Thalia

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Je m'appuyais contre la fenêtre du taxis, me laissant aller à mes pensées. Je repensa à ce que je m'apprêtais à faire, et à ce qu'en dirait mes parents. Mes pauvres parents! Mon passé me revint brusquement en mémoire. Soudain, je remarqua que le conducteur était en train de m'observer avec intérêt à l'aide du rétroviseur. Je sursauta et me redressa, gênée. Je lissa les plis de ma jupe nerveusement. Il détourna le visage mais j'aperçus un sourire mutin sur ses lèvres :

- Et alors, qu'est ce qu'une jolie fille comme vous va faire à Carter Corp' ?

Je me mordillait la lève inférieure, nerveuse. Encore un dragueur invétéré ! Je ne pouvais décidément pas me fondre dans la masse, encore cette soi-disant « beauté » qui me collait à la peau ! Elle dont je ne me rends pas bien compte, et qui pourtant m'attirait constamment envie, concupiscence, jalousie, haine. Si les circonstances avaient été autres, si mon passé avait été différent, si j'avais été une autre personne, peut-être aurais-je pu être flattée d'attirer l'attention ; peut-être aurais-je pu devenir une fille facile, qui s'amuse à faire tomber les hommes comme des mouches, à les rendre accro avant de les jeter comme des produits périmés. Les choses airaient été différentes si j'avais passé mon adolescence à « profiter de ma jeunesse », au lieu de travailler sans arrêt. Durant mes années lycée, je me fichais pas mal de ces garçons qui me courraient après, et de leur copines qui me haïssaient en me traitant de « traînée ». Quelle blague ! Alors que je n'ai pas eu de petit copain avant mes 18 ans ! Certaines me trouvaient hautaine. C'était sans doute vrai d'une certaine façon. Je rêvais de devenir avocate, et pour y arriver, je mettais un point d'honneur à être la première de ma classe, et ce, dans toutes les matières intellectuelles. Pourtant je ne me voyais pas comme une fille « supérieure » aux autres. Plus mature et plus déterminée, oui. Tandis que mes camarades parlaient de chanteuses, d'acteurs, de vêtements et de films, moi je ne parlais que de Nietzsche, de Shakespeare, de Freud et d'Alan Turing. J'étais l'intello par excellence, puisque l'excellence je visais ! Toute petite, je me voyait déjà porter la robe noire des juges, préparer mon plaidoyer, éblouir les jurés par mon éloquence, ... sauver le futur des innocents et veiller à mettre les coupables en prison ! Je soupira. Hélas, on peut dire que rien ne s'est déroulé comme prévu. Mon présent n'a plus rien du futur utopique auquel j'aspirais. Ma vie est un désastre, je me contente d'en ramasser les lambeaux. Lambeaux de mon passé, j'ai peine à croire qu'ils soient mon présent et peur qu'ils deviennent mon avenir.

« Nous sommes arrivés, ma belle ! »

Je sursaute. Le chauffeur vient d'arrêter son taxis devant un bâtiment des plus luxueux. J'avale ma salive, plus nerveuse que jamais. Aujourd'hui est un grand jour, le premier de ma nouvelle vie. Reste à savoir ce qu'elle fera de moi. Je jette un coup d'œil au compteur. Curieux, il s'est arrêté sur « 10 euro » alors que nous roulons depuis près de 20 minutes. Je fronce les sourcils et jette un regard interrogateur au chauffeur. Ce dernier me fait un immense sourire horriblement enjôleur :

« Pour vous, beauté, c'est cadeau de la maison ! »

Je déglutit, mal à l'aise. À moitié chauve, le sourire carnassier, le rire gras, les mains pleines de cambouis, cet homme ne ressemble pas vraiment à celui qui peuple mes rêves les plus intimes. Je me force à sourire :

« Eu... Je... »

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Le prix du passé (Jake is it love?)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant