Chapitre 40: Victime colatérale

79 7 3
                                    

Retour du point de vue de Mélissandre Heartwood, dans un lieu inconnu

Je reprends peu à peu mes esprits avec un mal de tête épouvantable. Le chloroforme fait des ravages de ce côté là, il n'y a pas à nier. Je me sens nauséeuse et totalement déboussolée si bien que je dois d'abord me concentrer progressivement sur les premières impressions qui m'assaillent avant de pouvoir réfléchir correctement.

Je me trouve dans un lieu froid et faiblement éclairé. J'ai l'impression que l'une de mes mains est menottée à un mur de pierre. Je suis d'ailleurs allongée face à ce mur, à même le sol froid. Dans la pièce à laquelle je tourne le dos, des voix résonnent étrangement non loin de moi.

Première voix: Ton maître se doute t'il que tu travailles pour moi?

Deuxième voix: Non. Et je tiens à préciser que je ne travaille pas pour vous mais en collaboration avec vous.

Première voix: Si tu y tiens. Quand est il de l'autre que je vous avais demandé de mordre au cas où? Il semblerait qu'on ait besoin de lui plus tôt que prévu!

Deuxième voix: Le processus de transformation est enclenché. Il est au sous-sol.

Première voix: Bien.

Une porte s'ouvre en claquant quelque part et j'entends le bruit de quelque chose de lourd que l'on traîne par terre jusqu'au mur à côté de moi.

Quelque chose qui gémit faiblement.

Puis il y a un bruit de chaînes.

Première voix: Vous lui avait administré une bonne dose de votre venin j'espère!

Troisième voix: Oui. Deux novices l'ont mordu jusqu'à déverser dans ses veines la totalité de leur calmant. Il devrait être dans les vapes au moins jusqu'à demain!

Celui à qui appartient la deuxième voix ricane.

Deuxième voix: S'il ne crève pas avant! On a vu des loups-garous mourrir empoisonnés pour moins que ça!

La première voix le ramène à l'ordre d'un ton sec. Encore une fois, j'ai l'impression de la reconnaître mais mon esprit est encore trop embrumé pour me permettre de mettre un nom dessus.

Première voix: Attachez le solidement tout de même et je veux des hommes devant cette porte. Au moindre signe d'agitation, il faudra être prêts à lui en remettre une dose!

Troisième voix: Comme vous voudrez.

Deuxième voix: Auriez vous peur de lui? À votre place, je craindrais plutôt la sorcière! Ces femmes sont plus garces qu'elles n'y paraissent!

Première voix: Je suis prudent, c'est tout. Et je n'ai pas besoin de vous pour déterminer qui craindre ou non. Si je m'associe à vous, c'est uniquement parce que nous avons des intérêts communs. Mais je n'en pense pas moins!

Deuxième voix: Allons bon! Et quand est-il de notre arrangement ?

Première voix: Comme promis, vous aurez votre poison pour mettre fin au règne du Maestro. Ce n'est ni plus ni moins cette sorcière qui nous le fournira. Mais je ne vous le donnerai que lorsque j'aurai obtenu ce que je veux.

J'entends des bruits de pas sur la pierre lisse et les voix s'éloignent.

Première voix: Prévenez moi lorsqu'elle se sera réveillée! J'ai des questions à lui poser avant de lui régler son compte une bonne fois pour toute!

La porte claque et le silence revient dans le grand hall froid. Après avoir encore attendu une bonne minute immobile par précaution, je me décide enfin à bouger pour me redresser en position assise. La tête me tourne mais je réussi à m'adosser contre le mur pour balayer du regard l'endroit où je me trouve. La vue des longs bancs en bois alignés sur deux rangées et de l'autel en pierre surmonté d'un crucifix ne laisse aucun doute: je me trouve dans une église.

Lorsque je tourne la tête à ma gauche vers l'endroit où j'ai entendu le bruit de chaînes, je ne peux retenir une exclamation de surprise.

Moi: Deucalion!

Échevelé et portant seulement un t-shirt gris simple par dessus un jean, mon voisin a un peu perdu de sa superbe. Constater que nos agresseurs n'ont pas hésité à malmener un infirme me révolte. À ce moment là, il faut avouer que je n'ai pas encore eu de véritable apperçu de ce que cet "infirme" peut réellement faire...

Deucalion: Mélissandre.

La voix de Deucalion est laborieuse et ralentie, probablement parce qu'il lutte contre le poison des vampires qui circule dans ses veines. J'essaye de le rejoindre mais la chaîne qui m'emprisonne le poignet droit m'empêche de franchir les derniers centimètres qui me séparent de lui.

Je m'inquiète.

Moi: Deucalion, qu'est-ce qui vous est arrivé ?!

Deucalion tourne la tête vers moi et hausse les sourcils.

Deucalion: Des hommes ont débarqué chez vous avec des intentions manifestement hostiles. Quand je rentrais chez moi, ils me sont tombés dessus...

Moi: Mais, je croyais que les vampires ne pouvaient pas entrer chez les gens si ils n'y étaient pas invités!

Deucalion: Ce n'était pas tous des vampires. La plupart étaient des Prédicateurs.

J'accuse la nouvelle avec un sang froid dont je ne me sentais pas capable. Peter m'avait prévenue, je savais qu'ils étaient après moi. J'espérais secrètement qu'ils ne me trouvent pas  parmi la population dense du centre ville. De toute évidence, mes espoirs étaient vains.

Moi: Je suis vraiment désolée. C'est à cause de moi qu'ils s'en sont pris à vous. Quelque soit l'endroit où je me trouve, j'ai toujours eu tendance à provoquer des victimes colatérales autour de moi...

Deucalion lève un sourcil.

Deucalion: Ce n'est pas vous qui m'avez tiré de chez moi. Vous n'y êtes pour rien.

Le loup-garou fronce les sourcils, manifestement en proie à une douleur soudaine. Je m'affole. Je me souviens de ce qu'a dit l'un des hommes à propos du poison de vampires. Deucalion est en danger de mort!

Mélissandre Heartwood T4: La confrérie des vampiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant