« J'allume une bougie pour éclairer nos remords, et je me bouge vite pour ne pas rester dehors, le temps s'écoule vite donc on a besoin de l'or, j'ai le flow de "ll cool j" quand j'ai besoin de love. J’ai une main sur mes proches, l'autre sur une femme, j'ai une main sur le microphone l'autre sur un arme, le succès est de taille mais faut garder nos repères, plus belle serra la médaille plus beau serra le revers. J’écris ces quelques lignes car souvent je m'y perds, la défaite est orpheline, la victoire à mille pères, j'ai un œil sur nos vies, un œil sur le monde, un œil sur mon fils, un œil sur la montre. Ma vie sans souffle triste anesthésie, quand je souffre pour vous je souffre avec plaisir, en guise de refrain pour le public qui m'entoure y a cette voix qui revient pour vous redire mon amour, pour vous redire mon amour »
Dans la pénombre de ma peine aujourd'hui est un jour funeste. Après l'annonce de sa m... Je n'arrive pas à mettre de mot sur ça. Je ne peux pas croire que je parlerais désormais de lui au passée toi qui a marqué mon présent et qui marquera malgré toi mon futur. Donc après l'annonce de ce drame, on est descendu dans le sud pour rendre un dernier hommage à cet homme fort et fier.
Il y a eu des divergences entre certains qui voulaient le faire au pays, d'autre à Paris... Mais sache que quoi qu'il en soit tu ne me quitteras pas.
Le chemin jusqu'à son chez lui, plutôt son ancienne demeure était pesant, lourd, un silence faisait danser nos âmes tout au long de la route…
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Mon cœur est mis en terre pour une seconde fois, une fois de trop. Je finirais éventrée à mesure que les personnes que j'aime me quittent avec chacun une parcelle de mon cœur.
Ton corps dans ce linceul me rappelle ô combien la vie est courte en comparaison de notre vie après la mort, ton chemin s'arrête définitivement ici pour continuer éternellement dans l'au-delà. Le simple fait de me dire que je ne reverrais plus tes yeux joyeux, ton sourire heureux et que je n'entendrais plus ta voix, si ce n'est en songe, me brise les os. J'en ai le souffle coupé, ma vie perd encore un être cher, inlassablement condamnée à être abandonnée je m'y suis résignée...
Tu revêtis ton dernier habit, blanc comme ton âme, pur comme ton cœur, je pleure. Ton corps est porté hors de ta demeure, celle qui t'as vu grandir, murir et devenir un homme; tu la quittes pour rejoindre ton dernier logis, celui qui te verra renaitre le jour-j. Mes yeux ont pris l'habitude d'être humides et pleins de larmes; au bord du gouffre, je souffre. Ô Jibril je souffre de te voir partir, j'ai espoir de te revoir mais Dieu Seul sait quelle sera notre destination. Mon cœur quitte mon corps à chaque Takbir (*Allah u Akbar*), mon âme aimerait te suivre au fond de cette tombe, j'aimerais prendre ta place pour ne plus avoir à souffrir. Je vois tes parents pleurer la mort de leur fils, tes amis mettre leur fierté de côté pour pleurer la mort d'un ainé, je me vois brisée face au poids des épreuves, mes épaules vont céder et ce jour je serais à genoux sur ta tombe l'humidifiant de perles salées…
Jibril, mon cœur tu as su écouter, mes maux tu as su poncer, mes blessures tu as su réparer. Et moi, il ne me reste que mes yeux pour pleurer... Dans ce cimetière je revois ce jour où j'ai enterré ma moitié, où mon cœur à trouver refuge quelques mètres plus bas. Je pourrais parler des heures entières sur les sentiments qui ont trouvé nid dans mon cœur, je pourrais en écrire des kilomètres, les compter en kilodrames...
La cérémonie funeste est à présent terminée, pour certains c'est comme si tu n'avais jamais existé mais moi je ne peux pas le concevoir surtout quand la seule vision que j'ai c'est un quartier en deuil.
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J'ai aidé ma tante à accueillir toutes ces personnes venues pleurer sur ton sort sans même savoir s’ils te connaissaient comme moi je te connais. Ils pleurent devant ta reine, devant ta mère, elle qui doit rester forte. La pression est trop lourde à porter, elle file dans la cuisine s'effondrer au-dessus de son évier laissant ses larmes se mélanger à l'eau coulant dans la tuyauterie...
Je la prends des bras, elle me répète "Pourquoi ? Pourquoi mon fils. Dis-moi pourquoi ya Nessma ?"
Je ne sais pas répondre à cette question que je me suis longtemps posée quand Yemma nous a quittée. Mais Khalti (*ma tante*) Allah éprouve ceux qu'Il aime, Il nous éprouve par la perte d'un être cher, la réduction de nos biens, une piqure de moustique est une épreuve. A nous d'espérer, de croire que ceci est miséricorde...
-Moi : Khalti, Allah t'éprouves aujourd'hui alors ne lâche pas ta foi. Alimentes la, car si tu l'as perds qui priera pour Jibril si ce n'est le rôle de sa mère ?
-Khalti : Tu as raison Benthi, mais c'est pas aux parents d'enterrer leurs enfants normalement.
-Moi : Je suis d'accord mais la mort fait partie de la vie. Tout ici est douniya Khalti. Tu as fait le hajj (*le pèlerinage*) donc tu sais bien que nous sommes que de passage. Celui de ton fils est fini, c'est triste pour nous qui sommes derrière, il nous reste qu'à prier pour qu'Allah lui accorde Sa miséricorde illumine sa tombe de Sa lumière et l'élargisse pour lui faciliter son repos.
Elle m'enlace tellement fort que nos cœurs se confondaient presque tous deux dans le raisonnement de notre peine. Je l'entendais renifler dans le creux de mon oreille, je contenais mes sanglots, je voulais rester forte devant elle qui avait le cœur en miette.
Plus tard dans l'après-midi, je ne savais pas où aller. J'avais cette envie de me faufiler dans son lit, sentir son odeur et ne plus en sortir, mais mon cœur criait de ne pas franchir cette porte sous peine d'implosion imminente. Je me suis donc allongée dans la chambre de mon oncle, j'ai fait face à la fenêtre.
Les yeux rivés vers les cieux j'implorais Allah de lui accorder Sa miséricorde, de faire de sa tombe un avant-goût du bonheur. Qu'il ait l'opportunité d'être appelé par ses plus beaux prénoms terrestres tandis que les anges l'emmèneront en direction du paradis... Je voulais pour lui ce que quelques années plus tôt je souhaitais pour ma mère…
-... : Hum hum, je peux entrer?
-Moi : Oui Khadija, pas la peine de demander. Je suis pas chez moi de toute façon.
J'entendais ses pas se rapprocher, le lit épouser les courbes de son corps. Je sentais ses mains sur mes épaules, sa joue contre la mienne, ses larmes se mélanger aux miennes.
-Khadija : Je te comprends Nessma, vous étiez trop proches pour ne pas que ça te touche. Moi-même je suis atteinte et pourtant on avait pas votre relation. Sache que je suis là, pour Yemma j'ai fait la conn*, j'étais pas là pour toi mais crois-moi que par Allah je vais changer ça, je vais pas faire deux fois la même erreur ma chérie. Je serais là. A une, deux ou trois heures du matin tu me trouveras prêtes à t'ouvrir mes bras. Chez moi c'est désormais chez toi, et viens pas me dire "Soryan il va me détester" parce que s’il est pas content il prend son sac, ses Nike Air et il rentre chez sa mère. Ma sœur elle passe et passera toujours avant lui...
Sur le coup sa phrase m'avait fait rire. En y repensant c'est vrai que pour la mort de Yemma j'étais seule à poncer mes plaies en cachette, à espérer qu'un jour elle se rachète. Aujourd'hui, c'est ce qu'elle a fait, elle m'a montré qu'elle avait compris et appris de ses erreurs... Une belle victoire.
Nous sommes restées de longues heures allongées l'une à côté de l'autre, à nous remonter le moral à tour de rôle. Elle avait su trouver les mots, des mots qui sont venus à me manquer il y a quelques années.
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La nuit tombée, les gens enfin rentrés, je m'adosse sur ce muret je pense, mes pensées vont à tout ceux qui m'ont quitté, aujourd'hui mes larmes coulent à flot comme ce jour où tu nous as quitté, la blessure reste cependant intacte, moi qui pensais que le temps était synonyme d'oubli je me suis trompée car ton souvenir reste intouchée, ta mémoire est mienne...
Dans ce brouhaha qui résonne dans ma tête je peux entendre des phrases vides de sens, j'entends des bouts de conversation ...
-... : Il est où Rédouane?
-… : Il est allé à la gare, chercher des gens...
Rédouane où est tu quand mon corps réclame une épaule sur laquelle pleurer ? Tu laisses mon organe à la merci des balles de la vie...
J'ai envie de pleurer jusqu'à ce que mon corps se déshydrate. Je suis posée sur ce petit mur devant ton ancien chez toi et je pleure à chaudes larmes, ma carapace a cédé sous la pression de la vie. Je ne peux plus montrer ma force maintenant que je suis devenue faible. Les épreuves m'ont affaiblis, l'abandon m'a rendu fébrile...
Dans une buée de larmes je vois Rédouane arriver, il se dirige vers moi les larmes aux bords des yeux, je l'enlace fort. Je retiens mes pleurs pour ne pas déclencher les siens quand j'aperçois ce corps...
-Moi : Jibril ?
Mon regard s'arrête sur cette silhouette sortant de la voiture, Jibril, tu ne m'as pas abandonné ? Tout ceci n'était qu'une fichue blague ? La silhouette se rapproche et je vois ce visage qui m'avait tant manqué, je revois cette cicatrice bordant sa lèvre... Ses yeux malicieux marqués par le chagrin, pourquoi être revenu aujourd'hui ?
-Moi : Jalil ?
-Jalil : En chair et en os.
Mes pleurs s'accentuent, sa phrase me rappelle que Jibril n'est plus qu'un souvenir, que son corps, plus jamais je ne le toucherais...
-Jalil : Viens là ma grosse.
Je trouve refuge dans ses bras, son arrivée joue le tampon sur mon âme. J'avais besoin de lui mais ma fierté m'empêchait de demander de l'aide, mon appel était un message au secours, je pensais qu'il le laisserait sans réponse mais non, le voilà là à mes cotes…
-Jalil : Sèches tes larmes, je suis al maintenant.
Un accès de fierté me fait reculer, sa façon de croire que sa simple présence arrangerait tout et me ferait oublier que ce matin j'ai enterré mon cœur attise ma colère ...
-Moi : ... Je veux pas de toi, je veux plus te voir. Pourquoi t'es ici d'abord ?
-Jalil : Parce qu'une demoiselle en détresse m'a appelé au secours…
-Moi : Elle a besoin de personne, j'ai besoin de personne et encore moins de toi. Tu m'abandonnes comme un lâche, tu me fais des tonnes de promesses sur la comète et après tu les brises en me demandant de refaire ma vie ? T'es mal placé pour venir à mon secours.
-Jalil : ...
-Moi : T'es plutôt le meurtrier, assassin de mon cœur ouais.
J'en ai marre de cette situation, la mort a remis les pendules à l'heure. Je peux m'en aller demain, et je ne veux pas bâtir mon histoire sur du haram (*illicite*), je ne veux pas espérer qu'un beau jour après des années d'amour il puisse enfin franchir ma porte pour me faire la plus belle des promesses : faire de moi sa femme... Je ne veux plus souffrir, mais je sais que si j'ajoutais ce drame à son absence je serais à jamais meurtrie alors je feinte la haine, la colère et la rancune bien que mon cœur danse sous les assauts de ses regards…
-Jalil : Sors pas des grandes phrases que tu pourras pas assumer Nessma.
-Moi : Et pourquoi j'assumerais pas ?
-Jalil : Parce que tu l’sais aussi bien que moi que tu m'as pas appelé pour rien, t'as besoin de moi autant que j'ai besoin de toi. Je suis revenu Nessma, je suis là donc plus la peine d’faire jouer ta fierté alors que je l'ai mise de côté pour venir ici.
-Moi : Pourquoi t'es parti ?
-Jalil : Tu l’sais déjà ...
-Moi : Pourquoi t'as pas assumé une fois là-bas ? Dis-moi pourquoi t'as fui lâchement ?!
-Jalil : ...
Il s'assoit sur ce même muret qui berçait ma peine quelques minutes plus tôt, je le regardais il en avait gros sur le cœur. Il me prit la main et d'une pression je me retrouvai assise a ses coté contemplant ses traits…
-Jalil : J’suis parti, tu sais pourquoi Ness ? Est-ce que tu sais ce qui m'a poussé à m’barrer ?
-Moi : Ta mère...
-Jalil : Y a pas qu'elle, je suis parti aussi à cause de Yassine. Mais tu l’sais pas ça. J’pensais pas te l’dire un jour mais j'ai eu le temps de réfléchir au pays et j’suis parti sur un mensonge...
-Moi : Je comprends pas, Yassine il a quoi à voir dans l'histoire ?
-Jalil : Je lui ai parlé d’nous, je lui ai clairement dit mes intentions et il m'a dit que jamais il accepterait que sa sœur s’marie avec son frère de galère, qu'il me connaissait trop bien pour savoir que j’te convenais pas. Mais il sait pas, il sait pas que sans toi je suis du-per, que sans voir ta tête j’perds mes repères. Il pense que j’m'amuse avec toi, mais il sait pas que j'ai jamais été aussi sérieux de ma vie.... On en est venu aux mains, c'est parti en couill*s j'ai préféré partir.
-Moi : Pourquoi tu me l'as pas dit ? Tu sais que depuis ton départ il est infernal avec moi ? Il me fout la misère, j'ai cru qu'il allait me tuer à force de me haïr ...
-Jalil : WAllah que je suis désolé Nessma, j'ai brisé votre famille. J’pouvais plus assumer donc c'est ce qui m'a poussé à partir.
-Moi : Pourquoi tu m'as fait plein de promesses alors que tu savais que t'allais jamais les tenir ?
-Jalil : J’pensais arriver à t'oublier, j’commençais à plus penser à toi en journée, mais tu m'as appelé... J'ai entendu ta voix, j'ai compris que j’pouvais plus me passer de toi. Je mets ma fierté de côté là, j'espère que t'en es consciente ...
-Moi : Je vais mettre mon cœur dans ma poche... Je suis consciente de tout ça mais ça n'empêche pas que t'es parti en me laissant seule face à Yassine. On fait quoi maintenant ?
-Jalil : J’vais lui en reparler, j’ vais trouver les mots et cette fois ci je porterais ce qui y a dans mon caleçon... Quitte à lui dire que j’suis amoureux de toi je l’ferais mais j’repars pas sans t'avoir épousé.
-Moi : ...
Je voulais lui dire que j'admirais son courage, son combat contre mon frère. Je le voyais avec l'envie de se battre pour notre histoire et ça me réchauffait le cœur. Je me disais intérieurement que peut être son départ n'était pas une façon de tirer un trait sur moi mais plus de tirer un trait sur son manque de courage, il n'a pas réussi à aller au fond des choses, au fond de ses envies et ça l’a conduit à la fuite.
Aujourd'hui il est devant moi, prêt à poncer mes blessures, à se battre pour notre envie de s'unir devant Dieu. J'étais euphorique, et soudain je regardais le Ciel et je me rappelais que celui qui a su me guérir de mes maux n'était plus de ce monde, je pleurais, je reniflais devant Jalil qui a simplement tiré mon corps contre son torse, niché ma tête dans son épaule.
On est resté un long moment assis tous les deux, il s'en ai grillé une tandis que j'aspirais à une vie enfin heureuse...
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Le lendemain, je me réveille les yeux gonflés, le moral dans les chaussettes. Jalil avait pris une chambre d'hôtel pour la nuit...
Je me dirige vers la salle de bain et m'arrête devant la chambre de mon Jibou. J'ouvre cette porte qui détient tant de souvenirs et je pleure. Mes larmes coulent, mon cœur se vide de son sang à mesure que mon chagrin se ressent...
-Yass: Arrêtes de pleurer, la mort fait partie de la vie.
-Moi: T'oses me dire ça à moi ? La mort n'est donc pas un rappel ? Tu crois que quand tu te trouveras dans sa position à Jibril, tes actions dans le haram (*l’illicite*) t'aiderons ? Tu penses que c'est grâce à ça que tu sauras répondre aux questions de Mounkir et Nakir ? Arrêtes de rêver le jour où tu seras là, tes amis et collègues de bibi ne pleureront pas sur ton sort, ils cracheront sur ton corps. Réveille toi mon frère, la mort est un rappel pour les vivants.
-Yassine : Jalil il est de retour tu reprends la confiance ?
-Moi : Me parles jamais de Jalil, je te parle de toi.
-Yassine : Écoutes moi bien petite crasseuse, ce que t'as fait avec mon pote je vais t’le faire payer. Tu crois que j’suis une pédale pour laisser ma sœur s’faire sauter par mon pote ? Non jamais, je dis bien jamais t'épouseras Jalil. Il mérite une fille bien lui...
-Moi : Tu crois vraiment que je m'appelle Yassine ? Moi contrairement à toi j'ai pas oublié Yemma. Elle est peut-être plus avec nous mais j'ai trop de respect pour sa mémoire, trop peur de mon Créateur pour souiller mon corps avant le mariage. Mais tu le saurais si seulement tu me connaissais. T'es égoïste. WAllah que t'es égoïste et ça me fait mal de voir que même Yemma te dissuade pas de faire tes bêtises, tu penses à personne mise à part toi donc arrêtes de me faire la morale. Ouais Jalil c'est mon homme, ouais on va se marier que tu le veuilles ou non. T'as jamais été là dans ma vie tu vas pas faire ta loi aujourd'hui...
Son regard était noir, ses mots étaient blessants mais je prenais l'habitude de me faire insulter. Mon frère n'aime pas qu'on le rappelle à l'ordre mais mon frère un jour il sera trop tard et tu supplieras Allah de te laisser un délai dans l'espoir de mettre en pratique tous Ses rappels. Il sera déjà trop tard.
C'est donc ça ? Tu penses que je me suis offerte à lui ? Tu me vois comme toutes ces filles qui peinent à garder leur fierté pour ce jour merveilleux où ton amour sera reconnu par Allah et par tous, je ne suis pas comme ça. J'ai trop de respect pour ma personne et surtout pour la femme qui m'a élevé pour me laisser aller à mes passions, et trop peur d'Allah pour ça... Mais ça tu le saurais si tu me connaissais un petit peu.
-Yassine : Tu vas pas assumer. Tout ce que t'as dit j’le garde là (il tape sur son crâne). J’vais l'utiliser contre toi quand il faudra et tu verras que tu vas pas assumer. Allez casse-toi bouffonne.
Il finit par partir, la tempe battante, les poings serrés. Je file me coucher dans le lit de Jibril, je m'imagine pleurant dans ses bras, lui conter mon désarroi. Si seulement tu pouvais encore être à mes côtés, j'aurais tant aimé t'enlacer...
Je me retrouve ici sur ce lit seule avec ma tristesse, mes larmes coulent à nouveau, mon cœur saigne de plus belle. Le bonheur ? J'en rêve chaque soir…
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Les semaines sont passées, nous sommes retournés sur Paris le cœur lourd, plein de remords et de tristesse...
Jalil avait décidé de rester quelques mois avant de prendre une décision définitive, entre lui et moi c'est distant. Je ne sais pas mais ce que m'a dit mon frère me fait peur, si mon sang pense de la sorte que doivent dire ou penser les gens ? Je n'assumerais jamais de salir le nom de ma mère ni même la réputation que s'est bâti mon père. Il a assez souffert avec mes frères et sœurs. Une distance s'est installée entre nous contre notre gré, Jalil venait de moins en moins à la maison et quand il venait à me croiser il m’adressait un simple sourire en coin en guise d'acte d'amour...
Je pensais encore et toujours à Jibril, sa mort a remis les pendules à l'heure j'étais sûre de moi et de mes choix. Ce drame a eu le coup d'un électrochoc, je ne voulais plus voir Jalil en cachette, je ne voulais plus de cette relation clandestine. Je lui en ai parlé, sa réaction ? Il s'est énervé.
-Moi : Je veux plus de ça Jalil, je passe pour une khemja (*salop**), on a jamais parlé sur mon dos et je veux pas que ça commence aujourd'hui. On arrête notre relation clandestine, on attend patiemment que notre mektoub (*destin*) arrive.
-Jalil : Mais tu crois que c'est simple ? Tu penses pas à tout ce qui vient avec. J'ai pas d'appartement, ni de taff, ton frère veut pas qu'on se marie, dis-moi comment tu veux qu'on fasse ?
-Moi : Jalil, Jibril il est mort, il est mort. La vie est trop courte pour vivre dans le haram (*l’illicite*). Non je veux plus de cette vie, je veux embrasser mon père sans avoir honte de moi. J'attendrais patiemment ton arrivée, le temps qu'il faudra... Qu'Allah nous facilite.
-Jalil : Amine. Mais je suis revenu pour toi, si t'arrêtes tout je reprends mon avion.
-Moi : Non j'arrête pas de t'aimer, juste on arrête de se voir.
-Jalil : Demain j'en parle à ton frère. Et sur la tombe de ma grand-mère que s'il accepte pas je m'appelle pas Jalil.
-Moi : Ok je te fais confiance...
-Jalil : Moi j’fais confiance à Allah.
-Moi : ...
J'étais sans voix, entendre l'homme qui fait battre mon cœur parler de la sorte, se battre pour nous me procurais une immense joie. Je l'aimais un peu plus chaque jour, ma foi grandissait à mesure que les épreuves assaillaient mon être…
Je priais pour qu'Allah nous facilite, qu'Il dénoue sa langue pour qu'il puisse plaidoyer de la meilleure façon, qu’Il soit en faveur de notre amour. J'ai passé la soirée à prier, implorer Allah de nous faciliter, d'écarter ce qui est néfaste pour moi, éloigner mes ennemis et rapprocher ce qui est pour moi un bienfait…
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Le lendemain, j'étais tendue, je savais que c'était le jour où tout se jouait. Je voulais tant m'unir à Jalil.
Finalement j'ai repris mes occupations, mes révisions. J'étais en quête d'évasion, j'essayais tant bien que mal de ne pas penser à ce qui pourrait se passer si Yassine n'acceptait pas notre histoire.
J'écoutais à l'ancienne, comme de nombreuses filles, des chansons où le grand frère refusait que sa sœur sorte avec son pote, ce qui finissait souvent en crime passionnel. Je priais pour que mon histoire ne se passe pas comme ça, que mon frère ne s'oppose pas...
J'étais obnubilée par mes révisions quand j'entends la porte d'entrée claquer violemment. Mon cœur a fait un bond, ma peur me glaça sur place. J'attendais qu'il vienne me voir pour m'en parler, mais son geste n'annonçait rien de bon…
-Yassine : NESSMAAAA !
-Moi : Oui je suis dans ma chambre.
J'entends ses pas, mon cœur s'accélère, mon histoire se joue sur cette conversation. J'affronte de plein fouet mon futur...
-Yassine : Faut qu'on parle.
-Moi : Je t'écoute.
-Yassine : J’vais être clair ce que t'as fait avec Jalil je m'en bats les couill*s. C'est ta ive mais moi jamais j’laisserais ma p’tite sœur me la mettre à l'envers. Ça fait deux piges que vous me la mettez à l'envers. J’suis pas une tapette pour vous laisser vous marier. J’suis qui moi ?
-Moi : ...
-Yassine : Réponds ta race.
-Moi : Je sais pas quoi te dire, Rédouane sort bien avec ma copine j'en fais pas une affaire d'état.
-Yassine : Haha j’crois que y a un truc que t'as pas pigé, moi j’suis pas un tahane pour que mon pote il touche ma sœur, qu'il pense salement d'elle. Non j’le connais lui il est pas sincère avec les filles donc il fait le chien avec qui il veut mais pas avec ma sœur. On va dire quoi sur moi ? "Mattes Yassine sa sœur et son pote lui ont mis à l'envers". Jamais d’la vie j'accepterai ça. T'as compris ? J'ai parlé avec lui, il m’parle d'amour, de respect… C'est pas un mec bien, il a fait de toi une vieille meuf sans pudeur ni respect alors crois pas que j’vais accepter cette situation…
-Moi : T'as pas le droit, t'es personne pour refuser notre union. Je vais en parler avec baba tu verras que lui il sera d'accord…
Il me saisit la mâchoire et sert fortement avec ses doigts à tel point que je sentais la pression de sa mains le long de mes dents...
-Yassine : Crois-moi que si tu fais ça j’me chargerais de Jalil, il partira et reviendra plus...
-Moi : Pourquoi tu me fais ça ?
-Yassine : Tu récoltes ce que t’as semé, tu veux faire ta kehba (*put**) avec mes potes ? Assume.
Il est parti en ricanant, j'avais le cœur en miette, mon frère refusait indéniablement notre union, notre amour... Jalil et Nessma n'était donc plus d'actualité, j'ai tellement peur pour Jalil que je n'en ferais rien. J'ai demandé à Allah de m'éloigner de ce qui est néfaste pour moi, je prends ceci comme un signe...
J'envoie un ultime message à Jalil, un message qui clôturera notre histoire : "Jalil, mon frère ne veut pas de toi comme beau-frère, j'ai vécu de beaux moments avec toi, tu m'as remonté le moral quand plus rien n’allait, tu as su écouter mon cœur, m'aimer comme aucun n'a su le faire. Aujourd'hui notre histoire touche à sa fin. Jamais je ne t'oublierais, tu vas me manquer terriblement mais je m'habituerais à ton absence. Je me suis habituée à celle de ma mère, de Jibril, je m'habituerais à la tienne... Je t'aime. "
J'ai versé des larmes en cherchant mes mots, cet énième texto restera sans réponse... Ma vie a viré au drame. On n'oublie pas une personne on s'habitue seulement à son absence...
Au nom d'Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
D'après Abdallah Ibn Omrou (qu'Allah l'agrée), nous avons prié le maghreb avec le Prophète (que la prière d'Allah et son salut soient sur lui), certains sont repartis et d'autres sont restés. Le Prophète (que la prière d'Allah et son salut soient sur lui) est alors venu à très vive allure au point où ses genoux se sont découvert et il a dit: « Recevez la bonne nouvelle, voici votre Seigneur qui a ouvert une porte parmi les portes des cieux, il se vante de vous auprès des anges, il dit: Regardez mes serviteurs, ils ont accomplis une obligation et ils en attendent une autre (*) ».
(Rapporté par Ibn Maja dans ses Sounan n°801 et authentifié par Cheikh Albani dans sa correction de Sounan Ibn Maja)
(*) Ce hadith montre le mérite de rester à la mosquée après une prière en attendant la prière suivante.