« Pénalisé dès le départ au fond de la classe, l’école nous fait la gueule mais les rues nous font de la place »
Il a quelque chose dans son regard, une chose que certain ne possède pas, un regard puissant qui te transperce. Ce regard qui te prend et t'emporte hors du temps, hors de toute lucidité et t'amènes à rêver d’un monde meilleur.
Auprès de lui je me sens en sécurité et sa présence m’est devenue vitale.
On a discuté un long moment puis on a fini par rentrer. Cette journée m’a beaucoup appris sur Jalil, qui lui, m’apporte énormément…
Je suis rentrée chez moi le sourire aux lèvres, j’avais même peur d’être trahie tellement j’avais l’impression que mon bonheur se lisait sur chaque trait de mon visage. J’ai été dans les bras de Jalil et pour la première fois de ma vie, je n’ai pas eu besoin de me poser un milliard de questions, tout était simple et évident.
Aujourd’hui j’ai eu en face de moi un autre Jalil, différent de celui que j’ai eu l’habitude de côtoyer jusqu’à présent. Je pensais qu’il n’était qu’un arrogant et un égoïste incapable de se préoccuper du sort des autres, mais il m’a fait changer d’avis en me montrant une autre facette de sa personnalité. Il a su être aux petits soins avec moi il s’est montré attentionné et j’ai apprécié le geste…
Le rapprochement avec lui s’est fait progressivement, pour dire vrai je ne sais pas vraiment comment notre relation a évolué vers ce qu’elle est aujourd’hui. Si quelques années auparavant quelqu’un m’avait dit que je trouverais en Jalil un allié et un confident j’aurais surement ris. Nous n’avons rien en commun, nous sommes quasiment d’accord sur rien et pourtant à ce moment-là il est celui dont je me sens le plus proche car il sait lire même ce que j’essaie de cacher au plus profond de moi. Et il me l’a encore prouvé durant cette journée que j’ai passé avec lui, je crois qu’elle restera gravée à jamais dans ma mémoire…
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Le temps passe, je continue de voir Jalil en cachette. Pour le moment je n’ose en parler à personne parce que même si on s’entend bien ensemble je ne sais pas exactement où nous allons tous les deux. Jalil n’est pas très expressif sur la question, il me montre parfois que je compte pour lui par des petits gestes ou des regards mais trop de pudeur pour qu’il l’exprime clairement. Alors je préfère ne rien précipiter au risque de déchanter une nouvelle fois.
Je sais que Khadija se doute un peu de quelque chose, je l’ai remarqué aux regards qu’elle nous jette à Jalil et moi lorsqu’il passe à la maison voir Yass mais heureusement pour nous elle ne dit rien. J’ai honte de moi et de mon comportement, je suis en train de trahir mon propre sang parce que je sais que si Yass venait à l’apprendre je signe mon arrêt de mort. Jalil est comme un frère pour lui et je me rends bien compte que je suis en train de trahir le pacte implicite qui les lie tous les deux. Alors Quand Jalil est à la maison je m’enferme dans ma chambre car j’ai peur que mon attitude en sa présence ne me trahisse devant ma famille…
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On est au mois de juillet, comme les trois années précédentes pas de vacances au bled pour nous. Malgré le salaire de Yass et mon père on arrive toujours pas à joindre les deux bouts, les factures s’entassent, moins qu’avant bien sûr, mais un éventuel départ en vacance n’est pas envisageable pour le moment. De toute façon moi je n’ai pas vraiment de vacance, je n’ai quelques semaines de congés le reste de mon temps est consacré aux stages. Je m’épanouie dans ma formation, mes stages se passent mieux que je n’aurais espérée malgré quelques exceptions. J’en suis convaincue c’est ce métier et pas un autre que je veux exercer alors je ne me laisse pas abattre malgré l’ambiance exécrable qui règne dans certains lieux où j’ai été amené à exercer. Ce n’est pas grave il suffit de s’armer de patience pour passer au-dessus de ça…
Jihène je ne la vois pas très souvent, nos lieux de stages sont quelque peu éloignés mais elle passe de temps en temps à la maison quand elle le peut. Je la sens bizarre en ce moment, elle est souvent ailleurs alors ce n’est pas dans ses habitudes. Elle a enfin lâché Kader et aussi étrange que cela puisse paraitre elle n’a pas jeté son dévolu sur quelqu’un d’autre. Ce n’est pas une collectionneuse de relation mais j’avoue qu’elle a beaucoup de succès auprès des garçons…
Après une journée de stage au service maternité d’un hôpital situé à quelques kilomètres de chez moi, Jalil vient me chercher pour qu’on se voit. Je me sens vraiment mal mais je ne peux pas m’empêcher de le voir malgré tout car sa présence est devenue indispensable pour moi. J’ai besoin de lui à mes côtés et me voir m’attacher de cette façon me terrifie et me rassure à la fois, je ne sais comment expliquer puisque moi-même j’ai beaucoup de mal à comprendre…
Je le rejoins dans sa voiture et il démarre…
-Jalil : Wesh c’était bien avec tes bébés ?
-Moi : C’était bien.
-Jalil : Ah ouais j’vois que miss a envie de parler t’as quoi ?
-Moi : Moi ? Rien du tout.
-Jalil : T’fous pas de ma gueule y a un truc qui va pas vas y parle.
-Moi : Mais nan y a rien.
-Jalil : Azi j’sais même pas pourquoi j’cherche à comprendre j’voulais être ti-gen mais t’as raison continue à bouder j’m’en bats la race.
-Moi : Mais Jalil
-Jalil :…
Il augmente le son du poste radio pour ne pas m’entendre, il a l’air vraiment énervé. J’ai peur de l’ouvrir une nouvelle fois et qu’il me dépose en plein milieu de nulle part et que je doive rentrer seule, connaissant son caractère impulsif il en serait parfaitement capable. Je l’observe en ne le lâchant pas du regard, il finit par tourner le visage dans ma direction, je lui offre mon plus joli sourire. Il me regarde plein d’incompréhension puis esquisse un petit sourire en coin… Il est mignon quand il essaye de bouder on dirait un gros bébé…
On arrive dans le petit parc où il m’avait emmené le soir de l’altercation avec Soryan. C’est là-bas que nous avons pris l’habitude d’aller, c’est notre jardin secret en quelque sorte. L’endroit est désert et c’est tant mieux, je n’ai pas vraiment envie de m’afficher comme ça devant tout le monde. On trouve un petit banc à l’abri de tout et nous nous installons…
-Moi : Tu veux que je te dise ce qui va pas ?
-Jalil (mort de rire) : Putain mais t’es vraiment une kassos toi, ouais vas y dis.
-Moi : Je me sens mal de te voir en cachette, on est en train de faire n’importe quoi j’ai peur que quelqu’un le dise à mon frère et tu sais que si il apprend qu’on se voit je serais plus de ce monde. Donc c’est ça qui me tracasse et qui m’empêche de profiter pleinement de ces moments qu’on passe ensemble.
Le visage détendu qu’il affichait quelques secondes plutôt laisse place à une expression plus sérieuse et sévère.
-Jalil : Alors quoi on s’voit plus ?
-Moi : Je sais pas tu pourrais ?
-Jalil : Tu crois quoi ? Que t’es irremplaçable ou bien.
Je le regarde médusée, comment il peut oser à croire que si ça devait se finir entre nous il s’en ficherait et qu’il irait se consoler dans les bras d’une autre. Je m’attendais pas à ce genre de réaction, je pensais qu’il allait me dire qu’il ne fallait pas que je m’inquiète, que rien ne pourrais arriver puisqu’il serait là…
-Moi : Mais t’es sérieux là Jalil ? Je pensais que t’avais changé je suis vraiment trop débile. Connard.
Je commence à partir mais il me retient par la main me tire vers lui et plaque ma tête contre son torse. Comment un simple contact avec lui peut me faire autant d’effet ? Je sentais ma rage et ma colère disparaitre petit à petit et ses rythmes cardiaques augmenter peu à peu. Dans le creux de ses bras j’oubliais tout, mes doutes mes incertitudes et mes angoisses, tout devenait simple. Je ne sais pas quelle emprise il a sur moi mais c’est très puissant…
-Jalil : Tu sais très bien que j’t’apprécie et que j’pourrais pas ne plus voir ta petite tête alors arrête.
Je me dégage de ses bras et lui fait face…
-Moi : Alors pourquoi tu m’as répondu ça ?
-Jalil : Parce que tu m’véner Ness à croire qu’il y a que toi qui est mal, Yass c’est mon reuf et regarde ce que j’lui fais ? J’vois sa sœur comme un traitre. Ness on va pas s’prendre la tête sur ça, j’irais le voir quand ça sera le moment et j’assumerais tout !
Ses paroles m’ont en quelque sorte rassurée sur ses intentions envers moi, je sais qu’on est dans le pêché mais je savais qu’il ne se jouait pas de moi. Je commençais à être convaincue qu’il était peut être mon avenir. J’étais surement en face de l’homme qui allait partager ma vie, bien sûr je n’en avais pas la certitude mais je voulais le croire et l’espérer très fort…
-Jalil : Ness j’ai rêvé ou tu m’as traité de connard taleur ?
-Moi : Euh…
-Jalil : Recommence et tu goûteras le sol.
-Moi : Encore et toujours des menaces.
-Jalil : Ben apparemment tu comprends que de cette façon donc j’m’adapte sale kassos.
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Avec Jalil on a quand même décidé de se voir moins souvent pour limiter les dégâts au cas où. C’était difficile car je me suis rendue compte qu’il avait pris une place immense dans ma vie et que son absence avait laissé un vide dans mon cœur. Il me manquait ! Mais c’était mieux ainsi...
Un weekend end, Jihène est passée me voir à la maison. J’ai décidé d’en profiter pour lui parler de mon rapprochement avec Jalil j’appréhendais sa réaction sachant qu’elle ne le portait pas forcément dans son cœur…
-Moi : Jihène ? Je peux te dire un truc ?
-Jihène : Tu me fais peur toi.
-Moi : En fait je… avec… tu vois… ben…
-Jihène : Wah mais accouche Nessbatata j’ai pas toute l’année moi.
-Moi : Je vois Jalil.
-Jihène : Comme si je le savais pas, la discrétion ça fait pas partie de tes qualité Ness c’est cramé à des kilomètres que tu le keaff.
-Moi : T’es sérieuse ? Tu le savais ?
-Jihène : Ben ouais, mais c’est rien même si voilà Jalil ça sera jamais mon meilleur shab (*ami*) je suis quand même contente que ça soit lui, ça me tue de le dire mais ça se voit qu’il est correct malgré tout.
-Moi : T’es la meilleure wAllah je pensais que t’allais m’en vouloir.
-Jihène : Mais nan t’as le droit d’avoir tes petits secrets, en plus t’as l’air vraiment heureuse !
-Moi : Je le suis, Jalil il est différent des autres il me fait me sentir moi-même j’ai pas besoin de porter un masque pour être une autre en sa présence.
-Jihène : Ah ouais t’es vraiment love toi.
-Moi : Peut-être bref et toi avec Kader il s’est passé quoi ?
Jihène : Je l’ai lâché il m’a gavé ce mec. Et puis ça sert à rien je l’aimais pas.
-Moi : C’est pas plus mal et puis si tu l’aimais pas tu as raison de le laisser. Et y a personne d’autre ?
-Jihène : Si mais avec lui c’est mort, il voudra jamais de moi.
-Moi : C’est qui le hmar (*l’âne*) qui voudrait pas de Jihène ******* ?
Jihène : C’est quelqu’un.
-Moi : Je m’en doute que c’est quelqu’un mais il a un prénom ce quelqu’un ?
-Jihène : Il s’appelle pas.
-Moi : Pourquoi tu fais des mystères comme ça ?
-Jihène : Mais nan je fais pas mystère, pour le moment y a rien et puis de toute façon je suis pas accro à lui c’est juste que j’aime bien parler avec, il me fait délirer, j’ai l’impression que je peux lui parler sans qu’il ait des arrières pensées. Ça fait pas longtemps que je le connais mais je me suis toute de suite bien entendue avec lui.
-Moi : Jihène elle est amoureuse.
-Jihène : S’il te plait Nessbatata si c’est pour dire des bêtises tais-toi c’est mieux, guetlek (*elle m’a dit*) « amoureuse » t’as cru que Jihène elle tombait amoureuse en deux jours ou quoi ?
-Moi : Jihène tu deviens grave à parler de toi à la troisième personne.
-Jihène : Mais attends je suis pas n’importe qui.
-Moi : Ben justement t’es pas n’importe qui donc ton gars là il va pas résister longtemps.
-Jihène : Ça risque pas pour l’instant il m’appelle ma tipeu, d’où je suis une tipeu moi ?
-Moi : Sale folle, tipeu c’est affectueux tu sais.
-Jihène : Ouais ben qu’il se les garde ses marques d’affection dans ce cas-là. Je t’ai dit c’est dead.
-Moi : Pour le savoir il faudra lui demander.
Jihène est restée diner avec nous. Chez moi quasiment tout le monde l’apprécie à l’exception de Yass, il garde toujours l’image de Jihène la dévergondée et à voir les regards qui lui lance ce n’est pas prêt de changer. Tant pis pour lui, l’important c’est que mon père ne me dise rien, l’opinion de Yass je m’en passe…
Après le départ de Jihène dans la soirée je me réfugie dans ma chambre et j’ai passé une bonne partie de la nuit à discuter avec Khadija. Elle est de plus en plus mal depuis sa rencontre avec Soryan à la sortie de la mosquée. Mais je sais que maintenant elle a sa foi à laquelle s’accrocher et je ne m’en fais pas pour elle car je sais qu’elle a la force nécessaire pour remonter la pente. Elle fait toujours la prière de consultation dans l’attente d’un signe, maintenant elle s’en remet à Allah. Même si Soryan lui a fait beaucoup de mal dans le passé elle continue à l’aimer éperdument, c’est fou de voir l’amour qu’elle peut encore lui porter malgré tout le mal qu’il lui a fait, il ne mérite pas autant d’égard de la part de ma sœur. J’ai du mal à oublier que par sa faute j’ai failli perdre ma sœur, qu’il m’a frappé parce que j’ai osé défendre l’honneur de mon ainée néanmoins si leur union devait se sceller alors je l’accepterais dans la famille…
La voir se déchirer de cette façon me brise le cœur, au final quoi qu’en dise les relations hors mariage font plus de mal que de bien. On s’acharne à s’accrocher et à aller à l’encontre de ce que Le Tout Puissant nous recommande. On se laisse charmer par ces relations souvent vouées à l’échec, parce que justement elles n’ont pas l’agrément d’Allah l’Exalté, et pourtant on continue dans ces voix semées d’embuches. Je suis consciente que je suis dans le pécher avec Jalil mais une force me pousse à m’accrocher à lui. J’ai tenté de résister mais tous mes efforts se sont soldés par un échec…
D'après Abou Oumama (qu'Allah l'agrée), le Prophète (que la prière d'Allah et son salut soient sur lui) a dit:
« Un coeur qui remercie, une langue qui fait du dhikr et une épouse pieuse qui va t'aider pour ta religion et ta vie d'ici-bas sont les meilleurs trésors que les gens puissent avoir ».
(Rapporté par Al Bayhaqi et authentifié par cheikh Albani dans Sahih Al Jami n°4409)
Le Prophète (Salla'Allahu Aleyhi wa Salam) a dit :
“Le plus parfait des croyants est celui qui a le meilleur caractère.
Et les meilleurs d’entre vous sont ceux qui sont les meilleurs avec leur femme”
(rapporté par at-Tirmidhî, authentifié par an-Nawawî).