Chapitre 6 - Souvenirs douloureux

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En jetant un coup d'œil rapide dans le miroir, elle trouva que la robe la rajeunissait pas mal mais était jolie.

Elle entreprit de peigner et de coiffer ses cheveux en se faisant une tresse contournant sa tête, telle une couronne puis elle fit en sorte que cette tresse rejoigne la grande tresse inversée centrale qu'elle s'était déjà faite.

En se regardant dans le miroir, elle constata douloureusement la ressemblance frappante avec sa mère...

Subitement, elle repensa aux fois où elle tressait souvent ses sœurs et ses copines, mais aussi celles où sa mère la tressait... 

Le peigne lui glissa des mains, tandis que des larmes se mirent à couler sur ses joues. Son regard quant à lui, était perdu au loin.

Des souvenirs affluaient...

Les matins, lorsque le jour se levait, ce petit brouillard qu'il y avait alors ainsi que l'odeur fraîche de l'herbe... les arbres, plantes et fleurs s'agitant au vent... Les femmes du village y compris sa mère, ses sœurs et elle, allant toutes à la rivière pour se laver ou faire leur toilette et laver leurs enfants. Elles chantaient pendant l'aller et le retour. Les odeurs des repas préparés dans chaque cabane qui se mélangeaient et sentaient agréablement bon... son père, aux traits durs, impitoyable... les autres guerriers du village rentrant de la chasse et dont les fils les convoitaient tous aveuglement ses sœurs et elle. Il y avait une très grande convivialité. Tout le monde connaissait tout le monde et tout le monde causait avec tout le monde.

Sa mère Noujea était la fille unique d'un chef peul. Elle était très belle et souvent jalousée par certaines femmes du village dès son arrivée à Mabu. Mais la plupart des gens l'aimaient et l'admiraient. Elle s'énervait très rarement et était toujours calme, sereine comme Mary. Gobene et ses hommes avaient aidé le père de Noujea à repousser des envahisseurs venus d'un village voisin. Il vit ensuite Noujea et en tomba follement amoureux et il en fut de même pour Noujea.

Il demanda sa main à son père et celui-ci donna son consentement sans hésitation. Ils se marièrent là-bas puis Noujea suivit Gobene au village de Mabu dont il était le chef depuis le décès de son père.

Une année après, elle vint au monde, puis ce fut le tour de Sani sa cadette ensuite Rouna et missa...

Elle fut tirée de ses pensées lorsque Mary toqua à la porte de sa chambre.

Elle ramassa le peigne et se sécha vite les larmes, puis elle alla ouvrir mais Mary, tout en s'éloignant de la porte lui dit : « Kowitta ma chérie, je file sinon je vais être en retard... je suis de garde ce soir. Tu sais où me joindre n'est-ce pas ? »

¾ Oui, répondit-elle en anglais tout en s'efforçant d'égayer sa voix.

¾ Tu auras un invité « surprise » cet après-midi, lui dit Mary. A demain !

¾ A demain, Mary.

Un invité « surprise » ?

¾ Attend, Mary ! Je n'ai pas bien compris ce que... (La porte d'entrée de la maison se referma derrière Mary...) Mary ?

Elle sortit de sa chambre et Mary était déjà dehors.

La vieille dame se dirigeait hâtivement vers sa voiture.

Kowitta retourna dans sa chambre puis, d'un air abattu, elle referma la porte contre laquelle elle glissa et s'affala au sol.

Père... mère... mes sœurs chéries. Que vais-je faire sans vous ?

Elle se mit à sangloter. Elle avait tellement de peine en elle, tellement de colère...

Et sa mère... elle revit ce beau sourire que cette dernière lui avait adressé tout en lui disant qu'elle l'aimait et ce juste avant qu'elle ne se fasse déchiqueter et dévorer par son père transformé ainsi que d'autres infectés, tout cela devant ses yeux...

Par les anciens dieux ! Cette vision d'horreur allait la poursuivre toute sa vie !

Si seulement elle avait au moins pu faire le deuil des siens ! Si seulement !

Elle était en colère contre elle-même car ce jour-là, tétanisée et paralysée par la peur, elle n'avait rien pu faire... excepter crier, appelant sa mère de toute ses tripes bien que ce fut totalement inutile.

A présent il ne lui restait plus que des souvenirs... rien d'autre.

Elle continua de pleurer et se demanda si elle allait tenir le coup sans les siens. Ling, Mary, Jenny et toutes les autres étaient tellement adorables avec elle, mais cela suffisait-il ?

Qu'allait-elle devenir ?

Elle se releva et alla se laver le visage, le sécha puis se dirigea vers la cuisine. Un bon bol de céréales allait lui remonter le moral !

Une fois le ventre plein et la vaisselle faite, elle alla prendre ses bouquins d'apprentissage et son baladeur dans lequel étaient enregistrés multiples mots, expressions et phrases en anglais pour l'aider à la prononciation. Elle maîtrisait déjà l'alphabet, les syllabes et elle pouvait lire plusieurs mots.

Aujourd'hui était son jour de congés mais elle n'allait pas rester là, à ne rien faire... elle ne pouvait pas, ce n'était pas dans sa nature. 

Un nouveau monde - Les guerriers de Rudyr IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant