" L'état des lieux n'est que misère mais vers les cieux. Je lève les yeux priant tout miséricordieux, mes aveux, tous mes vœux les plus précieux s'envolèrent de mille feux dans mon ciel orageux. Je voudrais pouvoir retrouver ma vie d'enfant, tout était plus simple et rien qu'en y pensant. Le bonheur s'allonge sur mes douleurs, la nostalgie des lueurs donne les couleurs de ma peur. "
J'arrive chez moi, j'ouvre la porte, c'est calme. Apparemment, personne n'est à la maison.
Je fonce dans ma chambre afin de poser mon sac. Dans ce petit appart, il y a un long couloir où se trouve les portes des chambres et de la salle de bain. Je passe donc par le couloir mais arrivée au niveau de la porte de la salle de bain qui est fermée, j'entends une voix... Mais, je la reconnais...
Qui est ce Soryan ? J'ai déjà entendu ce nom quelque part, je m’adosse contre la porte et j’y décèle des larmes, des torrents de larmes. Sur un coup de tête je me décide enfin à frapper à cette porte.
- Oui, c’est qui ?
- Moi : C’est Nessma, Khadija ouvres moi.
- Khadija : (à voix basse) Ohhh c’est ma sœur, vas-y Soryan on en reparlera mais tu peux pas me laisser. (à moi) J’arrive
Soryan ? Le copain actuel de ma grande sœur, son prénom est connu des services de police. Aussi recherché qu’un loup blanc, en cavale comme Mesrine. Le genre de mec pas fréquentable mais que ma sœur fréquente et qui lui fait vivre la misère. Combien de fois elle est rentrée à la maison couverte de bleus, elle a des tas d’équimose sur le cœur qui lui fait haïr le bonheur. Quand je vous dis qu’il est connu des services de police c’est un euphémisme. A vrai dire, c’est LE DEALER par excellence, celui que tout le monde veut chopper. Le « maître du jeu » comme ils aiment à l’appeler car en effet, le biseness est entre ses mains. Le réseau ? C’est lui. Son bras est aussi long qu’une autoroute, il est déjà tombé pour braquage à mains armées et d’autres délits plus fous les uns que les autres. Et c’est surement en voyant mon modèle, ma grande sœur, pleuré tous les soirs au nom de l’amour que je refuse d’être prise dans ses filets. Je refuse d’être résigner à pleurer un homme, je pleure déjà assez la plus belle femme de ma vie, ma mère pour rajouter un homme par-dessus le marché. Non j’ai toujours pensé que pleurer pour un homme était une faiblesse, le laisser entrer dans votre cœur afin de le broyer de l’intérieur voilà pour moi ce que représente l’amour souvent synonyme de tristesse.
Elle sort enfin de cette salle de bains, essuyant ses perles salées qui ont délicatement coulées sur son doux visage. Cette jeune femme est belle, mais son visage est terni par le remord. Qu’a-t-elle fait de si horrible pour que son faciès en soit imprimé ?
- Moi : Khadija ?
- Khadija : Ouais y a quoi ?
- Moi : Tu peux m’parler tu sais.
- Khadija : Ouais bah j’ai pas envie là tu vois.
Et elle me bouscule en se dirigeant nerveusement vers NOTRE chambre. Je serais une personne horrible et sans conscience si je ne voyais pas l’appel au secours de ma sœur. Sa détresse se lit sur son visage, sa peine est transparente et à la fois apparente. Ma chair de ma chair pleure, son cœur pleure et le mien par la même occasion. J’admets que depuis la mort de yemma nous avons pris des chemins opposées mais cela n’enlève en rien notre lien de parenté, je n’ai qu’une grande sœur et j’me dois d’en prendre soin même si ce n’est pas forcément mon rôle mais plutôt celui de me frères adossés dans notre hall.
Je me décide alors de tout lui dire, lui dire tout ce que j’ai refoulé au fond de mon être durant des mois. Ce fameux silence est prêt à éclater tel un orage en pleine tempête, une façon pour moi de me vider la tête. Bismillah.
- Moi : Khadijou (ça faisait bien longtemps que je ne l’avais plus appelé comme ça), tu sais tu peux me parler. Je suis ta petite sœur. Depuis le départ de yemma j’ai l’impression de te perde. Parles moi, dis-moi ce qui te tourmente parce que tu n’en es pas consciente mais te voir comme ça me fait mal, autant que de voir les larmes coulés sur le visage de baba. Viens t’assoir et raconte-moi tout ma grande.
Oui j’ai ce côté maternelle même avec ma grande sœur. Je me demande souvent si yemma serait fière de moi, et après je regarde comment je tiens notre famille à bout de bras et je me dit que face à une enfant palestinienne mes plaintes et mes tracas ne devraient pas rendre fière. On me reproche souvent de vouloir prendre sa place mais j’en suis contrainte tous les jours. En effet, si je ne m’occupe pas de cette maison qui le fera ? Khadija ? Trop occupé avec ses problèmes personnels. Mon père ? Trop fatigué pour porter une famille de 6 enfants. Mes frères ? Mise à part la bicrave ils ne sont pas doués à grand-chose.
Elle s’assoie et fond en larme dans mes bras et m’avoue enfin la cause de son mal être :
- Nessma, j’en ai marre des hommes. J’en peux plus de leur vices.
- Moi : Et c’est pour ça que tu pleure ? Y a des enfants qui meurent chaque jours que Dieu fait en Palestine et tu te rends malade pour un garçon ? T’as trop changé Khadija.
- Khadija : Excuse-moi de ne pas être toi. La vie est tellement plus facile pour toi. Tu te lève tu vas à l’école, tu te prends pas les reproches de papa dans la gueule.
-Moi : D’où la vie est facile pour moi ? Tu ne fais même pas le quart de ce que je fais. Les courses c’est moi, le ménage c’est moi, les jumelles c’est encore moi. Dans cette maison c’est moi qui m’occupe de tout. Parfois je me demande qui est la grande dans la baraque.
Elle se met à pleurer de plus belle, mais ce sont des larmes de colère et de rage. J’ai l’impression qu’elle me hait, c’est dur de se dire que notre sœur nous hait mais ce soir là j’avais cette impression qui me glaça le sang.
-Khadija : Et après tu te demandes pourquoi je ne parle jamais avec toi ? Tu aimes prendre les gens de hauts alors que tu ne connais rien à la vie…
-Moi : Ah parce que maintenant Madame connais quelque chose à la vie ? T’es devenue une femme tu te sens plus ? Mais la vie c’est pas ça, c’est pas le dernier mot à celle qui à le plus péché j’te signal.
Une gifle bien méritée. J’ai toujours respecté ma sœur mais il y a des moments où je craque, où ses reproches pèsent lourds sur le moral. Elle qui est censé me montrer le chemin ne fait que me conforter dans mon choix de ne pas lui ressembler, elle qui a pendant longtemps été mon model devient le modèle à ne pas suivre. J’ai peur de finir comme elle, de me perdre dans la tourmente. Yemma surtout ferme les yeux devant ses actes, fermes les yeux lorsqu’elle désobéit à notre Créateur. Ne regarde pas la pourriture qui s’accroît en elle et surtout ne regarde pas ma faiblesse face à sa situation…
- Moi : Walah que j’te comprends plus. Il est où ton soucis avec moi ?
- Khadija (de nouveau en pleure) : Tu ne comprends pas ? Tu ne comprends pas que je t’envie depuis que je suis petite ? Tu as toujours été celle que yemma chouchoutait. Et même aujourd’hui elle doit surement te préférer à moi. Tu as un comportement exemplaire et moi à côté de ça je me noie dans mes pêchers. Tu oses encore me demander ce que j’ai contre toi ?
- Moi : Tu dis n’importe quoi. Tu penses que je ne craque pas ? Tu penses que je ne souffre pas de la situation ? Yemma me manque, je pleure chaque soir mais tu t’en fiche.
- Khadija : Je t’entends mais j’suis tellement mal moi-même que je ne saurais même pas trouver les mots pour te consoler.
-Moi : Parfois un geste suffit mais bon on ne va pas polémiquer dessus. Explique-moi le pourquoi du comment que je comprenne.
- Khadija : J’ai fais une grosse connerie. J’ai donné mon corps à Soryan. Je lui ai donné ce qui était le plus précieux chez une femme. J’me sens sale, trahi. Tu ne peux pas savoir à quel point je m’en veux. Quand je te vois toi, petite femme de 18 ans portée notre famille à bout de bras j’ai honte, honte de moi. De ne pas faire le quart de ce que tu fais ici. Soryan ne veut plus me voir, il s’est servi de moi. Je sais plus quoi faire.
-Moi (la prenant dans le creux de mes bras) : L’erreur est humaine mais le pardon est divin. Tu ne sais plus quoi faire ? Commence par implorer le pardon de ya Rabi. Il est certes Miséricordieux, demande lui te t’éloigner du mal et de la mauvaise fréquentation. C’est une épreuve qui est là certainement pour te rapprocher d’Allah et revenir aux sources et surtout à ta religion…
- Khadija (à nouveau en pleure) : J’ai honte, j’ai tellement honte de moi. J’en suis réduit à demander conseil à ma petite sœur. J’ai commis un pécher et tu es toujours là les bras ouvert. Ma sha Allah, je t’envie ma sœur ; j’aimerais avoir ta force et ton courage. Comment tu fais Ness ? Parce que moi j’y arrive plus, depuis que yemma nous à laisser j’y arrive plus.
-Moi : La religion, Allah est notre meilleur garant. Quand personne ne te vois pleurer, lui est là prêt à t’écouter et à te consoler avec ses paroles (le coran). Tu pense que tout le monde t’as abandonné ? Mais lui est là, il t’éprouve pour tester ta foi. La mort de yemma est une épreuve de plus, un rappel de plus. « Chaque âme goutera à la mort » (sourate 3- verset 185 ), on est que de passage. C’est comme ça que je me rassure et c’est grâce à mon tapis et à mon dîne que j’arrive à m’en sortir.
- Khadija : Ness, merci. Tu pourras me réveiller demain matin pour salât el fajr (*prière de l’aube) ?
-Moi : Bien sûr Khadijou.
Elle m’e serra fort dans ses bras. J’étais si nostalgique de notre enfance, de nos moments passés à jouer ensemble, je me rappelle encore quand elle me coiffait pour que je sois la plus belle de la cité. Elle me faisait de belle couette, m’ondulait mes cheveux couleur caramel avec un crayon et y attachait de jolies rubans. Etant petite, ma grande sœur était celle qui me défendait contre les grandes, elle me montrait comment être une vraie petite fille coquette. Elle m’apprenait à ne surtout pas faire confiance aux garçons je me rappelle encore quand elle me disait « Ness, si un garçon veut jouer avec toi ; tu lui réponds que tu as deux frères au collège ». Des souvenirs balayés par la souffrance et l’amertume. Ce sont ces mêmes souvenirs qui aujourd’hui alimentent ma plume.
Le lendemain matin nous nous sommes réveillez pour salât el Fajr et avons prié ensemble. Quel beau tableau, yemma j’espère que de l’au-delà tu nous aperçois et que tu es fière de nous.
Les semaines passaient, les mois et je sombrais dans la routine. Cette routine qui me poussait à voir mes frères couler plus profondément un peu plus chaque jour, mon père pleurer en silence devant sa photo de mariage, ma sœur qui petit à petit retrouvait le chemin de la religion et mes deux petites jumelles qui sommeillent encore dans l’insouciance de leur enfance. Je voudrais y revenir à cette enfance où j’ignorais la dureté de ce monde, oui, l’ignorance était la plus belle des défenses. Cependant aujourd’hui j’ai appris à mes dépends que la vie n’est pas toute rose, nous subissons des épreuves afin de faire nos preuves ; cette phrase est véridique et j’espère au plus profond de mon cœur que mes preuves ne sont plus à faire, que je rende fière ma mère…
Niveau étude ? Je m’en sortais de mieux en mieux grâce à ma petite bande, ils ont été mon rempart contre la solitude. Ils m’ont apporté un soutien qui venait à me manquer depuis quelques mois. Certes, je ne comprenais pas toujours leur langage mais je me sentais en sécurité. Aussi bizarre que cela puisse paraitre, mon cœur était apaisé et je dois avouer qu’ils ont été ma piqure de bonheur dans cet océan de malheur… Pourtant ils ne connaissaient pas encore la cause de ma tristesse, je n’avais pas encore trouvé le courage de leur dire ce que contenais mon cœur dans toute sa détresse. Un jour peut-être, j’aurais la force de le dire, de mettre enfin des mots sur ma souffrance qui petit à petit deviens délivrance grâce à Soumaya et Omran. De plus, je remarquais une certaine pulsion entre eux : des regards, des petits gestes. Je croyais de plus en plus en ma thèse de départ qui est « les deux loulous se kiffent mais n’arrivent pas à se l’avouer ». C’était tellement mignon de les voir, un amour à la -je t’aime, moi non plus-, Omran était jaloux des garçons qui l’a regardais et Soumaya me pinçait quand elle voyait une fille s’approcher top prêt de son « pote à la compote ».
Je menais mon train-train quotidien jusqu’au jour où…
Le Saint Coran dit de la fornication : « Et n'approchez point la fornication. En vérité, c'est une turpitude et quel mauvais chemin! » Sourate 17 - Verset 32