Moi : Pff

- Jalil : Non mais assumes Jeanne d’Arc !

- Moi : T’es un vrai gamin Jalil

- Jalil : Si tu veux mais moi j’parle pas seul tout

Son téléphone se mit à sonner... Il s’éloigna, je le voyais faire de grands gestes en guise de son énervement. 

Quand il revint, son visage était noir...

- Moi : Ça va pas ?

- Jalil : Bref j’décale

Il est partit comme ça, sans rien rajouter, n’y même dire au revoir aux filles... A force de le côtoyer, malgré moi, j’ai remarqué qu’il ne fallait pas chercher à le comprendre et de se contenter de ses sauts d’humeur.

* * * * * * * * * * * * * * * * * * 

Je commençais une nouvelle année et je la voulais parfaite... Sans drames, sans pleurs, sans malheurs qui viendraient perturber mon nouvel état d'esprit ! Pour moi, cette année était synonyme de renouveau... Je voulais mettre toutes les chances de mon côté pour que la joie s'étale à perpétuité dans ma demeure et qu'elle enivre les miens, qu'elle les subjugue dans une euphorie de béatitude complète !

Je voulais me donner une seconde chance à moi-même, ne plus être cette fille qui se renferme sur elle-même, par peur qu'on l'atteigne et qu'on perce sa tristesse en plein jour. En acceptant les épreuves que nous venions de passer durant cette année, c'est comme si mon cœur acceptait enfin de se cicatriser pour laisser place à la nouvelle « moi ». 

Devant s'ouvrir aux autres, avoir une perceptive de la vie moins pessimiste, redoubler d'effort pour toucher à mon but premier et rendre fière Yemma de là Haut...
Ça y est ! Je commence enfin à toucher mon rêve du bout des doigts... Première année à l’école de sage-femme, première phase enclenchée sur les quatre années. Moi, Nessma, j’effleure ma promesse chaque jour un peu plus... Pour mon plus grand bonheur, j’alternais période de cours et période de stage. La plupart des gens se trouvant dans ma promotion, trouvait l’enseignement théorique ennuyeux. Personnellement, je buvais chaque parole, je trouvais le programme plus qu’intéressant !

Et grâce à cela, les mois défilaient à toute vitesse... On était déjà en décembre ! Je m’étais fait plein de nouveaux amis, dont une en particulier à qui je devais ma nouvelle joie de vivre, Jihène ! Elle est complétement mon opposé, tant physiquement que mentalement, une vrai délurée qui m’a fait retrouver le sourire et sortir de mes apriori de fille rangée. Grâce à elle, je sortais des sentiers battus et de ma petite vie monotone, sans pour autant changer mon comportement mais elle me faisait voir une autre facette de la vie, plus joyeuse et moins austère...




« Endure patiemment ce qui peut t’atteindre. Tout cela est le propre d’une âme résolue. [31.Loqman-17]

Nessma, ma vie en KilodramesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant