Il me semble que j'émerge... pas d'un rêve mais de ma propre conscience... Le temps s'est figé pour moi, la notion de jours, d'années, de siècles s'est estompé depuis ma mort... Je me demande depuis combien de temps j'ai quitté la terre. Une fois mort, on ne compte plus les secondes, les heures ; on ne compte plus, on ne raisonne plus, on existe juste. Il y a une vie après la mort ; à mon sens, du moins. J'existe, c'est tout ce que je sais. Je ne marche plus, je ne parle plus, je n'entends plus, mais je vois... Je vois le monde, je peux être partout dans le monde, et nulle part. Je vois tout le monde, personne ne me voit. Je regarde les époques défiler. La vie s'écoule à distance de moi, comme un film qu'on regarde distraitement.
Une fois mort, on perds progressivement ce qui fait notre humanité. D'abord, on oublie les sensations primaires comme le goût, le toucher, le chaud, les sons, ... Impossible de me souvenir de la saveur d'une orange, de la douceur de la soie, de la septième symphonie de Beethoven...
Puis, ce sont les souvenirs qui disparaissent peu à peu. En commençant par les plus anciens. Je n'ai plus aucun souvenirs de mon enfance, de mon adolescence. Seuls les souvenirs douloureux de ma fin me reviennent... Le jour de ma mort ! Je ne risque pas de l'oublier...
Et enfin, ce sont les émotions et les sentiments que nous avons pu ressentir sur terre qui s'en vont... L'amour, l'amitié, la haine, la peur, la souffrance... Tout cela ne m'évoque plus grand-chose...
Mais je mégarde.
Ce qui est important, c'est qu'une fois mort, nous pouvons potentiellement retrouver nos proches, leur parler comme avant. Mais uniquement à travers leur sommeil. Oui, le sommeil profond et paradoxal est l'expérience sur le plan terrestre qui se rapproche le plus de l'état de la vie après la mort...
J'arrive encore à me souvenir du nom que je portait avant : Anya.
Anya, c'est ainsi qu'on m'appelait autrefois.
Je suis née en Ukraine d'un père ouvrier et d'une prostituée. J'avais un petit frère qu'on appelait Jake.
Je me souviens du jour où j'ai rencontré l'homme responsable de mon grand malheur. Le jour où j'ai rencontré Sergueï et Konstantin.
J'aurais bientôt 16 ans. Depuis ma plus tendre enfance, tous vantent ma « beauté ». Quand j'avais 4 ans, le directeur d'une agence de mannequina a approché ma mère pour que je pose dans une de ses publicité idiote. Dès mes 12 ans, j'ai quotidiennement reçu mon lot de remarques indésirables et intrusives du genre « tu es bonne », « tu as un beau petit cul », « ton numéro, chérie », et j'en passe et des meilleures. À 14 ans, toutes les agences de mannequinat se battaient pour m'avoir.
Tout le monde me dis belle, être belle me définie. Aux yeux de tous, je ne suis pas intelligente, je ne suis pas fidèle, je ne suis pas aspirante manager, je suis juste « belle ».
Tout en buvant mon verre de « sex on the beach » avec mes copines, je me demande pourquoi le monde est à ce point obsédé par la beauté. On m'envie, on me jalouse, on me hait, tout cela sans me connaître. Parce que je suis une fille sexy on me drague, et parce qu'on me drague on est persuadé que je répond toujours favorablement aux attentes masculines. Je suis donc forcément une fille facile.
VOUS LISEZ
Le prix du passé (Jake is it love?)
ActionAvant de travailler à Carter Corporation, la vie de Jake Stewart n'a été qu'une longue suite de mauvaises décisions ayant entraîné de lourdes conséquences... Il en garde les cicatrices indélébiles, le prix du passé. Pourtant, sa rencontre avec Thal...